Sujet : Rapport européen sur le plurilinguisme
Date : 06/02/2008
De : Charles Durand  (courriel : charles.durand(chez)hotmail.fr)   Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"

 

Voici le nouveau billet de notre commissaire à l'anglophonie : Leonard Orban
 
 http://forums.ec.europa.eu/multilingualism/do-you-experience-problems-in-your-everyday-life-that-are-due-to-language-difficulties/

Vendredi 15 février : Première conférence ministérielle consacrée à la promotion du multilinguisme

La nouvelle :
À l'initiative du commissaire Orban et de la présidence slovène, les ministres de l'éducation des États membres de l'UE sont invités à participer à une conférence ministérielle sur le thème «La valorisation du multilinguisme: un engagement commun», qui se tiendra au Berlaymont, le siège de la Commission européenne.

Il s'agit de la première réunion jamais organisée sur ce thème à ce niveau ministériel.

Le contexte :
Les langues sont au cœur d'un débat essentiel dans l'UE aujourd'hui, après la reconnaissance de l'importance des compétences linguistiques, et en particulier de l'enseignement de deux langues étrangères aux enfants dès leur plus jeune âge, lors de la réunion des chefs d'État ou de gouvernement à Barcelone en 2002.

Les langues sont inextricablement liées à l'identité culturelle et au sentiment d'intégration. Les compétences linguistiques ont des incidences sur la compétitivité, le dialogue interculturel, la confiance des citoyens et la mise en œuvre de la responsabilité à l'échelon européen.

Le but de la conférence est de recenser les domaines dans lesquels de nouvelles mesures en matière linguistique sont nécessaires aux niveaux national et européen. Un autre objectif consiste à trouver un accord sur les mesures communes à prendre au cours des trois à cinq prochaines années.

Les résultats de la conférence devraient servir de base à la communication dans laquelle la Commission proposera une politique linguistique globale au Parlement et au Conseil, qui sera publiée en 2008.

Interviendront lors de la conférence le commissaire Leonard Orban, Milan Zver, ministre slovène de l'Éducation, la députée européenne Katerina Batzeli, présidente de la commission de la culture et de l'éducation, le vicomte Étienne Davignon, président du Forum des entreprises, Amin Maalouf, écrivain franco-libanais, et le Dr Marko Stabej, professeur de linguistique à l'université de Ljubljana.

Les conclusions de la conférence seront présentées par le commissaire Orban et Milan Zver.

L'événement :
Conférence de presse avec le commissaire Leonard Orban à partir de 12 h 30 dans la salle de presse du Berlaymont à Bruxelles.

Les sources :
Site web du commissaire Orban :
http://scic.cec.eu.int/orban/index_fr.htm
 
Site web « Les langues dans l'UE » :
http://europa.eu/abc/european_countries/languages/index_fr.htm
 
Portail de la Commission européenne consacré aux langues :
http://europa.eu/languages/fr/home

Les contacts :
Pietro Petrucci               +32 2 298 94 92 pietro.petrucci@ec.europa.eu
Roger Nunn                   +32 2 295 36 47 roger.nunn@ec.europa.eu
 

 

Réactions

 

Rapport européen du groupe d’intellectuels sur le plurilinguisme

 

Le groupe d’intellectuels présidé par M. Amin Maalouf, constitué pour conseiller la Commission sur le plurilinguisme, dans le cadre de l’année 2008 du dialogue interculturel, a présenté son rapport, intitulé «Un défi salutaire», au commissaire Orban.

 

1. Les points principaux

— Le rapport met l’accent sur les relations bilatérales entre deux pays et deux peuples, chaque pays - ou langue - devant disposer d’un nombre suffisant de locuteurs bilingues de haut niveau dans ces deux langues.

— Le groupe propose la notion de « langue personnelle adoptive », à considérer comme une « seconde langue maternelle » que chaque citoyen devrait apprendre, qui serait intégrée tout au long de la vie scolaire, universitaire, professionnelle ou même à la retraite.

