QUATRIÈME TRIMESTRE 2003 « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 34

              

Francophonie à  Hanoï

 

   Dans le cadre de son inauguration, le nouveau centre culturel de Hanoï a invité quelques conférenciers hors du commun. C'est ainsi que nous avons eu, jeudi 23 octobre, une conférence de Jean-Marie Lehn, Prix Nobel de chimie 87 pour son travail sur les cryptâtes. Sa conférence portait sur la chimie et le passage de l'inerte au vivant et était extrêmement intéressante. L'élocution de Jean-Marie Lehn est excellente. Son français était parfait. Pas d'anglicismes ni de mots anglais non traduits, pas de charabia pseudo-scientifique à la mode, mais il utilisait un support de présentation, sur transparents, dont plus de la moitié était en anglais !

   Il est probable que J.-M. Lehn sera invité à faire bon nombre de conférences en anglais et il est normal qu'il ait préparé un support de présentation en anglais, mais je ne vois pas pourquoi il n'en a pas préparé un aussi en français en priorité, d'autant plus que ses transparents en anglais n'étaient constitués que de textes de quelques lignes en gros caractères...

   Bien entendu, il n'est pas difficile pour moi de passer de "structural chemistry" à « chimie structuralea» ou autre traduction similaire. Toutefois, un support de présentation entièrement ou partiellement en anglais semble souligner que ce professeur prestigieux a besoin pour travailler d'une langue qui n'est pas la sienne. Je ne pense pas que cette association soit consciente dans la tête de l'auditoire. Il n'empêche qu'on la fait au moins inconsciemment. Si un Prix Nobel tel que Jean-Marie Lehn affiche le besoin d'un support de présentation en anglais, c'est que cette langue doit certainement avoir un caractère indispensable. Sans le savoir, Jean-Marie Lehn a donc probablement valorisé le rôle de l'anglais durant sa présentation à l'espace culturel français de Hanoï dont le rôle, pourtant, est de promouvoir la langue et de la culture françaises et certainement pas de renforcer l'anglais qui est déjà prédominant au Vietnam.

   Par légèreté, par inconscience le plus souvent, c'est ainsi que l'effet escompté d'une action en faveur du développement du français se perd par la fenêtre. Pourquoi donc, l'espace culturel et l'ambassade de France n'ont-ils pas souligné à M. J.-M. Lehn que sa présentation en français devait être ENTIÈREMENT en français, c'est-à-dire AUSSI avec un support en français ? Oubli ? Négligence ?

   Ce qui est sûr, c'est que les Français perdent des réflexes qui auraient été automatiques autrefois. Le Français de 1930, ou même celui de l'après-guerre immédiat, qu'il soit scientifique ou économiste, ne se serait jamais soumis au diktat de la langue unique. Pour lui, il était évident qu'écrire en français et penser en français étaient indissociables de la qualité du travail à accomplir et indissociables de l'identité de son auteur. Cela ne dispensait en rien de l'apprentissage des langues étrangères, bien sûr !

                      

M. Charles-Xavier Durand

COURRIEL : Charles.Durand@utbm.fr

 

 

 

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