PREMIER TRIMESTRE 2007 « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 47

              

Référendum au Québec : résultat louche 

 

LE QUÉBEC A-T-IL VRAIMENT PERDU LE RÉFÉRENDUM DE 1995 ?

 Le 30 octobre 1995, le Québec votait NON à l’indépendance et le OUI échouait à 26 000 voix près. Le scandale des « Commandites » comme on dit au Québec (des « sponsorisations », des parrainages), qui vient de rebondir, repose la question des irrégularités graves du vote de 1995.

 Dès 1993, le Gouvernement fédéral du Canada signa avec diverses agences de publicité des contrats fabuleux en vue de « promouvoir l’image du Canada ». En février 2004, la Vérificatrice Générale du Canada (à la tête d’une sorte de Cour des Comptes), dénonçait le caractère irrégulier de ces marchés publics portant sur 120 millions (près d’un milliard d’anciens francs français ou 5 milliards d’anciens francs belges), dont la moitié au Québec. Les officines arrosées sont liées au Parti Libéral du Canada au pouvoir depuis 1993. Mais ce scandale se double d’un autre (et les chiffres pourraient encore être jusqu’à huit fois plus élevés…).

Les irrégularités dans le référendum sur l’indépendance

   Depuis la première accession au pouvoir du Parti Québécois (PQ), le 20 novembre 1976, le Québec tente d’arracher son indépendance par la voie du référendum. Un premier référendum organisé le 20 mai 1980 donna 40 % au OUI et, déjà alors, la quasi-majorité dans la population québécoise francophone. On ignore généralement en effet que les Québécois anglophones, bien que vivant dans un État fédéré dont la langue officielle est le français, disposent d’un enseignement complet en anglais (de la maternelle à l’université), l’un des éléments qui leur permet de vivre au Québec dans une autre langue que celle du pays. Or les Québécois anglophones votent à 95 % NON aux référendums de souveraineté et en faveur du Parti Libéral du Québec, qui agit parfois en nationaliste (1), mais reste partisan du maintien du Québec dans le Canada. Le 30 octobre 1995, un nouveau référendum organisé par le Gouvernement PQ de Jacques Parizeau. donna le OUI à 49,6 %, la majorité absolue étant ainsi manquée de 26 000 voix seulement.

Depuis lors, les Québécois s’interrogent sur la régularité de ce scrutin. Comme État fédéré, le Québec a voté des lois qui organisent les dépenses électorales et notamment une stricte égalité de celles-ci entre le camp du OUI et du NON en cas de référendum. Mais l’État fédéral canadien n’est pas tenu de respecter les lois québécoises. Chose étrange, car même dans un État unitaire, le pouvoir central respecte les règlements des pouvoirs locaux et l’État fédéral belge, par exemple, ne pourrait en aucun cas violer les lois de l’État régional wallon, entre autres.

 Fort de cette prérogative, estimant l’unité du Canada en danger, le Gouvernement canadien loua à haut prix, l’ensemble des panneaux électoraux québécois (ces panneaux servirent durant toute la campagne électorale à faire l’éloge des services des ministères fédéraux du Canada), et intervint lourdement dans la campagne électorale québécoise, doublant sinon triplant par son intervention les sommes dépensées en faveur du NON (2). Il organisa à très grands frais à Montréal, une vaste manifestation en faveur du NON à l’indépendance, la veille du scrutin.

 Mais à ces irrégularités s’en ajoutent d’autres. Les journaux québécois ont plusieurs fois fait remarquer que le nombre de naturalisations avait brusquement augmenté de 87 % l’année du référendum de 1995 (3).

Le Canada, comme les États-Unis, mène une politique d’immigration avec une sorte d’examen pour obtenir la citoyenneté canadienne sur les données élémentaires de la vie politique nationale. Cette épreuve fut fortement allégée dans les mois qui précédèrent le 30 octobre 1995, au point que certains candidats, incapables de parler le français ou l’anglais, la réussirent, devenant par là aptes à voter. Ces personnes, relativement insécurisées comme le sont tous les immigrants, furent ensuite averties le jour même, solennellement (l’épreuve est supervisée par des juges), du danger que le référendum du PQ faisait courir au pays dont elles venaient d’acquérir la citoyenneté. On estime que près de 30 000 nouveaux électeurs furent influencés de cette manière. À ces voix s’ajoutent 300 000 autres voix également soupçonnables sinon suspectes : en abusant de dispositions légales, on permit à d’anciens habitants du Québec (souvent des anglophones), d’y revenir y voter quoique ne désirant plus y faire leur rentrée définitive. La Direction Générale des Élections de l’État canadien a examiné, après octobre 1995, les cas de ces électeurs et a conclu que    200 000 d’entre eux demeuraient « intraçables », comme les fameux « morts qui votent ».

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Ces trois irrégularités (dépenses électorales abusives, pressions sur les immigrés, vote d’électeurs sans réel droit de vote), permettent de dire que le Québec, dans des conditions normales, aurait approuvé son indépendance.