— Pour les immigrants, la langue personnelle adoptive serait, en règle générale, celle du pays où ils ont choisi de s’établir. Les langues d’origine des immigrants de pays hors-UE devraient aussi faire partie des langues possibles pour les Européens comme LPA.

— Les anglophones natifs seraient incités à adopter une telle « seconde langue maternelle » afin de ne pas demeurer monolingues.

— Le rapport recommande que les pays constituent des instituts ou organismes communs qui soutiendraient ces duos de langues et les diverses actions destinées à favoriser leurs enseignements (partenariats, échanges, jumelages, etc.).

— Ce rapport a choisi une voie « ambitieuse et réaliste », en tout cas suffisamment ambitieuse pour envisager que l’UE montre au monde comment résoudre la question de la communication : « Nous la croyons même en mesure d’offrir à l’humanité entière le modèle d’une identité fondée sur la diversité ».

— Quant aux détails pratiques, ils n’ont pas été jugés du ressort de ce groupe de réflexion : « Dans le cadre de ce rapport, nous n’avons pas cherché à énumérer les mesures à prendre pour traduire sur le terrain l’orientation que nous préconisons. Il nous a semblé qu’à ce stade, il fallait d’abord fixer un cap et tenter de convaincre nos concitoyens et nos dirigeants de sa pertinence ».

 

2. Nos remarques

— Recommander qu’une deuxième langue étrangère soit enseignée beaucoup plus intensivement que la première, qualifiée, elle, de langue de communication, il fallait y penser !

— Il faudra convaincre les parents et les enfants plus grands d’apprendre plus intensément cette troisième langue que la langue de communication, le plus souvent l’anglais. Par la force ?

— Si les anglophones natifs sont effectivement incités à choisir et apprendre eux aussi cette langue adoptive, il n’en reste pas moins que les anglophones ne seraient tenus que d’apprendre une seule langue étrangère à un bon niveau, quand tous les autres (95 % de la planète) devraient en apprendre deux ! Ce rapport entérine cette injustice flagrante.

— Le statut de l’anglais, lingua franca officieuse de l’UE ou langue de communication majoritairement choisie - ou imposée - n’est pas remis en cause, même si le rapport juge préférable que certains choisissent comme langue de communication une autre langue que l’anglais. Ce thème, pourtant central lorsqu’on plaide pour la diversité linguistique dans l’UE, n’est pas réellement débattu.

— Selon le site « l’Observatoire du plurilinguisme », la version anglaise est sortie six mois avant les autres langues : incroyable maladresse pour un rapport sur le plurilinguisme ou confirmation du double jeu de la Commission vis-à-vis des langues de l’Union ?

— Pour penser que tous les Européens ont envie d’apprendre une langue aussi intensément que leur langue maternelle, il faut être déconnecté du monde réel ! Si les pays à plusieurs langues officielles ont des difficultés, c’est justement parce que l’engagement d’apprendre celle(s) des autres communautés est rarement respecté ou seulement par une connaissance rudimentaire de celles-ci.

— Le rapport oublie que les pays et les régions n’ont pas tous les mêmes intérêts stratégiques et linguistiques, les mêmes zones d’influence, et que leurs choix de langues sont différents (flamand, catalan, finnois, etc.)

— Dans ces pays plurilingues, très peu de citoyens sont réellement d’un niveau « seconde langue maternelle » dans l’autre langue nationale, alors comment imaginer qu’on puisse appliquer à grande échelle ce qu’on ne réussit même pas à une échelle bien plus modeste ?

— Ouvrir le choix de cette seconde langue maternelle à des langues non-européennes est certes ambitieux, mais complique encore un problème que l’on n’arrive déjà pas à résoudre au sein de l’UE.

— Le rapport condescend à reconnaître que de nombreux problèmes logistiques se poseraient pour offrir le choix de cette LPA, et ne voit de solution miracle que dans la technologie : « Cela suppose sans doute une unification des horaires, afin que les mêmes tranches soient consacrées à l’apprentissage des langues dans plusieurs pays à la fois ; à ces heures-là, chaque élève européen se brancherait sur son propre cours de grec, de néerlandais, de roumain, ou d’estonien ». On voit le « réalisme" de ces propositions et le sens pratique ou l’expérience du terrain et de l’enseignement des langues.

