TROISIÈME TRIMESTRE 1996 «La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 05

         

1960,  l'Afrique Libre ?

 

Votre article sur Djibouti, dans le nº 4 de Fraterniphonie, est bien révélateur de la politique française en Afrique noire.

Cette politique je la connais bien pour avoir assisté en “direct” aux indépendances des années 60.

À l'époque, certains députés africains réclamaient, pour leur pays, la départementalisation. Des référendums en Afrique avaient alors été organisés qui allaient dans ce sens, mais bien vite les autorités françaises du moment firent arrêter ces consultations démocratiques, car elles montraient toutes, preuves à l'appui, que les Africains n'étaient pas tous convaincus des bienfaits de l'indépendance immédiate.
Cependant Paris en avait décidé autrement, l'heure était aux libérations nationales et il fallait décoloniser coûte que coûte, même contre l'avis des populations. En fait on a fait qu'appliquer le vieil adage de Karl Marx : imposer au peuple aliéné et ignorant, la suprême solution.

Les députés de droite étaient satisfaits : on ne courait plus désormais le risque d'avoir une majorité de députés Noirs à l'Assemblée et au Sénat. Fini la négrification de la France, tant décriée outre-Rhin du temps des Nazis.

Les députés de gauche étaient satisfaits eux aussi, en vertu des grands principes des Droits de l'Homme, que tout peuple doit disposer de lui-même.

Bref tout le monde était content, sauf peut-être les Africains, mais était-ce vraiment le problème ?

Les grugés dans l'affaire ce furent eux bien évidemment; de pays colonisés qu'ils étaient, ils passèrent à une sorte de colonisation virtuelle : libres sur le papier mais dépendants dans la réalité.

Les indépendances n'étaient en fait qu'une vaste fumisterie, question pour la France de faire bonne impression à l'ONU, question surtout de lui ôter toute responsabilité future dans l'état de misère et de sous-développement des populations et de lui enlever toute obligation morale de les en sortir.

La suite nous la connaissons :

On a mis à la tête de chaque état des militaires-dictateurs payés par la France via l'aide publique au développement (APD).

 

 

 

Grâce à un certain manque de curiosité de la France, Mobutu au Zaïre, Traoré au Mali, Ratsivaka à Madagascar, Bongo au Gabon, Houphouët - Boigny en Côte-d'Ivoire ou Biya au Cameroun ont pu ainsi détourner l'Aide et mettre à leur service personnel l'économie de leur pays ( au Cameroun, les recettes pétrolières n'apparaissent pas dans le budget de l'État, pas plus que les revenus des diamants au Zaïre )(1).

L'ancienne AOF devint “domaine réservé”, appelé “champs” ou “pré carré” où les investisseurs étrangers autres que français étaient mal venus et la coopération multilatérales prohibée.

Jean-Louis Roy, secrétaire général de l'Agence Coopération Culturelle et Technique ( ACCT ) en sait quelque chose, lui, qui au nom de la Francophonie multilatérale a tenté de casser le monopole français en Afrique francophone en essayant, notamment, d'y introduire des investisseurs canadiens. Bien mal lui en a pris : il a failli être viré de son poste.

L'idée d'aider les Africains à créer les États-Unis d'Afrique me semble être une bonne chose; ce projet ferait, enfin, honneur à la France et à la Francophonie institutionnelle car la vraie décolonisation ce serait celle-là.

La langue française pourrait alors servir de vecteur unificateur comme elle l'a fait en France aux temps passés.
Bien sûr, certains esprits critiques diront que le français est un vestige du colonialisme français, mais en France, après tout, le français n'est-il pas issu, entre latin et grec, d'un vestige de l'invasion et de la colonisation gallo-romaine ?

Quoi qu'il en soit, si ce n'est pas le français qui est pris, ce sera l'anglais. À choisir entre deux impérialismes, autant prendre celui qui ne menace pas la planète tout entière d'uniformisation, celui qui est le moins virulent et celui qui permettra aux identités africaines de s'épanouir au mieux de leurs intérêts.

                               M. H.V. ( 13 ) Marseille. 


(1)
Source : “L'aide publique au développement” de Verschave et Boisgallais.

 

NDLR : Nous vous rappelons que l'A.FR.AV. est une association apolitique dans le sens où elle n'appartient à aucun parti politique et que nous ne travaillons pour aucun d'eux. Cela ne nous empêche pas toutefois, d'émettre des opinions, par le biais de notre Conseil ou par le biais de nos adhérents.

Nous ne sommes fermés à aucune critique et le droit de réponse est un droit effectif à l'A.FR.AV.

Vos remarques, après ce texte sulfureux, seront donc toutes publiées (si vous le désirez).

 

Haut de page