Sujet : Politique linguistique de la Commission européenne dans un pays asiatique
Date : 05/08/2004
De :   Albert Salon (albertsalon@noos.fr)


Je rapporte, ci-dessous, le contenu d'une note que m'adresse, scandalisé, un coopérant français que je connais bien et dont je témoigne du sérieux, dans un établissement d'enseignement supérieur d'un des pays de l'ancienne Indochine.

Cela me rappelle l'attitude de la représentation des Nations-Unies à Bangkok lorsqu'en 1993 j'avais participé à notre mission MAE pour relancer la coopération éducative et autre avec le Cambodge : on y contraignait alors nos gendarmes français expatriés à former en anglais, seulement, des homologues cambodgiens qui eussent au moins aussi bien compris le français ! Notre gouvernement d'alors n'avait pas cru bon de protester et de rappeler que le français était une des langues officielles et de travail de l'ONU, que l'on était dans un pays qui venait de (ré)adhérer à la Francophonie, et que l'aide fournie était payée essentiellement par le contribuable français!...

 

Puis-je vous suggérer de diffuser cette information au maximum et de presser nos "autorités" concernées de se ressaisir et de renverser la situation?

 

Albert Salon, ancien Ambassadeur,

Président du FFI-France.

 

 

 

Je cite mon correspondant :

 

Le but de cette note est de vous rapporter mes observations récentes concernant la politique linguistique de la Commission européenne dans mon pays de résidence, membre de la Francophonie, ancien pays associé de la France en Asie du Sud-Est.

L'établissement d'enseignement supérieur, principalement francophone pour lequel je travaille est en contact avec la Commission pour obtenir des financements.

Notre correspondant était à Bangkok jusqu'à récemment. Mais la Commission a réorganisé ses services à l'étranger et nous bénéficions désormais d'interlocuteurs sur place. Le problème de la politique linguistique de la Commission ici et ailleurs a été abordé et ce que j'ai appris mérite certainement d'être rapporté bien qu'il soit possible que vous ayez déjà connaissance, tout au moins en partie, des directives imposées par la Commission en ce qui concerne la communication à l'extérieur de l'UE.

En effet, point n'est besoin, sans doute, de vous préciser que les formulaires de demandes de fonds sont exclusivement disponibles en anglais, que les cartes de visite du personnel de la Commission stationné ici, qu'il soit fonctionnaire ou contractuel, sont en anglais (et en langue locale au verso), que la langue imposée dans toute correspondance est l'anglais exclusivement, que les standardistes locales de la délégation répondent aux appels téléphoniques uniquement en anglais et que l'anglais EST, apparemment, LA SEULE LANGUE REPRÉSENTATIVE DE L'EUROPE dans ce pays.

Jusqu'à récemment, notre seul et unique correspondant était un Anglais stationné à Bangkok mais, depuis la mise en place de la politique de régionalisation de la Commission, nous avons enfin à faire à des francophones, luxembourgeois, français ou belges. Depuis très peu de temps donc, nos contacts sont en français à l'oral mais toujours en anglais à l'écrit. Ces employés francophones nous ont récemment fourni des informations précises sur le fonctionnement de la Commission dans la zone Asie-Pacifique.

La Commission a, d'après ce qu'on nous a dit, divisé le monde en trois zones, une zone de langue française, en Afrique, une zone de langue espagnole, en Amérique latine, et une zone plus ou moins continue de langue anglaise pour LE RESTE DU MONDE. Cela veut dire que, tandis que le français peut être utilisé dans certains pays francophones d'Afrique dans les délégations de la Commission et qu'il en est de même avec l'espagnol en Amérique latine, partout ailleurs CONSIGNE A ÉTÉ DONNÉE d'utiliser exclusivement l'anglais ! Récemment, l'employé francophone à qui nous avons parlé a été sévèrement réprimandé parce qu'il avait adressé un message à un correspondant ÉGALEMENT FRANCOPHONE À PARIS. La réprimande était basée sur le fait qu'un autre employé de la Commission, qui pourrait par la suite se saisir du dossier, pouvait ne pas être francophone et, par conséquent, n'être pas en mesure d'en saisir tous les détails.

Il ressort de notre conversation EN FRANCAIS avec nos contacts francophones à la délégation de la Commission ici que les directives auxquelles ils doivent se soumettre viennent DE HAUT. Les objectifs sont on-ne-peut plus clairs. Il s'agit d'imposer l'usage de l'anglais comme seule langue représentative de l'Europe EN EUROPE et avec l'essentiel du reste du monde. On peut en déduire aussi que la prétendue volonté d'imposer aux employés de la Commission une ou deux langues étrangères (français et/ou allemand et/ou etc.) EST TOTALEMENT FACTICE, car ON INTERDIT RIGOUREUSEMENT LA CONSTITUTION DE DOSSIERS QUI POURRAIENT ÊTRE naturellement constitués dans une langue autre que l'anglais ou bilingues. Il en ressort aussi que les prétendues déclarations pour une diversité linguistique, même limitées, au sein des institutions européennes sont totalement creuses, absentes de substance et qu'il s'agit de PURS ET SIMPLES MENSONGES.

Toute action correctrice ne pourra être efficace que si elle est effectuée PAR LES GOUVERNEMENTS MEMBRES de l'UE qui, jusqu'à présent, sont totalement COMPLICES de la situation effarante et absurde à laquelle nous avons abouti.

Il est totalement clair dans mon esprit que la mise en place de la politique linguistique de la Commission n'a pas d'autre but que de GAGNER ET ASSURER L'HÉGÉMONIE TOTALE ET ABSOLUE de l'anglais. Reste à savoir si les complicités des non anglophones sont actives ou simplement passives. Ce que nous voyons est de toute évidence le résultat du travail des Neil Kinnock et consorts, mais les gouvernements membres de la Commission ont-ils voulu une telle situation ou bien leur passéisme et leur lâcheté sont-ils seuls responsables ? Cela reste à déterminer...

La période est à l'action ! Les preuves sont là, tangibles. Nous sommes bien au-delà de la phase diplomatique. Comment peut-on tolérer une telle atteinte aux droits des peuples et à la diversité européenne ? Comment peut-on tolérer que les impôts des Français, des Italiens, des Allemands, des Espagnols, servent ainsi les intérêts exclusifs des Anglo-Saxons ? Comment une telle mafia exclusivement anglicisante et anglo-américanophile a-t-elle pu être agréée par les gouvernements membres de l'UE ? Ce à quoi nous assistons est proprement impensable. Les Anglo-saxons, accompagnés de leurs affidés, de leurs stipendiés, et de leurs "collabos" ont réussi à confisquer le système de la Commission pour le transformer en simple relais des pays anglophones. Comment, dans les gouvernements des pays membres peut-on être aussi aveugle, borné ou inconscient, au point qu'une fraude aussi gigantesque a pu passer presque inaperçue ?