— De toute façon, les modalités pratiques n’ont pas été jugées du ressort de cette commission : « Dans le cadre de ce rapport, nous n’avons pas cherché à énumérer les mesures à prendre pour traduire sur le terrain l’orientation que nous préconisons. Il nous a semblé qu’à ce stade, il fallait d’abord fixer un cap et tenter de convaincre nos concitoyens et nos dirigeants de sa pertinence ». Ce parti pris affiché de rester sur les hauteurs conceptuelles et de ne pas mettre les mains dans le cambouis empêche à notre avis de percevoir à quel point ce projet est déconnecté du monde réel.

— Le rapport reconnaît que le choix d’une LPA ne serait pas toujours un vrai choix, puisque celui des parents. Il convient donc que l’enfant puisse en changer en cours de route. Faudra-t-il signer des formulaires, comme lorsqu’on change d’identité ? N’est-ce pas un peu bureaucratique comme projet ?

« Sans doute le libre choix d’une langue personnelle adoptive ne pourra-t-il pas toujours se faire une fois pour toutes. Il sera généralement effectué, pour les jeunes enfants, par les parents et par l’école plutôt que par l’élève lui-même ». Ce passage ambigu rappelle donc entre les lignes que le libre choix des langues existe rarement, aucune école n’offrant une large palette de langues. Certains pays, comme l’Italie, le Portugal, certains pays nordiques ou la France imposant même telle ou telle langue au primaire, le plus souvent l’anglais. Ces intellectuels semblent donc entériner la notion d’arbitraire, accepter que parfois le choix soit fait non par les parents, mais par l’école, ce qui ne manque pas d’étonner. La notion de liberté est-elle incompatible avec l’UE ? Pourtant, dans un passage du rapport on sent un rafraîchissant souffle de liberté : « L’un des avantages de l’approche que nous préconisons, c’est qu’elle n’a pas besoin, pour être mise en place, d’attendre que tous les décideurs nationaux ou communautaires se soient prononcés.Chaque personne peut prendre la décision de choisir sa langue personnelle adoptive ; chaque pays, chaque ville, chaque commune, chaque entreprise, chaque institution pédagogique peut prendre des initiatives allant dans ce sens. À titre d’exemple, une institution scolaire pourrait décider d’introduire dans son programme une langue inattendue, distinctive, ne faisant pas partie de celles qu’on y enseignait d’ordinaire ».

Rappelons que l’espéranto est toujours interdit en France au bac et fortement déconseillé aux chefs d’établissement qui souhaiteraient lancer quelques cours extra-scolaires dans leurs locaux. Cet appel à une rébellion de la base est comme le coin de ciel bleu que voit de sa cellule un prisonnier politique !

— Le rapport formule « (...) le souhait que deux langues étrangères soient enseignées dans chaque pays dès le plus jeune âge », alors même qu’aucune étude scientifique n’a montré d’avantages à l’enseignement précoce, hormis une plus grande facilité musicale, qualité que le projet européen FEEL d’apprentissage de phrases et d’alphabets d’une dizaine de langues européennes suffirait à développer à l’école primaire, en respectant une vraie diversité et un vrai choix ultérieur de langues étrangères.

— Une fois de plus, il nous semble qu’on sous-estime l’immense travail qu’est l’apprentissage d’une langue étrangère et on reste dans l’illusion que des centaines de millions de personnes vont atteindre un niveau C1 du CECR dans cette seconde langue personnelle adoptive.

— C’est dans sa propre langue qu’on pense le mieux ; on néglige cet aspect en prônant l’enseignement de certaines matières directement dans cette troisième langue (LPA), en se calquant sur des filières d’élite ou spécialisées comme les sections européennes ou les programmes Émile (qui marquent le pas pour ces raisons et pour d’évidentes difficultés logistiques). Alors même que l’Unesco commence à considérer que recevoir un enseignement dans sa propre langue pourrait être un droit.

