PREMIER TRIMESTRE 2007 « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 47

              

La monarchie belge défend-elle la langue française ? 

 

La Flandre reproche à la dynastie des Saxe-Cobourg d'être francophone ...

Et pourtant, il semble qu'elle ait de moins en moins de motifs de se plaindre. J'évoquerai un incident diplomatique récent que d'aucuns qualifieront d'anecdotique. Au risque de fâcher les dévots, j'en parlerai quand même. Il n'est pas question ici de mesquinerie, et la « petite histoire » est souvent révélatrice de grandes vérités.

Ce qui est en cause, c'est notre langue.

L'affaire se passe à Bucarest, capitale de la Roumanie, un certain 13 décembre 2006.

Le prince Philippe (NDLR : Fils d’Albert II, roi des Belges) accompagne une mission commerciale « belge » composée d'hommes d'affaires, de diplomates, de fonctionnaires régionaux. Séance de travail, discours. Vient le tour du ministre roumain du Commerce. Il commence en français, mais avec une interrogation :

« ... Si vous me permettez de parler dans cette langue ... » Il se tourne alors vers un interlocuteur que nous ne connaissons pas, tandis que des « toussotements » plus ou moins vigoureux (et misérables) s'élèvent dans la salle, émis par des hommes d'affaires flamands. Le ministre reprend : « ...Je poursuivrai donc en anglais ».

Le prince ne bronche pas. Et pour cause, on lui a sans doute expliqué que tout cela est normal.

Peu nous chaut de savoir qui a fait comprendre à l'éminence roumaine qu'il devait parler en anglais. Un membre du cabinet du prince, un agent de la cellule fédérale chargée de le cornaquer, ou  « notre » très belgicain ambassadeur de Belgique à Bucarest ?

Peu importe, car la question importante est de savoir pourquoi le fils du chef de l'État a été ou s'est cru obligé de couvrir un camouflet dirigé contre l'une de nos deux principales langues « nationales ». Camouflet doublé d'un grossier soufflet diplomatique donné à un ministre en exercice, chez lui.

Je précise : à un ministre qui a la courtoisie de s'adresser à nous dans une de nos langues. À un ministre dont le pays est un membre militant de l'O.I.F., l'Organisation internationale de la Francophonie. Un ministre, enfin, qui représente un pays comptant un taux exceptionnel de locuteurs francophones (25 %), et constitue l'un des pivots stratégiques de la latinité et de la francité.

Si je pose la question, c'est aussi parce que la Belgique - dans les années 1980 - s'était résignée à adhérer formellement à la Francophonie organisée, dès lors que, sous la houlette de la France et avec la collaboration active du Québec, du Canada, de notre Communauté française et de quelques États africains tels que le Sénégal, elle s'était structurée au point de regrouper aujourd'hui près de soixante États ou gouvernements.

À cet égard, il faut rappeler qu'en matière de Francophonie, la Belgique a été très passive, et la Communauté française (avec la Région wallonne) volontairement très active. Depuis plus de vingt ans, les francophones de Belgique ont massivement investi dans les instances et dans les budgets de la Francophonie grâce à l'engagement de personnalités telles que Roger Dehaybe et avec l'appui financier et politique de tous les gouvernements successifs de la Communauté française et de la Région wallonne.

Pour en avoir été l'un des acteurs comme délégué général de notre Communauté à Paris pendant huit années, je peux mesurer l'impact culturel, politique et économique de cet engagement, qui est aussi l'un des seuls qui ait réussi à nous faire échapper à notre insupportable huis clos belgo­belge.

 

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  Faut-il souligner que ces efforts n'ont guère bénéficié de l'appui du gouvernement belge, diplomatiquement et financièrement, surtout si on regarde ce que le gouvernement fédéral canadien a engagé dans la Francophonie, parallèlement à l'action des autorités québécoises ?

  La Belgique officielle, surveillée par une Flandre jalouse et sourcilleuse, a toujours semblé gênée d'appartenir - même du bout des lèvres - à l'O.I.F.

