L’année 2012 s’est finie sous le signe de l’ail, un ail
venu d’outre-Atlantique, lui-même provenant des produits au logo de la
Pomme, une marque en pointe actuellement dans le domaine de la haute technologie.
- « Une pomme qui rappelle l’ail, voilà bien un
assemblage digne de la cuisine de pays anglo-saxons », pourrait-on se
dire, « un mélange contre nature que nos palais francophones ne
sauraient apprécier. »
Ainsi, travaillant dans un hypermarché, j’ai vendu de
l’ail en grande quantité le dernier trimestre de 2012, de l’ail sous
forme de téléphones avec l’Iphone 4 et 5, de l’ail sous forme de
tablettes tactiles avec les Ipad 2 et 3, de l’ail sous forme de
baladeurs avec les Ipod mini et Cie.
Pour ceux qui n’auraient pas encore compris la subtilité
de mon propos, sachez que le « I » de Iphone, Ipad et Ipod doit se
prononcer, selon la volonté du constructeur, des publicitaires et des
grands médias, à l’américaine, c’est-à- dire « ail ». Bien sûr, dans
cette affaire, on n’a pas demandé l’avis des francophones, et encore
moins de l’Académie française, on nous a imposé cette prononciation à
grands renforts de matraquages publicitaires. Comme dirait l’autre, la
démocratie, c’est bien, surtout lorsque l’on dispose de la finance pour
manipuler l’opinion et ainsi faire dire au bon peuple, ce que l’on a
envie qu’il dise.
Force est d’ajouter cependant que, étant né et vivant au
pays de l’ailloli, je n’ai pas du tout apprécié cette sauce à l’ail de
la Pomme qu’on me demandait de consommer. De plus, fidèle gourmet
servant de Madame la langue française, contre vents et marées, contre
rires sournois et soupirs dédaigneux, voyant un « i » à l’entête de
tous ces produits, j’ai mis un point d’honneur à prononcer cette lettre
de l’alphabet, tout simplement, comme elle se prononce encore dans
l’alphabet français, c’est-à-dire « i » et non « ail ».
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Bien sûr, un bon nombre de clients se firent un plaisir
de me reprendre en m’expliquant comment il fallait prononcer le « i »
de la Pomme, et moi, alors, bien évidemment, je me fis un devoir de
leur faire une leçon de morale sur la langue française, les priant -
pour qu’elle ne tombe pas dans les pommes au risque de ne plus se
relever -, de ne pas participer à l’anglicisation ambiante, de réagir
face aux médias faiseurs d’opinions et pollueurs de langue. Certes,
la manœuvre était délicate, car au pays des colonisés, le résistant
militant, et fier de l’être, risque fort de passer pour un lourdingue
dans son combat d’émancipation et de liberté.
Alors que je me battais sur le front de la voyelle « i »
pour qu’elle ne bascule pas dans le camp anglais, en guise de renfort,
je fus attaqué sur mon flanc par un pseudo ministre de la République
qui, sous prétexte de faire acheter aux Français des produits
fabriqués en France, leur parla en anglais en se faisant le VRP,
c’est-à-dire le représentant, de l’expression "Made in France", une
expression où la voyelle « a » est prononcée à l’anglaise « eï », comme
elle l’est d’ailleurs dans
Apple,
la marque à la Pomme.
Ainsi donc, en plein combat pour la conservation de la
prononciation française de la voyelle « i », je fus obligé, par un
courrier circonstancié d’aller mettre les points sur les « i » à ce
ministre inconscient à l’égard de la langue française.
Voilà donc où nous en sommes dans ce pauvre pays qu’est
devenu la France, où un pauvre et simple vendeur de supermarché se bat
pour la langue française, tandis qu’un ministre bourgeois, grassement
payé par l’argent de nos impôts, se permet en public, et en toute
impunité, de violer notre langue, en infraction totale avec l’article II
de notre Constitution et avec la loi n°94-665.
- « Que faire ? », allez-vous me dire. Que faire contre
les multinationales richissimes qui jouent à fond la carte de
l’anglais et contre ses politiciens sans vergogne qui bafouent les
intérêts linguistiques du peuple qu’ils sont censés défendre ?
Eh bien, comme David et Goliath, comme la souris qui
fait peur à l’éléphant, comme le grain de sable qui peut à lui
seul dérégler la plus perfectionnée des machines, il nous faut trouver
ce qui dérèglera la spirale infernale de l’anglicisation, ce qui
empêchera tous ces angliciseurs d’angliciser en rond.
Nos David, nos souris, nos grains de sable sont nos
tracts, nos autocollants, nos envois sans timbrer, notre présence sur
les forums de la Toile, notre journal, notre site, nos vidéos et bientôt
nos procès dans les Tribunaux administratifs. Non, rien n’est perdu,
l’histoire excitante de la défense de la langue française, et, avec
elle, celle de la lutte contre l’imposition de la langue et de la pensée
uniques, ne fait que commencer.
Le Président de l’A.FR.AV
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