Chaque parent se demandera aussi - pourquoi l’enseignement est renforcé dans cette LPA et non dans la langue de communication choisie (ou imposée) en LV1, l’anglais ! Va-t-on imposer cet apprentissage dans une langue troisième, sous peine de perdre les allocations familiales, par exemple ? Genre : « nous allons faire le bonheur de vos enfants, de gré ou de force ! »

— Le rapport néglige les nombreux avis autorisés pour lesquels la simple présence de l’anglais, que ce soit en LV1 ou LV2, ôte toute motivation réelle de travailler intensément une autre langue, car la première langue étrangère demande déjà énormément de travail. Là encore, on retrouve l’habituelle sous-estimation de la difficulté des langues étrangères quand on vise un bon niveau, alors que cette LPA envisage un niveau proche de celui de sa langue maternelle !

— Ce rapport bénéficie déjà de présentations détaillées, de commentaires favorables du commissaire Orban dans les médias, alors que d’autres ont été totalement passés sous silence, comme le premier qui fut commandé par l’UE sur l’apprentissage précoce des langues, qui était très prudent et a ensuite été remplacé par un nouveau rapport ! De même, le rapport Grin sur le coût économique des différentes solutions à la communication dans l’UE a-t-il été boycotté et par l’UE et par les médias français...

Il y a donc deux types de rapports : ceux qui sont conformes au dogme, qui ne remettent pas en cause - ou si peu - la position de l’anglais comme langue de communication dans l’UE, et les autres, qui osent envisager d’autres voies à explorer et sont mis au placard !

— Dernier point et non des moindres : ce rapport est entièrement basé sur la notion de relations bilatérales entre pays et entre peuples, écartant de fait toute réflexion sur le dialogue entre Européens, notion pourtant essentielle à la construction et à l’intégration européennes.

Toute la réflexion est consacrée à cette troisième langue, LPA, alors que la question de la seconde langue étrangère ou langue de communication est délaissée. L’ouverture du rôle de langue véhiculaire à d’autres langues que l’anglais est certes mentionnée, mais sans plus... Négliger la question centrale, il fallait y penser !

— « Elle pourrait même donner à la construction européenne un nouvel élan, un nouveau souffle ».

Leur conclusion, au moins, ne manque pas de souffle !

Si nous étions méchants, nous demanderions s’il a bien été vérifié que tous les membres de ce groupe d’intellectuels étaient bien des intellectuels !Non, je déconne, on voit très bien que ce sont des intellectuels, car ils n’ont aucun sens pratique... L’un des membres est pourtant un ancien directeur du British Council, à qui aucune notion stratégique en matière de guerre des langues n’est étrangère.

Disons que ce rapport est le fruit de l’ambiguïté de la situation et du refus de débattre de la question centrale : celle de la langue de communication, l’anglais, que le rapport semble parfois entériner dans ce rôle, tout en suggérant que d’autres langues puissent tenir ce rôle. On s’y perd un peu. Quant aux trois idées maîtresses du rapport - la notion de langue personnelle adoptive (deuxième langue étrangère), l’importance des relations bilatérales entre langues et/ou pays et la création d’instituts bilatéraux - elles nous semblent inapplicables et théoriques.

L’UE a une longue expérience en matière d’usines à gaz, mais il est à notre avis peu probable que ces instituts bilatéraux de langues partenaires (26 instituts par pays ?) voient le jour.

En toute immodestie, nous signalons à toute personne réellement intéressée par la diversité linguistique et soucieuse de respecter la liberté de choix des langues, que nous avons formulé une proposition de réforme de l’enseignement des langues en France plus simple, plus efficace et moins coûteuse. Seul défaut, elle ne provient pas d’un groupe d’intellectuels, mais d’un simple quidam, espérantophone en plus, rien n’est parfait.

par Krokodilo

 


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Toute ouverture présente effectivement un danger, car on ouvre un débat dans lequel on ne connaît pas le rapport de force. La question est de savoir ce qui sortira de ce rapport en termes d'actions concrètes. Or, nous savons que les actions concrètes en matière de langue dépendent pour partie des institutions européennes elles-mêmes, question non traitées dans le rapport, mais surtout des gouvernements nationaux, seuls compétents en matière d'éducation et de législation du travail (sous réserve du droit international de l'OIT).