Un vote « banal », une avancée inégalée

Le journal la Presse estimait cependant que les dépenses électorales indues de l’État canadien n’avaient pas joué un rôle déterminant. Le journal ajoutait que même en cas de légère victoire du OUI, celle-ci n’aurait pas permis de fonder un pays, les 50 % + 1 d’une majorité électorale n’y pouvant suffire. Pourtant, bien que tous les États démocratiques souverains s’estiment fondés sur la volonté de leur peuple, il n’en est aucun qui ait été initié, de manière absolue ou formelle, comme ce serait le cas au Québec, par un vote référendaire. Il y a eu de très nombreux référendums d’indépendance. Mais des référendums qui ne faisaient qu’entériner une indépendance déjà acquise (l’Algérie, les anciens États fédérés dans l’ex-Yougoslavie, etc.).

La Démocratie, bonne ouvrière, se sert de nombreux instruments dont le référendum n’est pas l’outil exclusif que certains imaginent. Mais l’utilisation de cet outil apparaît comme très emblématique de la théorie universelle des États démocratiques incluant cette prétention légitime à se fonder sur la volonté populaire. Dans le cas du Québec, la paix publique, l’ancienneté des traditions démocratiques à coloration britannique, la réflexion immémoriale sur les droits de la nation québécoise rendent le référendum particulièrement approprié.

 Le fait même que son résultat ne pourra jamais être qu’une majorité du type « 50 % + un » authentifie la démarche, car les démocraties adultes ne dégagent jamais que des majorités absolues courtes lors d’élections régulières (4). Les États démocratiques souverains supposent qu’ils disposent d’une base plus large que ce    « 50 % + un ». Mais aucun de ces États n’a jamais soumis (ou pu soumettre), cette supposition à la vérification, en quelque sorte expérimentale, d’un vote favorable obtenu lors d’une consultation régulière, soit ce que l’on pourrait appeler la routine de la vie pour les démocraties.

 On peut donc penser que le référendum de 1995 a été    « volé » aux Québécois. Et qu’il l’a été par un Gouvernement fédéral canadien estimant que l’intérêt fédéral prime sur le caractère hasardeux d’une consultation directe des citoyens. Mais alors, on peut dire aussi, sans surestimer le recours au référendum, que le Canada a empêché une expérience totalement inédite : l’acquisition de l’indépendance au cours d’une procédure électorale qui, paradoxalement, parce que « banale », aurait constitué une avancée inégalée.

Mais nous sommes de ceux qui pensent que l’Histoire n’a pas dit son dernier mot.

 

 Texte de José Fontaine, Directeur de la revue wallonne TOUDI ; Thierry Haumont, Écrivain wallon, Prix Rossel ;  
Alfred Mignot, Secrétaire général du FFI, éditeur de voxlatina.com ; Gilles Rhéaume, Directeur de l'Institut d'études des politiques linguistiques, ancien président de la Conférence internationale des peuples de langue française et du Mouvement national des Québécois ; René-Marcel Sauvé, Géographe, spécialisé en géopolitique, militaire de carrière et auteur de Géopolitique et avenir du Québec (Montréal. Guérin. 1994) ; Albert Salon, Président du FFI (Forum Francophone International)


   1 - Le 30 octobre 2003, dans une motion votée même par les Libéraux majoritaires (pourtant opposés à l’indépendance du Québec), le Parlement de Québec (dont le titre officiel est « Assemblée nationale »), déclare à l’unanimité « que le Québec est une nation ».

2 - L’ancien Premier Ministre Jacques Parizeau estime même que l’État fédéral canadien multiplia par cinq les dépenses légalement autorisées pour la campagne du NON.

3 - Le Professeur Gilles Rhéaume déposa même un mémoire à   l’ONU en 2000.

4 - Le cas de l’élection de Jacques Chirac contre Le Pen est une exception qui confirme la règle ou certains référendums proposés par le Général de Gaulle comme l’un de ceux concernant l’autodétermination de l’Algérie.

5 - L’ancien Premier Ministre Jacques Parizeau, le « vaincu » de 1995, propose une autre voie, celle d’une élection des députés au Parlement du Québec qui leur donnerait mandat pour entamer le processus d’acquisition de l’indépendance par la voie parlementaire. Mais même dans ce cas de figure, le Québec innoverait et le vol du référendum en 1995 légitimerait cette accession à l’indépendance d’une manière inédite.

 

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Claude Lellouche, député des Hauts-de-Seine et conseiller de Nicolas Sarkozy s’indigna que Ségolène Royal eût pu parler de souveraineté du Québec,  alors que par deux fois, par référendum, le peuple québécois avait dit NON à l’indépendance.

  Le texte, ci-dessus, montre qu’il y a eu des irrégularités au dernier référendum, des irrégularités qui ont très certainement empêché le OUI de triompher.

 

Il est à craindre, hélas, que, diplômé d’Harvard, prestigieuse université étatsunienne,  M. Lellouche préfère puiser son information dans la presse anglophone de Washington plutôt que dans celle francophone de Montréal.

 On a les renseignements qu’on mérite.

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