Le début de l’été a bien commencé pour la
cause que nous défendons, puisque, le 22 juin, lors d’un discours que
le Président François Hollande a prononcé à Rome devant la
représentation française de cette ville, nous avons eu le plaisir de
l’entendre s’exprimer favorablement pour la langue française. Voici
quelques phrases extraites de ce discours, des phrases qui
mériteraient, à n’en pas douter, d’être gravées dans le marbre de la
République et sur les frontons de nos écoles :
« (…) Je
considère que c'est une bataille, la langue française, non pas une
bataille pour la France, une bataille pour la diversité culturelle, une
bataille pour le pluralisme.
(…) cela
ne me fait pas plaisir quand je participe… à des conférences
internationales et que je constate que la langue française est aussi
peu utilisée et parfois même par des Français. Chaque Français doit
parler la langue française, où qu'il se situe. Cela ne veut pas dire,
qu'on ne doive pas connaître d'autres langues, d'Europe et du monde,
mais nous devons défendre notre langue. ».
Après ces belles paroles qui ne peuvent
que nous réconforter dans la lutte que nous menons contre l’effacement
de notre langue au profit de l’anglais-roi, nous eûmes la joie de voir
se dérouler à Québec, au début du mois de juillet, le premier Forum
mondial de la langue française.
M. Abdou Diouf, président* de
l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), y fit un
discours que l’on pourrait qualifier d’historique, tant il sortait des
discours consensuels et académiques que l’on a l’habitude d’entendre
dans ce genre de grands-messes. Des phrases comme
« … nous
refusons la ségrégation linguistique et le darwinisme culturel. »,
« Nous ne sommes pas prêts à nous satisfaire d’un français
culturellement amoindri, parce qu’exclu de certains champs de l’activité
humaine. »,
« Nous
devons être des indignés linguistiques ! » ou
« nous devons avoir,
dès maintenant, l’ambition de tout dire sur tout, en français, sous
peine que la langue française, un jour, ne dise plus rien sur rien. »,
vinrent réchauffer nos
cœurs de militants francophonophiles.
Claude Hagège, également présent à ce
Forum, fit, quant à lui, un vibrant plaidoyer contre l’enseignement
intensif de l’anglais dès le plus jeune âge au Québec,
« une violation de la loi 101 », a-t-il dit, et
de rajouter : « l’une
des raisons principales de la loi 101, c’est l’intégration des immigrés.
Si les immigrés sont maintenant anglicisés, alors la loi 101 perd tout
contenu. ». Dans un
discours lumineux, ponctué de quelques phrases en chinois, en arabe et
en peul, Claude Hagège a interpellé les participants du Forum pour
rompre avec ce qu’il a nommé les « ronrons consensuels permanents » ou
les « assises mondaines » de la Francophonie. Pour le linguiste
polyglotte, la Francophonie est ni plus ni moins « en guerre », non pas
contre l’anglais, mais contre l’américanisation qui veut imposer une
langue unique à l’ensemble de la planète sous couvert de
mondialisation.
Bref, toutes ces bonnes paroles eurent de
quoi nous donner, une fois encore, du baume au cœur, des bonnes paroles
accompagnées de bien d’autres, car il y eut beaucoup d’intervenants,
bien sûr, qui dirent leur amour du français durant les cinq jours que
dura ce Forum.
Puis, la fin de l’été fut marquée par du
français venant du Liban, du français de sa Sainteté, le Pape Benoit
XVI, en visite officielle dans ce pays les 15, 16 et 17 septembre. Le
Pape nous rappela, pour le coup, que le Liban francophone était encore
debout et que, vaille que vaille, la langue française se maintenait dans
cette partie du monde.
Si ces trois événements ont mis en
exergue notre langue et ont eu de quoi nous rassurer quelque peu sur
ses perspectives d’avenir, une question subsiste tout de même :
pourquoi ces trois événements sont-ils passés quasiment inaperçus dans
nos grands médias ?
En effet, qui a entendu les passages du
discours de François Hollande prononcé à Rome, le 22 juin, relatifs à la
langue française ?
Qui a entendu parler du Forum mondial de
la langue française de Québec et du discours du Président* Abdou Diouf ?
Qui a entendu le Pape s’exprimer en
français au Liban devant les 350 000 fidèles réunis à Beyrouth ?