S'agissant du fond du rapport, on peut d'abord s'interroger sur la composition de ce groupe, apparemment assez restreinte. Je m'étonne, dans la version finale de ce rapport de ne plus voir apparaître le nom de Barbara Cassin, qui a dirigé cette oeuvre fondamentale qu'est le Vocabulaire européen des philosophies, et a été nommée dans ce groupe par le gouvernement français. La composition de ce groupe par nationalité n'est pas publique, il semblerait qu'il y ait 2 francophones (3 si Barbara Cassin est incluse), 1 allemand, 1 italien, 1 tchèque, 1 danois, 1 portugais, 1 anglais, etc.

Quant aux idées directrices, j'y retrouve un certain nombre d'idées déjà présentes dans la Charte européenne du plurilinguisme :
- idée notamment que les relations de pays à pays doivent s'effectuer de préférence dans les langues de ces pays et non par l'intermédiaire d'une langue tierce.
- idée que la diversité linguistique est un fondement de l'identité européenne
- idée que le danger c'est la langue unique (l"inéluctable", idée jugée incompatible avec l'identité et le projet européen.)
Une innovation fondamentale du rapport est le concept de "langue personnelle adoptive". Cette langue ne doit pas être a priori une langue de communication internationale. Cette langue de communication internationale, le rapport ne la récuse pas, mais observe qu'il n'y a pas que l'anglais. En fait, concrètement, le rapport suggère que la 1ère langue enseignée ne soit pas l'anglais mais une autre langue, en tant que langue de culture, ce qui rejoint un des axes fondamentaux de la Charte.

A mes yeux, ce rapport tranche fondamentalement par rapport à tout ce qui a été fait jusqu'à présent par la Commission où, sous couvert de multilinguisme, on pouvait justifier toutes les pratiques, allant du tout-anglais jusqu'à la diversité des langues, c'est-à-dire tout et son contraire. Là est sans doute la source de l'attachement de la Commission européenne au terme de multilinguisme. Le rapport d'Amin Maalouf prend sans la moindre équivoque la voie du plurilinguisme.

Personnellement, je le considère comme un atout dont nous avons à nous servir pour le futur.

Ce rapport ne comporte aucune préconisation en ce qui concerne les pratiques de la Commission européenne qui se comporte collectivement comme une banale organisation internationale. La Commission est seulement invitée à tirer les conséquences de ce rapport. Il s'agit d'une position politique très compréhensible, mais dont nous, société civile, ne pouvons nous satisfaire.

Donc, la position de l'OEP à l'égard de ce rapport, qui conceptuellement est une avancée décisive de la Commission vers un authentique plurilinguisme, pour autant qu'elle en accepte les conclusions, ce qui semble en être le cas, est de la considérer comme un outil dont nous aurons à nous servir. Il est évident qu'aussi bien au niveau de la Commission que dans certains gouvernements nationaux, les pratiques ne changeront pas et que nous en resterons au tout-anglais.
Une hirondelle ne fait pas le printemps.

Christian Tremblay
 

 

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Combien pensez-vous qu'un citoyen de l'UE, n'ayant pas d'aptitudes ou de goût à apprendre les langues étrangères, pourra en maîtriser ? Intelligemment, il serait bon, pour ne pas l'affoler, qu'il s'intéresse d'abord aux langues proches de la sienne. Par exemple, le français, l'espagnol, l'italien et le portugais sont 4 langues latines. Chaque natif d'une de ces 4 langues apprendraient un peu de vocabulaire des 3 autres et quelques expressions. Entre ces peuples, une communication serait facilitée par ce que l'on appelle la compréhension passive : chacun parlerait sa langue lentement et comprendrait l'autre. Les locuteurs de langues germaniques (allemand, anglais, néerlandais) feraient pareil de leur côté.

