DEUXIÈME TRIMESTRE 2009 « La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?»   

 Numéro 56

              

Éditorial :  l'élection européenne de juin 2009

 

   L’élection du 7 juin 2009, qui avait pour but de désigner 72 députés français au Parlement européen, a eu lieu, et, le moins que l’on puisse dire, c’est que le problème de la langue a été totalement absent du débat, tant du côté des médias que de celui des candidats eux-mêmes.

   Remarquons tout de même que le parlement européen compte 736 députés et que, par voie de conséquence, nos 72 députés, même unis, solidaires et parlant d’une seule voix, seront toujours minoritaires au sein de cette entité supranationale.

N’acceptant pas, au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,  qu’un tel système  puisse régenter mon pays,  n’acceptant pas, non plus, qu’au nom de ce système, l’on propage l’anglais partout, je n’avais donc pas, devant cette invitation de mort annoncée,  l’intention d’aller voter le 7 juin. Et puis, a-t-on vu un condamné à mort voter pour la qualité de la corde qui va le pendre ? — Voulez-vous, pour votre pendaison, cher condamné à mort, une corde argentée type BCE de Francfort, une corde fourrée à la langue du British Council ou une corde armée de l’OTAN ? Vous êtes libre, nous sommes en démocratie, vous pouvez  voter , c’est même un devoir !

À quoi bon aller aux urnes également, quand on sait que les marchands du temple, ceux qui tirent en fait  les ficelles du Machin européen, n’acceptent pas le vote des peuples lorsque ce vote ne correspond pas aux plans qu’ils ont échafaudés pour, précisément, détruire ces peuples en leur enlevant peu à peu leurs acquis sociaux, leur service public, leur langue, leurs coutumes, leur histoire, bref, leur système de vie et de pensée. Tout de même, quel toupet ils ont eu de nous demander d’aller voter, alors qu’ils ont craché sur le vote des Français qui ont dit clairement « NON », le 29 mai 2005,  au traité Constitutionnel !  Des marchands du temple qui ont commis, du coup, un déni de justice en refourguant aux Français, mais par voie parlementaire cette fois-ci, le Traité de Lisbonne, c’est-à-dire le même traité que le traité Constitutionnel, sous un autre nom. Et quand, ils ne peuvent pas contourner la volonté du peuple, alors, comme en Irlande, ils le refont voter jusqu’à ce que, le cerveau assez lavé et lessivé par la propagande européiste, il finisse par dire « oui » à ses violeurs. En cela, Ahmadinejad, le président élu d’Iran, qui a connu une réélection quelque peu contestée dans son pays, devrait demander des conseils aux sbires qui ont mis la main sur l’Union européenne. Il apprendrait certainement beaucoup, tant nous y avons de vrais experts dans l’art subtil de manipuler les foules et dans celui, non moins important, d’obtenir les bonnes grâces des petits et des grands médias.

À quoi bon voter aussi pour ces politiciens tous responsables de notre déchéance politique, économique et culturelle.

Sait-on que l’UMP, au sein du Parlement européen, se regroupe, sous la bannière du PPE (Parti Populaire Européen), un groupe de députés européens dont la devise est « Europe’s driving force » et  qui proclame haut et fort ses penchants atlantistes, son allégeance à l’Otan, son désir d’un grand marché transatlantique dans une future Union occidentale (style axe du Bien de Bush !) ?

Sait-on que le PS, regroupé, lui, sous le sigle du PSE (Parti Socialiste Européen) et dont le slogan est « People First », vote dans 97% des cas  les mêmes textes et les mêmes lois que le PPE ? D’ailleurs,  constatant  cette convergence de leurs politiques, tant sur le plan national qu’européen, l’historien Max Gallo avait un jour résumé la situation en disant qu’ « ils se chamaillent sur le perron pour faire oublier qu’ils se partagent la maison ».

Que dire des Écolos avec leur « Green deal » et leurs deux chefs de file en France qui étaient, pour ces élections,  José Bové et Daniel Cohn-Bendit. Des chefs dont le premier a fait  ardemment campagne pour le « NON » au traité Constitutionnel et dont le second était à 100 pour 100 pour le « OUI » ? Où sont la cohérence et le sérieux dans tout ça ?

