OCTOBRE 2004 : 

LE RAPPORT    THÉLOT

 

Un couperet lourd et affilé menace de tomber sur le statut de la langue française en France. En effet, désormais, notre langue, langue de notre Nation et langue de la République, comme le rappelle l’article 2 de notre Constitution, risque de ne plus être la seule et unique langue dont l’enseignement soit obligatoire dans nos écoles. 

Notre Nation aurait-elle été annexée par une puissance étrangère, aurions-nous été attaqués par une armée ennemie  qui, après nous avoir terrassés, nous imposerait son idiome ?  Non ! Foin de tout cela ! Il s’agit du rapport Thélot, un rapport qui nous est tombé dessus avec sa mortifère annonce au début du mois d’octobre, un Diên Biên Phu linguistique.

 C’est le Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, qui a demandé à M. Thélot, sombre inconnu jusque-là, de diriger une enquête  à l’échelon national afin de donner des recommandations au Gouvernement pour améliorer le système scolaire français. Soit dit en passant, était-il bien utile de dépenser  de l’argent pour une telle entreprise, comme si on ne connaissait pas les maux dont souffre notre système éducatif ?  Bref, pour les besoins de cette commission d’enquête, un vaste sondage fut organisé, des millions de formulaires furent distribués et 2600 débats sur le sujet furent organisés. Tout cela pour aboutir à la conclusion qu’il fallait créer, dès la classe de CE2 (8 ans),  un socle des savoirs indispensables : savoir lire, écrire, compter, maîtriser l’ordinateur et… , le nec plus ultra, vous l’avez deviné, apprendre l’anglais. 

En fait, il semble tout à fait évident maintenant, bonjour la manipulation, que cette enquête n’était qu’un prétexte pour officialiser l’anglais obligatoire dans nos écoles. Attention, pas n’importe quel anglais cependant, l’anglais « de communication internationale (sic) », rappelant ainsi, mine de rien, aux Français  qui ne le savaient pas encore, que leur langue n’est plus internationale, qu’elle est devenue un patois dans l’Europe anglomaquée et que les 52 pays qui forment la francophonie mondiale ne sont, en fait, que des crevards qu’il faut oublier.  

Mais les membres de la commission Thélot, en bons serviteurs de l’anglais mondialisant, sont loin de penser à tout ça. Au contraire, ils ont même poussé le bouchon de l’anglofolie un peu plus loin, en proposant de ne plus doubler les séries et  les films américains qui passeront à la télévision, mais de les sous-titrer pour qu’ainsi, jusque dans la plus petite et plus isolée chaumière de France, tout un chacun puisse s’imbiber d’anglais. C’est qu’ils sont vicieux nos commissionneurs  puisqu’ils sont allés constater que cette façon involontaire d’apprendre l’anglais se pratiquait en Grèce, aux Pays-Bas et en Scandinavie, où il n’est pas « rentable », eu égard à leur faible nombre numérique, de doubler les productions américaines. Et d’en conclure que dans leur malheur, ces petits pays, sans moyens financiers pour doubler quoi que ce soit dans leur langue respective, ont la «chance» grâce à cela d'avoir un niveau d’anglais nettement supérieur au nôtre. La Commission recommande donc d’inscrire dans le cahier des charges des chaînes de télévision « l’obligation de recourir au sous-titrage plutôt qu’au doublage (sic) »

S’il est vrai que l’anglais est actuellement la langue la plus utilisée dans la communication entre personnes de langues différentes,  la clique à Thélot s’est-elle posé pour autant la question du comment du pourquoi de cette situation ? Les États-Unis d’Amérique n’auraient-ils pas tout fait pour en arriver à cette suprématie, en sachant pertinemment que si le monde adopte leur langue, il adoptera aussi leur mode de vie et de pensée, d’où des bénéfices substantiels pour leurs industries et une hégémonie toujours plus croissante sur les affaires du monde ? 

