TROISIÈME TRIMESTRE 1999 « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 17

              

Rayonnement de la France, ... en anglais !

 

Voici les propos fort attristants du capitaine CHEVREUIL, parus dans la revue de l'armée française « Armée d'aujourd'hui » No 241 du mois de juin 1999.


Jusqu'où irons-nous au nom de la francophonie ? 

 

Si la question se pose aujourd'hui, c'est parce que les attitudes «aultranationalistes » pourraient se multiplier dans notre Institution (1) au nom de la préservation d'une culture et d'un modèle français.

COCORICO ! Je parle français et j'en suis fier. Les suppôts du verbiage anglo-saxon n'ont qu'à bien se tenir. Au nom de nos valeurs , au nom de notre histoire, au nom d'un certain rang, nous refusons de parler l'anglais et de l'apprendre.

L'ennemi ne viendrait-il plus de l'Est mais de l'Ouest ?  La prédominance de la langue anglaise nous effraie-t-elle à ce point ? Quel avenir réservons-nous à notre pays, si nous nous fermons à la deuxième langue du reste du monde ?

Tout le monde parle anglais, c'est la langue du commerce, de l'informatique et d'Internet ; c'est la langue indispensable à nos pilotes, nos chercheurs, nos ingénieurs ; c'est la langue de la culture, des échanges et de la communication.

C'est surtout la langue des diplomates, des “Peacekeepers”, des “Military Observers”, des “Liaison Officiers” et autres “Military Attachés”.

Il en fallait une pour unir les nations, une pour tendre vers l'universalité. Cela aurait pu être le langage des signes, mais il est un peu trop compliqué. Cela aurait pu rester le français, mais le rayonnement de notre langue a disparu avec notre empire.
C'est l'anglais..., c'est tout... et il faudra s'en accommoder.

Si la défense de notre héritage linguistique doit nous préoccuper, c'est avant tout le rayonnement de la France qui doit rester prioritaire, et si ce rayonnement doit se faire en anglais, il ne faut pas hésiter.

Les Anglo-Saxons sont « agressifs » et s'imposent partout par le biais de la communication, du commerce et de la culture. Ils attirent chez eux la partie la plus dynamique de notre jeunesse, nos élites, nos cerveaux ; un journal britannique n'avait-il pas titré « France, chômage : la lumière au bout du tunnel... sous la Manche ! ». 40 000 « cartes vertes » cette année pour les ingénieurs en informatique qui veulent s'expatrier aux É.-U.A. ... Des cours d'informatique gratuits et en anglais dans le Cambodge pacifié de 1993 et des centaines de jeunes instituteurs anglais envoyés dans les provinces.

Là-bas pendant que le Mékong, le journal en langue française de l'Asie du Sud-est, rendait l'âme, les étudiants khmers quittaient les classes françaises et allaient acheter leurs livres dans la « rue anglaise » où étaient déchargés des conteneurs entiers d'ouvrages scolaires anglais, et Phnom Penh, que traversait parfois un des autobus ou une des bennes à ordures offerts par la ville de Paris, se mettait à l'anglais...

Il va peut-être falloir envisager de cesser de larmoyer ou de pleurer sur notre sort. La vie et le monde ne sont que compétition. Aucun « Marine » ne vous force, M16 au poing, à manger un “Big Mac”, à regarder Saving Private Ryan, à fêter Halloween et à faire du roller en Blue jeans, la casquette de base-ball à six heures et le porte-monnaie au bout d'une chaîne.

Quel avenir, quel futur pour un pays qui préfère se plaindre du dynamisme plutôt que de réagir, de faire un effort ? « Ne touchez pas aux acquis... linguistiques » du début du siècle. Laissez-nous dominer le monde avec notre belle langue. S'il vous plaît, que quelqu'un fasse notre travail, à l'image des Québécois qui ont défendu notre accentuation sur Internet.

 

    (1) Ici, il s'agit de l'Armée française. 

 

De maladresses en erreurs, nous sommes en train de nuire à l'image de marque de la France en général et de notre Institution (1) en particulier. Les anglophobes sont encouragés dans leurs comportements les plus simplistes, et il n'est pas rare d'entendre glorifier le patriotisme de ceux qui (par défaut ?) se refusent à apprendre cette langue de l'impérialisme anglo-saxon.

Pire, certains de nos personnels à l'étranger se sentent même parfois investis d'une seule mission, quasi divine, la sauvegarde de notre langue.

Peut-on être compétent en français dans une organisation internationale ou en milieu anglo-saxon ? 
Peut-on rayonner en français avec un Polonais, un Bulgare, un Italien ou un Argentin ?

Peut-on communiquer en français en Russie, aux États-Unis d'Amérique, en Roumanie ou au Kosovo ?

Je ne le pense pas, car la communication est à la base de la compétence exigée en opération extérieure et à l'étranger (compréhension, échanges...). Seul dans sa langue, on ne communique pas : on parle.

Cette situation, la prédominance de l'anglais, est à la fois dommageable pour notre ego et regrettable pour notre langue. Mais l'isolationnisme linguistique est-il une solution, et ne vaut-il pas mieux soigner notre ego en prouvant que “France” rime toujours avec « culture », en prenant l'avantage et en apprenant la langue honnie ?


Rayonnement - Narcissisme
Culture - Ignorance
Grandeur - Insignifiance
FRANCE - France

 

Faites votre choix, la France paiera la facture.
Le mien est fait, simplement, avec fierté, pour défendre en anglais s'il le faut, mon identité, ma culture, ma spécificité et ma compétence.

Le ridicule ne tue plus depuis longtemps et nombreux sont ceux qui, sans le savoir, ont été mis « sur la touche », écartés des débats et des responsabilités, condamnés pour « inutilité ».

« Au suivant, mais sans moi ! »

 

                          Capitaine Éric Chevreuil

                          de l'Armée française.

 

Après ces propos dignes d'un Waterloo culturel, il serait peut-être bon de se rappeler un principe fondamental valable pour toutes les armées du monde : le défaitisme est interdit chez les militaires.

En conséquence de quoi, osons demander que le capitaine Chevreuil soit sanctionné.
Écrire pour cela au Président de la République, chef des Armées, et au ministre de la Défense.
(La lettre la plus pertinente sera publiée.)

 

M. Alain Richard

Ministre de la défense

14, rue Saint-Dominique

75007 Paris

 

Monsieur le Président de la République

Palais de l'Élysée

75008 Paris

Vous pouvez écrire au Président de la République sans timbrer.

(art. 38 du 29/12/90 et art. D73 du code des PTT)

 

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