- Peu de personnes, des initiés,
peut-être, mais certainement pas la grande masse de la population
française, certainement pas tous ces jeunes que nous envoyons dans
notre école dite de la République où, désormais, ils sont conditionnés
à l’anglais précoce et obligatoire. Une école qui les convaincra, ce
faisant, qu’il n’y a pas de vie sans anglais ; que, s’ils doivent faire
carrière dans la chanson, c’est en anglais qu’ils devront chanter ;
que, s’ils créent une entreprise, une boutique ou un produit, c’est
en anglais qu’ils devront les nommer, etc. tout cela, alors que la
plupart d’entre eux ignorent jusqu’à l’existence même du mot
francophonie.
À n’en pas douter, nos politiciens et les
grands médias sont coupables de cette rétention d’informations, de ce
déni linguistique par omission, de ce lavage des cerveaux.
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Pour prendre un exemple frappant
de l’existence de cette organisation du crime linguistique, il n’y a
qu’à regarder les actualités de 20 heures, sur France 2. On constate
alors aisément, qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’il soit
diffusé un reportage sur les bienfaits de l’enseignement de l’anglais
précoce, sans qu’il soit dit que les Français sont nuls en langues
étrangères (sous-entendu, en anglais), sans qu’il soit ressassé que les
touristes sont mal accueillis en France parce que les Français ne
parlent pas anglais, sans qu’il soit fait une « pub » du dernier film
états-unien sorti, de la dernière chanson en vogue aux États-Unis ou du
prochain concert à Paris d’une vedette anglophone. Il est facile de
constater aussi que lorsqu'un journaliste de France 2 interroge un
étranger pour les besoins d'un reportage, dans la plupart des cas, nous
avons droit alors à un témoin qui parle en anglais. Le samedi 9 juin,
nous eûmes même la désagréable surprise d'entendre un chef de la police
de Montréal, au nom très français, parler en anglais.
Si entre le 2 et
le 6 juillet 2012 a bien eu lieu le premier Forum mondial de la langue
française à Québec, pourtant, force est de constater, que durant cette
période, aucun reportage, aucun commentaire n'a été accordé à cet
événement majeur pour notre langue, sur France 2, aux journaux de 20
heures.
Comment se fait-il
que cette chaîne publique, dont une des missions - cela est inscrit dans
le cahier des charges de la chaîne -, est de veiller à la promotion,
à la diffusion et à la défense de la langue française, fasse ainsi
la sourde oreille lorsqu'il s'agit de mettre en avant nos intérêts
linguistiques ?
Alors que se
déroulait ce Forum mondial, et pour prendre un exemple du haut degré de
trahison linguistique qui règne sur France 2, au journal de 20 heures,
le mardi 3 juillet 2012, on nous parla de l'Allemagne qui recrutait des
immigrants en anglais, d'Airbus à Toulouse qui présentait ses avions
en anglais à des visiteurs. De plus, le 8 juillet, nous eûmes
droit à un énième reportage pour apprendre l'anglais en séjour linguistique en Angleterre. Bref, il y aurait un complot sur France 2
contre la langue française et contre la Francophonie au profit de
l'anglais-roi que cela ne serait pas étonnant.
Tout concorde donc
pour dire que France 2, joue à fond la carte de l'anglais et se moque
comme d'une guigne de la promotion de notre langue.
Notre chaîne
publique suivrait-elle des consignes : promouvoir l'anglais, faire voir
aux téléspectateurs que le monde entier parle anglais (même au Québec) ?
France 2 ferait-elle pour l’anglais, ce qu’elle fait pour les minorités
dites « visibles » ? En effet, s’il est facile de constater qu’à
travers de nombreux reportages, les journalistes du journal de 20
heures de France 2 donnent la parole très fréquemment à des personnes
issues des minorités « visibles », comment ne pas se
poser la question à savoir s’il n’y aurait pas la même stratégie pour
mettre l’anglais en avant.
Si faire de la
discrimination positive a été plus ou moins validé par la classe
politique en général, est-ce que l'anglicisation, en catimini, l'aurait
été également ? Qui aurait décidé alors que, au nom de notre bien-être,
de notre intérêt supérieur, de la liberté et de l'équité, il faut
bourrer le cerveau des téléspectateurs de la langue de Mickey.
Oui, plus que
jamais, face à cet ennemi de l’ombre, soyons des indignés linguistiques,
comme l’a dit si justement, le Président* Abdou Diouf, et plus que
jamais préparons-nous à la révolte des langues !
Le Président de l’A.FR.AV
* Le titre exact de M.
Abdou Diouf est : Secrétaire général de l’OIF
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