Pourquoi les à-plat-ventristes de l’équipe Thélot feignent-ils de ne pas connaître le rapport américain appelé l' « Anglo-American Conference Report 1961 », rapport qui vise par le biais de la langue,  " l'anglais doit devenir la langue dominante (sic) "  à imposer de nouvelles structures mentales, " une autre vision du monde (resic) " ? Dans ces conditions est-ce alors la mission de l’État français de cautionner et de renforcer  la politique linguistique de l’Oncle Sam ? Le rapport Thélot est en cela une injure, une infamie et une trahison. 

 

 

Bien triste de constater aussi que ce rapport ne tient compte que de la situation linguistique du moment. Oubliant le fameux précepte que gouverner, c’est prévoir, les sbires de la commission auraient pu essayer de faire l’effort d’anticiper les marchés de demain — si tant est qu’il faille s’occuper de marchés en matière d’éducation de nos enfants —  et ne pas nous  mettre, une fois encore, dans la situation d’être en retard d’une guerre, bonjour la ligne Maginot linguistique ! 

Se dire, par exemple, que ceux qui maîtriseront le chinois ou le japonais auront les portes grandes ouvertes du marché asiatique, se dire que si la Russie arrive à sortir de sa gangue politico-mafieuse, le russe ne serait pas à dédaigner non plus, tout comme l’espagnol, si l’Amérique centrale et du Sud parviennent à plus de stabilité économique et politique. Se dire surtout que l’on va à l’école pour apprendre à réfléchir et à penser et non pour s’aliéner sur la culture dominante du plus fort du moment. Se dire que la richesse du monde, c’est sa diversité culturelle et linguistique et que tout ramener  à une seule langue, c’est participer à un génocide et se préparer à la dictature.

Enfin, en nous abandonnant à l’anglais, quel exemple donne-t-on aux autres pays européens ? À coup sûr, ils abandonneront le peu de français qu’ils savent encore, et l’Europe n 'aura plus qu’à sombrer dans l’anglophonie. Tant qu’à faire, on se demande même pourquoi Thélot et sa bande ne suggèrent pas que chaque Français épouse une Américaine et vice-versa pour que le couple ainsi formé élève ses enfants directement en anglais, sans passer par la case français, puisque notre idiome va devenir inutile dans la grande Europe anglophone de demain.

Bref, pour avoir pensé, dit et écrit que  l’anglais doit devenir obligatoire dans toutes les écoles de France, les membres de la commission Thélot nous prouvent bien que le mal est profond, que la colonisation des esprits a atteint son paroxysme. Depuis les accords Blum-Byrnes de 1946 qui introduisaient en France un quota de films américains, à la proposition Thélot d’utiliser les films américains en version originale pour mieux apprendre l’anglais, il y a un gouffre. On avait manifesté contre les accords Blum-Byrnes, manifestera-t-on contre le projet Thélot de ne plus doubler les films américains en français ? -  J’en suis moins sûr.

Quoi qu’il en soit, il va falloir se battre contre ce projet honteux. Il va falloir se battre bec et ongles pour que l’anglais ne devienne pas obligatoire dans notre système éducatif. Pour cela, je vous invite tous à écrire partout et massivement pour montrer votre total désaccord sur ce point précis du rapport Thélot, du Président de la République à l’instituteur de l’école de votre quartier, en passant par votre député, votre sénateur, votre maire, etc. Écrivez aussi aux ambassades d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, de Russie, etc.,  pour dire combien serait discriminatoire à l’égard de leur langue, le fait que l’anglais ait un statut privilégié dans le système scolaire français. Précisez-leur également qu’il n’est pas normal que l’Europe se construise sur la langue des Américains.

Le combat est engagé, ne reculons pas. Devant la dictature de l’anglais qui se met en place,  soyons plus fermes que jamais.

   

 

Régis Ravat,

Le Président de l’A.FR.AV.