Ah, je m'aperçois de la faiblesse de ce système tout d'un coup : comment se comprendront l'allemand et le portugais ? Ça se complique : nos « latins » seraient obligés d'apprendre en plus le néerlandais (par exemple) et nos « germaniques » le portugais ?

Pour des « pas doués et pas attirés par les langues », ça se complique vraiment !

Et en plus, j'ai évoqué 7 langues seulement ! Et il en reste voyons ? 23 - 7 = 16 ! 16 langues en plus ! Oh la la ! Même les meilleurs traducteurs n'en parlent pas autant ! De toute façon, avec 23 langues, chacun devrait apprendre au moins 11 langues en plus de la sienne pour avoir la chance que l'Européen en face de plus en ait une en commun ! Bon courage !

Alors, en choisir 3 (comme officiellement le français, l'allemand et l'anglais) ? C'est injuste, car certains n'auront qu'à apprendre 2 langues et les autres 3, avec en plus la déception de la la mise à l'écart de leur langue !

Favoriser (comme officieusement et odieusement fait actuellement) une seule ? L'anglais, « la » langue internationale comme certains la nomment oubliant qu'il y a d'autres langues internationales (le français et l'espagnol sont langues de l'ONU et de l'OACI, par exemple - l'allemand est la 1ère langue de l'UE en nombre de locuteurs, l'italien est le descendant direct du latin, le portugais est présent aussi en Afrique et en Amérique (le continent), etc.) !  Les États-Unis vous remercient bien ! Comme l'a dit David Rothkopf : « il y va de l'intérêt économique et politique des États-Unis ... que la langue commune soit l'anglais » ! Pas l'intérêt de l'UE, vous avez bien lu (et vous connaissiez aussi cette citation, descendante en ligne directe de la stratégie de l'American Conference de 1961 ! Au fait, « ils" aimeraient bien aussi que l'on adopte les « pieds et les pouces » comme eux à la place de nos « stupides » mètres !

En France, des gradés de l'armée (peut-être aussi de simples soldats, mais ont-ils le droit de s'exprimer) s'insurgent contre l'imposition de l'anglais comme langue de travail dans un prétendu corps d'armée européen où sur 900 hommes, on trouve 5 anglophones et 850 francophones au moins, les autres n'étant ni l'un ni l'autre de naissance, mais connaissant assez le français pour s'être fait incorporer dans cette armée située en France ! (j'ai entendu ce Général sur une radio). Alors, pourquoi cela ? Pour mieux se rallier à l'OTAN ? Pour mieux envoyer des hommes européens servir de chair à canon lors de la prochaine attaque des États-Unis vers je ne sais où ?

Et, sans aller aussi loin, à quoi rime cette langue étrangère imposée en primaire (sinon en maternelle) à des enfants qui ne maîtrisent pas encore bien leur langue maternelle ou leur langue de leur pays d'accueil (pour les enfants d'immigrés) ? Surtout que cette langue est pratiquement à 100 % l'anglais ? Tout linguiste vous dira que pour bien apprendre une langue étrangère, il faut d'abord maîtriser sa (ou ses pour le bilingue de naissance) propre langue ! À moins que nos 22 langues soient promises à la tombe dans un avenir plus ou moins long ? Cela comblerait le voeu d'un sénateur américain (pas le continent, là !) « 6000 langues, c'est 5999 de trop, l'anglais suffit sur Terre » !).

Non, Monsieur le Commissaire, une UE qui favorise l'anglais n'est pas une UE indépendante et puissante, telle que nous la rêvons, nous les peuples ! C'est une succursalle, une Union vassalle et rien d'autre !

