QUATRIÈME TRIMESTRE 1997

« La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 10

              

Diana ou Anjouan ? 

 

L'accident qui a coûté la vie à la Princesse Lady Diana, alias Mme Spencer, a fait la une des médias ces derniers temps. La France républicaine, celle qui a théoriquement aboli les privilèges en abolissant la monarchie, s'est sentie du coup orpheline et a pleuré à gros sanglots la royale disparition. Pour expliquer ce tragique accident, des reportages par dizaines, des heures d'explication et des palabres de journalistes à n'en plus finir, sont venus s'installer sur toutes les chaînes de télévision, sur toutes les ondes de radios et dans tous les journaux. Pendant ce temps, à l'autre bout du monde, plus précisément du côté des Comores, totalement occultés ou presque, des hommes, des femmes et des enfants réclamaient à cor et à cri, l'aide de la France.

 

Anjouan, et si, au lieu de brandir le drapeau français, 

il brandissait celui de l'Union francophone ?

 

 

Malheureusement, commotionnés par l'accident princier, les Français ne les ont pas entendus.

Aurait-il fallu alors que ces messieurs et dames d'Outre-mer s'expriment plutôt en anglais et passent leurs messages sur la BBC ou sur CNN pour qu'ils aient eu une chance d'être entendus ? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, force est de constater que notre pays a si peur de se faire traiter de néocolonialiste qu'il préfère céder la place sur le terrain, comme il l'a déjà fait au profit des États-Uniens au Zaïre, au Rwanda et au Burundi. Désormais, l'Union européenne semble être son seul pôle d'intérêts, son unique ambition, sa seule échappatoire, sa ligne Maginot de l'an 2000 en quelque sorte, négligeant pour ce faire d'autres solutions, d'autres stratégies.

Si notre cher Président avait un peu d'amour pour notre langue, pour la Francophonie et pour les peuples qui la font, il serait allé sur l'île d'Anjouan, à Moutsamoudou sa capitale, accompagné du Président des Comores, Monsieur Mohamed Abdoulkarim Taki et il aurait dit dans un vibrant discours commençant par un « je-vous-ai-compris », que ce n'était pas le drapeau de la France qu'il fallait brandir ici, mais plutôt celui de l'Union francophone, et que c'est par le biais de cette union qu'il fallait entrevoir l'avenir. « Soyez présents au prochain Sommet de la Francophonie, faites-vous entendre, forcez le dialogue Nord-Sud et défendez l'Union francophone comme en France on défend l'Union européenne », aurait-il pu ajouter.

Mais ne nous voilons pas la face; nous savons que notre Président n'est pas un adepte de la francophonie : notre affaire récente avec le drapeau francophone nous l'a bien prouvé, nous qui espérions, pauvres candides, qu'il daigne le placer à côté des drapeaux européen et français lors de ses interventions officielles.

Nous savons aussi que nombreuses sont les personnes en France qui pensent que l'amour des Anjouanais pour notre pays, c'est surtout leur amour pour le RMI(1), les allocations de chômage et les allocations familiales, comme d'autres pensent encore que les aider, ce serait retourner au temps du colonialisme de grand-papa. 

À nous, donc, de balayer d'un revers de la main, toutes ces allégations une bonne fois pour toutes et de lancer, de promouvoir et de défendre l'Union francophone, celle-ci, bien évidemment, établie sur des bases de mutuel respect, de franche coopération librement définie, d'un vrai partenariat, d'échanges multi-latéraux, etc.

En rêvant toujours, l'on peut imaginer que notre Président quittant Anjouan après son accueil triomphal et ayant rassuré le Président Mohamed Abdoulkarim Taki de l'intégrité de son archipel, prenne la direction de l'île de Madagascar toute proche, question d'aller féliciter Mesdames Hanitri-niaina Rakotondrabé, Nicole Ramalalanirina, Denisa Costescu, Isabelle Surprenant, Valérie Guyoule Sophie Lutyn, et Messieurs Olivier Zirignon, Arthémon Hatungimana, Cheikh Touré, Grasu Costel, Pascal Fétizon, Bouna Diop pour leurs médailles d'or et d'une façon générale tous les athlètes et artistes pour leur présence aux 3e Jeux de la Francophonie.

Eh oui ! pendant qu'on nous parlait à profusion de l'accident d'une Britannique, de son amant et de son chauffeur et qu'Elton John, pleurant l'événement, en profitait pour lancer sur la planète entière une chanson de plus en anglais, se déroulaient dans un pays de l'Espace francophone, totalement oubliés des médias, les 3e Jeux de la Francophonie. 

Décidément, les voies du français sont impénétrables.

 

                                                                                                       Régis Ravat,

                                                                                                            Président de l'A.FR.AV.

 

 

(1) Revenu Minimal d'Insertion

 

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