Que penser, enfin, du Modem, fédéraliste jusqu’à la moelle et adepte de l’Europe ethnique des Régions ?

Cela dit, et pour en revenir à l’élection du 7 juin, les seuls en lice à avoir parlé ouvertement et clairement de la question linguistique en Europe et à avoir en cela dénoncé la tyrannie de l’anglais (sic), sont les candidats espérantistes de la liste Europe Démocratie Espéranto (EDE). Et comment ne pas les féliciter et avoir même envie de voter, et de voter pour eux, après avoir vu leur clip-vidéo à la télévision, un clip qui dénonçait si justement l’anglais omniprésent, l’anglais impérialiste, l’anglais tueur de la diversité linguistique ? — Bravo, Mesdames, Messieurs les espérantistes. Face à nos politiciens totalement endormis sur la question linguistique, vous avez fait montre d’un bel exemple de courage et de combativité. Les associations de défense de la langue française, totalement absentes de ces élections, elles aussi, seraient bien inspirées de suivre l’exemple de votre activisme militant.

Absentes, les associations de défense de la langue française ! Oui, mais pas totalement, puisque Yann Arthus-Bertrand, un membre de l’Académie française, donc un homme censé veiller sur notre langue, est intervenu à la télévision deux jours avant le scrutin. Hélas, nous comprîmes vite que son intervention n’avait pas  pour but de dénoncer l’anglicisation qui est en train de sévir partout en Europe.

En fait, il vint nous présenter son film, « Home », un film au titre pollué à l’anglais, comme on peut le constater,  un film pour dire précisément aux hommes d’arrêter de polluer et de détruire la planète. Tout de même, prêcher la sauvegarde de la diversité pour sauver la planète, en donnant à son film un titre dans la langue qui tue peu à peu la diversité linguistique et culturelle du monde, il faut le faire. Pis encore, en lâchant le français, Yann Arthus-Bertrand, l’Académicien, a donné un signe fort aux partisans du tout anglais qui veulent que cette langue soit la seule, et unique langue, pour la communication internationale. Un signe fort également, pour dire aux francophones que nous sommes encore, de se dissoudre, sans tarder, dans le magma européen pro-anglophone et pro-atlantique. Quel message !

De son côté, l’A.FR.AV, qui avait axé son action, pour cette élection européenne, sur le fait de dénoncer haut et fort l’anglomanie de Valérie Pécresse, la ministre de la l’Enseignement supérieur et de la Recherche, cela, afin de s’élever plus globalement contre la démission de nos « élites » face à l’anglicisation ambiante, eut la mauvaise surprise d’apprendre que cette dame ne se présentait pas à la députation européenne, mais aux Régionales de 2010. Quand on nous fit remarquer notre erreur, nous eûmes l’herbe coupée sous les pieds, car, nos tracts étaient déjà imprimés et des adhérents de la région parisienne étaient prêts à les distribuer.

Notre idée, d’écrire aux candidats à la députation européenne, comme nous l’avions défini dans le Fraterniphonie numéro 55, n’était pas des plus excellentes, non plus, car il est bien évident que les politiciens n’ayant pas grand-chose à dire sur la question linguistique — ou ne voulant surtout pas se faire remarquer en abordant ce sujet  tabou —, ont traîné des pieds pour nous répondre, et, lorsque des réponses nous sont parvenues, elles étaient tellement creuses qu’elles sont toutes parties directement à la poubelle.

Alors, devant cette Berezina, devant la non-volonté de nos décideurs à vouloir défendre notre langue bafouée, j’ai tenté d’aller voir un candidat pour  le questionner sur ce sujet de vive voix.  Ça tombait bien, le jour où j’étais disponible, Nicolas Dupont-Aignan était de passage à Nîmes. J’en profitai donc pour m’inviter à sa réunion de campagne et je parvins, au cours du débat qui eut lieu, à dire quelques mots sur la question linguistique. J’eus même droit à des applaudissements, lorsque je fis un parallèle entre Debout la République, le mouvement de M. Dupont-Aignan, et Debout la Langue Française !

