TROISIÈME TRIMESTRE 2008 « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 53

              

Les Jeux Olympiques et le français 

 

   Comme vous le savez peut-être, en 2005, pour les Jeux Olympiques de Pékin, M. Abdou Diouf, Secrétaire général de la Francophonie (OIF), nomma l’ex-Premier ministre français, M. Jean-Pierre Raffarin, « Grand témoin de la Francophonie ». Le travail de M.aRaffarin consista à veiller à ce que l’article 24 de la Charte olympique soit appliquée, autrement dit à ce que la langue française soit employée, en tant que langue officielle,  tout le long du déroulement des Jeux.

   Comme vous le savez certainement aussi, c’est le baron Pierre de Coubertin qui « ressuscita » les Jeux en 1894. À l’époque — langue des Droits de l’Homme oblige —, le français fut nommé langue de l'Olympisme,  puis est devenu, au fil du temps,  langue de l'Olympisme à égalité avec l'anglais — le Dieu dollar ayant tendance à s’approprier les Jeux.

  Si la présence du français aux  Jeux de Pékin a été plus importante qu’aux derniers Jeux d’Athènes en 2004,  il faut  souligner tout de même que son emploi nécessite encore des améliorations. Par exemple, signalons que le slogan officiel des JO, ainsi que la chanson officielle, n'étaient qu'en anglais et en chinois : pas de français ! ; que les « départs » des épreuves sportives étaient marqués « start » et les « arrivées », « finish » : pas de français ! ;  que le nom des pays auxquels appartenaient  les sportifs étaient écrits sur les maillots en anglais, « Belgium », « Morocco », « Algeria », etc. : pas de français ! ; que les incrustations vidéo que nous envoyait la régie chinoise de télévision étaient en anglais : pas de français ! 

Force est de constater également que les médias français, épris d'anglomanie aiguë, comme chacun le sait, n’ont pas fait de grands discours sur la place de la langue française aux JO. Souvent d'ailleurs, lorsque l'annonceur chinois parlait français dans l’enceinte sportive où se trouvaient nos commentateurs, ceux-ci, continuaient de parler à l'antenne, comme si de rien n’était, comme pour cacher aux téléspectateurs français que leur langue était présente dans ce grand événement mondial, comme pour leur cacher, tout simplement, que la langue de Molière était encore capable de tenir son rang de grande langue internationale. Cela a été particulièrement flagrant lorsque Jacques Rogge, le Président du Comité International Olympique (CIO), prononçant sa phrase en français dans son discours en anglais de clôture des Jeux, fut couvert par les commentaires hors champs du journaliste de France-Télévisions Nelson Montfort, un journaliste  hautement connu dans les médias pour son penchant anglomaniaque, un journaliste au prénom qui nous rappelle que les Anglais nous ont mis la pâtée à Trafalgar et dont la fille — comme par hasard — s’appelle Victoria. Bref, un  monsieur  aux anges à Pékin, car il put y étaler son anglais à tout va, au point même qu’il fut nommé par ses collègues  « Mister Last Question », « Monsieur-Dernière-Question ».

M. Jacques Rogge, lui, s’est déclaré satisfait de la place « impeccable » (sic) du français à ces JO. Pour le cas, on aurait bien aimé que M. Raffarin lui demande ce qu’il entendait par « impeccable », tandis que ses discours d’ouverture et de fermeture des Jeux ont été à 95% en anglais, les 5% restant, représentant une maigre phrase en français ? Si pour M. Rogge 95% et 5% témoignent d’une situation linguistique « impeccable », il n’est pas étonnant que son pays, la Belgique, soit alors au bord de l’implosion : Flamands et Wallons ne supportant plus leur situation « impeccable ».

Durant ces Jeux, sur France 2, télévision de service public ayant parmi ses missions de défendre et de promouvoir la langue française selon l’article 4 du Cahier des Charges qui régit son fonctionnement, nous eûmes droit à une rubrique au nom on ne peut plus anglophone : «aMade in China » ; « Faits de Chine », « Chinoiseries », « Chinoisettes », « Pékinoiseries », etc. sonnant trop francophone somme toute pour les sbires anglomaqués aux commandes rédactionnelles de notre télévision. Là encore, est-ce que pour l’occasion M.aRaffarin aura pris contact avec M. Boyon, le patron du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), pour lui demander de rappeler à l’ordre ces messieurs et ces dames du Service public censés être au service de notre langue ? Cela est moins sûr. Toutefois, il n’est ni logique ni cohérent d’aller défendre la langue française en Chine, à l’autre bout du monde, et de laisser l’anglicisation s’implanter en France, dans notre propre pays.

   France-Télévisions n’a pas fait fort non plus pour notre langue, lorsqu’il s’est agi d’illustrer, par une bande musicale, les résumés des épreuves sportives de la journée. Là encore, notre Service public de Télévision opta pour l’anglais puisque la chanson anglophone meubla tous les reportages et autre florilèges (Best of, en langage Service public !). Bien évidemment, ce n’est pas Marie-Claire Mézerette, directrice des Jeux et des divertissements à France 3, qui désapprouvera cette façon de faire, elle qui, comme vous le savez, a nommé un chanteur chantant en anglais pour représenter la France cette année au concours de l’Eurovision de la chanson ; elle qui, comme vous vous en doutez, n’a nullement été sanctionnée pour cette ignominie.

Les Jeux Olympiques terminés, vinrent ensuite les Jeux para-Olympiques, et ce fut l’amputation : le français disparut comme neige au soleil. Plus de français dans les haut-parleurs, plus de français dans la signalétique électronique et luminescente des stades,  plus de français sur les panneaux des délégations sportives, plus de français dans les discours d’ouverture et de clôture des Jeux, etc. Bref, le Comité para-Olympique opta, sans état d’âme, apparemment, pour le bilinguisme chinois-anglais, autrement dit pour le bilinguisme langue locale-anglais, un bilinguisme cher aux mondialistes de tout poil, ceux qui veulent, notamment, remplacer les Droits de l’Homme et du Citoyen par les Droits du Marché et du Consommateur.

Dans le consensus feutré de lumières et de spectacles grandiloquents qui caractérisa ces jeux de Pékin, une voix discordante osa cependant se faire entendre : celle de l’athlète française malvoyante Assia El’Hannouni. Celle-ci n’hésita pas, en effet, à critiquer vertement le président Sarkozy qui, selon elle, ne marqua guère d’intérêt à l’égard des Jeux para-Olympiques.

Une idée me vint alors : et si les Jeux para-Olympiques se fondaient dans les Jeux Olympiques, tout court ? Si ces deux organisations, le temps d’une olympiade, n’en formaient plus qu’une ? Si, pour ce faire, on alternait les épreuves d’athlètes valides avec celles des non valides, n’aurait-on pas alors résolu deux problèmes :

— l’égalité de traitement entre sportifs.

— l’introduction du français au même titre que l’anglais dans les compétitions pour les athlètes handicapés ?

Voilà, me semble-t-il, une idée belle et généreuse qu’il faudrait soumettre aux autorités compétentes, en n’oubliant pas, bien sûr, d’y joindre nos demandes d’amélioration sur l’emploi de la langue française en général pour les Jeux Olympiques à venir.

Alors, écrivons, agissons et faisons suivre !

 

Le Président de l’A.FR.AV

 

Haut de page