Alors, révisez plutôt votre jugement sur l'espéranto, qui n'a pas pour vocation de devenir langue officielle de l'UE, ni une des langues officielles, d'ailleurs, mais juste de résoudre ce problème épineux d'égalité des langues en UE ! C'est une langue facile à apprendre, qui à raison d'une heure par semaine pour les enfants de 10 à 12 ans (âge où ils possèdent bien leur propre langue oral comme écrit) serait maîtrisée et permettaient au jeunes Européens de se comprendre en toute égalité ! Et qui ne découragerait pas de l'étude de langues étrangères nationales, au contraire de l'anglais, langue dure qui demande des années d'efforts (et de l'argent en plus, merci pour la GB qui encaisse 18 milliards d'euros chaque année) au détriment des autres langues en premier de sa propre langue ! Et pour les termes techniques (dont la plupart - sinon tous - existent déjà et sont faciles à former par la combinaison de mots, pas un mot souvent d'origine étrangère incompréhensible - mais « qui fait bien » comme slamming, trader, etc., un mot qui donne le sens de l'objet ou de la technique et compréhensible par tous).

Il y va de la grandeur de l'UE, de son indépendance et de sa dignité !

Merci de votre lecture, Monsieur le Commissaire !

Pour ce qui est des produits, j'apprécie de voir ma langue en premier (à tout seigneur, tout honneur, dit-on chez nous) puis d'autres langues au pluriel ! Par contre, juste l'anglais ou pire l'anglais en premier et gros caractères et ma langue en dessous en petits caractères là je déteste !

 Brigitte

 

 

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« L'histoire montre qu'une lingua franca est un phénomène socio-linguistique spontané, non le fruit d'une décision législative ou politique ».
Seuls un imbécile et un ignorant peuvent être honnêtes en faisant une affirmation pareille ! Or, je ne crois pas qu'Orban soit un imbécile ni un ignorant, ce qui tendrait à penser qu'Orban soit malhonnête, ce qui le rendrait par voie de conséquence particulièrement dangereux.

Depuis fort longtemps, le pouvoir en place en Europe occidentale cultive l'ambiguïté dans sa politique linguistique. On dit une chose et on constate que ce qui est fait est en contradiction avec ce qui a été dit, ou bien on complique inutilement les problèmes. On ne rend obligatoire l'étude d'aucune langue mais, de fait, on impose l'anglais à tous, comme c'est le cas dans le système éducatif français, par exemple.

Comment casser ces courroies de transmission d'une politique linguistique claire qui a été mise en place depuis belle lurette et qui semble même s'accélérer aujourd'hui ? Tous ces relais de l'empire qui sont placés à des postes de responsabilité sont choisis soigneusement selon leur profil et leur degré d'allégeance à une ligne politique définie clairement pour satisfaire à des intérêts extérieurs. Soit les opposants et les militants sont balayés d'un revers de main comme des "fanatiques" ou de dangereux "nationalistes" ou encore comme des dinosaures attardés, soit on cultive l'ambiguïté pour donner un os à ronger aux plus agressifs et faire croire que l'on "réforme" le système pour préserver les intérêts du peuple ou bien encore, on souligne le caractère "inévitable" des phénomènes socio-linguistiques. Dans ce dernier cas, on va, par exemple, rajouter des mots anglais dans le dictionnaire sous prétexte qu'un doux crétin de la radio ou de la télé les a utilisés... On nous bassine avec l'affaire du "trader fou", c'est-à-dire avec l'histoire truquée du courtier Jérôme Kerviel de la Société générale, par exemple... Tout cela n'est pas innocent. Peu de choses arrivent au hasard et, dans l'atmosphère actuelle, les gens de pouvoir, les hauts responsables politiques, les ministres puent le mensonge quand il ne s'agit pas de trahison pure et simple comme c'est le cas avec l'approbation du traité de Lisbonne pourtant rejeté en 2005 par référendum par la France et la Hollande...

Non, décidément, Orban ne me convient pas. Pour être crédible, il devrait partir d'un constat très sévère sur la situation actuelle, identifier les raisons qui nous ont conduit à cette situation et les dénoncer. Ensuite, bâtir une politique du plurilinguisme sur les réalités, y compris les réalités sociales et économiques, et non sur les fantasmes. Enfin, ne pas dire les âneries cent fois répétées à propos de l'espéranto qui ne peut être en aucun cas, considéré comme une langue "comme les autres", mais "extérieure" à l'UE. Honnêteté, intelligence et réalisme seraient des qualités que j'apprécierais. Malheureusement, je détecte le contraire.

Charles Durand