Applaudissements et approbations, certes, mais rien dans la propagande officielle, rien dans celle de Debout la République, rien dans la propagande des autres partis politiques également. En effet, le vendredi 5 juin — deux jours avant le scrutin ! —, lorsque je reçus, dans ma boîte aux lettres les enveloppes électorales avec à l’intérieur les programmes officiels des candidats à la députation européenne, je constatai amèrement qu’aucun ne parlait de la langue française, de la Francophonie ou de la lutte contre le tout anglais. Je constatai, encore plus amer, que ceux qui m’avaient régalé la vue et l’ouïe en dénonçant la tyrannie de l’anglais avec leur clip-vidéo à la télévision, n’avaient pas mis leur propagande dans les enveloppes électorales.  — Certainement par faute de moyens, pensé-je. Pas étonnant alors,  que les emplacements réservés aux Espérantistes, c’est-à-dire à la liste EDE, sur les panneaux électoraux des villages autour de Nîmes, restaient désespérément sans affiches. Tout de même, à lire les tracts et la propagande d’EDE, que l’on pouvait consulter aisément sur le site « www.europe.2009.fr », comment pouvait-on garder les bras croisés devant ce non-affichage ?  Quel gâchis, car, que l’on soit espérantiste ou non,  avoir l’occasion de mettre dans un espace public et à la vue de tous, de la propagande pour la diversité linguistique à l’école, pour le droit d’étudier et de travailler en français, pour la promotion du plurilinguisme, etc., c’était trop unique pour ne pas en profiter. Par courriel, je demandai  donc au Président d’EDE pour la France, M. Guillaume Roussel, l’autorisation d’aller encoller pour son mouvement. Jean-Pierre, Sylvain, Mustafa, Sylvie, Jean-François et  moi-même allâmes donc le cœur vaillant à la conquête des panneaux électoraux  vierges  de l’EDE. Ce fut une grande joie de faire la tournée des villages entre Nîmes et Tarascon (Caissargues, Rodilhan, Manduel, Bouillargues, Jonquières-Saint-Vincent, Beaucaire, Tarascon, Comps, Meynes, Remoulins, Fourques, Saint-Bonnet-du-Gard, Bezouce, Saint-Gervasy et Marguerittes).

Certes,  notre aide est arrivée un peu tard, mais ne vaut-il pas mieux tard que jamais  ?  De plus, bien sûr, il aurait fallu distribuer des tracts pour expliquer à la population les enjeux d’une politique de la langue, car 95 % des gens que nous avons rencontrés, ne connaissaient même pas le mot « espéranto » et encore moins ce que signifie le combat linguistique.

Oui, nous pensons que les associations de défense de la langue française, au lieu de se taire, comme elles se sont tues devant la trahison de l’académicien, Yann Arthus-Bertrand,  auraient mieux fait de soutenir la seule liste qui a osé dénoncer ouvertement la tyrannie de l’anglais. Ainsi, nos réseaux auraient pu aider Europe Démocratie Espéranto à distribuer les tracts, à organiser des colloques sur les problèmes de la langue et à veiller que l’affichage EDE soient effectifs sur les panneaux électoraux qui leur étaient réservés. Il aurait même fallu se battre pour que nos écologistes des langues obtiennent au moins 5 % des voix ; premièrement pour qu’ils aient leurs frais de campagne remboursés, deuxièmement pour qu’ils puissent attirer à eux les médias et les politiciens sur la question de la langue.

Oui, si EDE avait représenté 5 % des suffrages, ou plus, les vendus qui nous gouvernent, et les autres vendus qui ont envie de nous gouverner, se seraient disputés pour récupérer ces 5 %, quitte à s’acheter une bonne conduite en matière de politique de la langue, et à épouser en cela les idées de démocratie linguistique de l’EDE.

À méditer pour la prochaine fois.

 

Le Président de l’A.FR.AV

Régis Ravat

 

 

Haut de page