La Belgique officielle, on le sait, est mal à l'aise quand elle se fait représenter à un Sommet de la Francophonie par un Dehaene ou un Verhofstadt qui se demandent chaque fois ce qu'ils vont y faire.

J'accuse cette Belgique-là de faire beaucoup d'efforts pour éviter de recourir à la langue française lorsqu'elle doit s'exprimer dans les enceintes internationales. Elle viole ainsi les signatures qu'elle a données à des traités et à des conventions qui l'engageaient pourtant solennellement.

J'accuse nos élites bruxelloises et wallonnes en voie de mondialisation et d'américanisation de laisser-faire et de laisser-aller. J'accuse nos chefs de parti, qui soupirent et transpirent pour « sauver l'unité du Pays » de ne pas protester contre les mauvaises manières qui sont faites à notre langue et à notre culture.

Le prince avait déjà été incité (par qui ?) à commettre lui-même un impair à Sofia, en Bulgarie, l'année dernière. Il s'y était exprimé en anglais, alors que la Bulgarie tout comme la Roumanie est affiliée à la Francophonie. On peut dire que les diplomates belgo-f1amands qui négocient les déplacements princiers font bien leur travail : tout plutôt que la langue de Voltaire et de Condorcet, de Chateaubriand ou de Malraux. Vous n'y songez pas. Qu'en penserait l'entrepreneur d'Edegem ou l'électeur de Vilvorde ?

Lors d'une réunion de l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) à Vienne en 2006, Albert Il avait prononcé une allocution en anglais. Il devait pourtant être informé que le français est aussi une langue officielle de l'OSCE.

Je demande que la Belgique cède le siège qu'elle détient encore à l'O.I.F. à la Communauté française. Aux objections juridiques éventuelles, on pourra répondre que l'ONU avait bien accueilli deux membres (l'Ukraine et la Biélorussie) qui étaient loin d'être des États à part entière.

Ce qui est déjà certain de toute façon, c'est que l'État belge, lui, ne remplit pas ses obligations internationales en matière de promotion de la langue française. Et que la dynastie belge ne défend pas comme il le conviendrait les intérêts de la minorité wallo-bruxelloise. Parce qu'elle est une minorité ?

À l'intention de nos élites wallo­bruxelloises qui tolèrent les reculs de notre langue, on me permettra de citer Freud : « ... Celui qui cède sur les mots cède sur les choses ». J'ajoute : celui qui abaisse sa propre langue s'abaisse soi-même. Sans chauvinisme aucun, on peut penser qu'un peu de fierté vaut mieux qu'une culpabilité injustifiée. Car tout peuple a besoin d'estime de soi, ce respect-là conduisant naturellement au respect des autres langues et des autres cultures du monde.

Méditons ce fait : le peuple flamand a dû se battre longuement et durement pour sa langue. Les Wallons n'ont jamais eu vraiment besoin de livrer bataille pour protéger leur langue française (sauf à Malmedy sous l'ère prussienne entre 1815 et 1918). Ne serait-il pas temps qu'ils apprennent le prix de la diversité culturelle : ce prix, ce serait d'apprendre enfin à se battre .

M. Paul-Henry Gendebien,

Président du RWF (Rassemblement Wallonie-France).

Texte paru dans le quotidien belge Le Soir,  le 24 janvier 2007

Merci à MM. Georges Boreux et Laurent Vandame ,  Wallons et    membres de Wallonie Libre qui nous ont envoyé cet excellent texte.

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Un an après que nous ayons protesté contre l’appellation anglaise de l’aéroport de Liège, force est de constater que ladite  appellation est toujours en place. Si José Happart, président de l’aéroport de Liège, est aussi efficace pour défendre la langue française que pour défendre les intérêts wallons, on peut comprendre aujourd’hui toutes les difficultés de la Wallonie à s’affirmer face aux Flamands tout puissants.

 

 

On touche le fond : le 26 novembre 2006, ils ont changé l’appellation de l’aéroport de Bruxelles. Non pas pour la franciser, ne rêvons pas, mais pour y adjoindre  "Welcome to Europe" !

 

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