Sujet : Résister contre le tout anglais : des Japonais, aussi, mais pas tous  !
Date : 143/08/2007
Envoi de : Dominique Couturier(courriel : dominik.couturier(chez)wanadoo.fr)Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"

 

 

Je suis actuellement en voyage au Japon, après avoir assisté au 92e congrès d'espéranto, du 4 au 11 août.

Ce congrès réunissait environ 1900 participants, dont environ 900 Japonais.



_________________________________________________
 

 

J'ai été frappée d'une chose.

À Yokohama, ville assez peu touristique, (et bien que ce soit un des plus grands ports du monde), les Japonais souriaient gentiment quand je leur glissais mes 50 mots, ou 10 phrases de leur langue (bonjour, merci beaucoup, pardon etc. et notamment les nombres, qu'on utilise pour acheter, ou pour donner le numéro de sa chambre quand on demande sa clé...), et ils semblaient se réjouir de ce "pas" vers eux.

À Yokohama, en sortant du musée de la soie, j'ai acheté une écharpe à la boutique. La vendeuse, intriguée par mon badge du congrès (elle avait dû en voir de semblables dans la semaine, 1900 personnes, dont 1000 étrangers, ça se remarque!), a entamé une conversation avec moi. Rapidement nous avons découvert que notre langue de communication commune était... l'italien !

Par contre, dans cette ville très touristique qu'est Kyoto, et cela, que ce soit dans notre hôtel 3 étoiles ou dans une petite boutique de quartier populaire, j'ai l'impression que l'effort que j'avais fait n'était d'aucune utilité (voire une faute de goût ?). Il semble même que cela les indispose, quand il s'agit des employés (à mon goût "trop") zélés de l'hôtel (bien que nous puissions nous payer cette classe d'hôtel, c'est faute d'en avoir réservé un plus simple que nous nous sommes "rabattus" sur cette solution). Bien sûr, à leur façon, il font partie d'une sorte d'élite, et dans leur esprit (je suppose), un touriste -- doit -- être satisfait qu'on lui parle anglais. Il n'y a pas d'alternative. On leur dit : "Arigato gozaimasu", ils répondent "thank you". On leur dit : "Hohayo gozaimasu", ils répondent "Good morning".

Votre visage vous dénonce comme occidental. Un passant qui vous effleure ne dit pas : "Gomen nasai" ou "Sumimasen", mais "Sorry"!
L'usage de l'anglais décourage l'apprentissage (même sommaire) des autres langues : à quoi bon, puisque...

À Kyoto, j'ai parfois eu l'impression d'être prise pour une handicapée mentale.

Quand dans une petite boutique d'alimentation, je montre des pommes préemballées et manifeste que j'ai bien compris que c'est "san hyaku go ju en" (350 yens) la marchande, subitement devenue sourde, se précipite pour me montrer la pancarte. Elle n'est tout simplement pas capable d'imaginer que je puisse savoir compter dans sa langue (celle-ci n'imagine même pas me parler anglais, qu'elle ne sait pas, et tant mieux !).

Dans une superette, non seulement on me montre la somme de mes achats en chiffres sur une calculatrice, mais en outre on me les lit en anglais (je sais lire l'écran d'une calculette, merci bien !) enfin cerise sur le gâteau, c'est tout juste si le caissier ne me prend pas mon porte-monnaie des mains pour y puiser lui-même la somme adéquate.

C'est dire que le fait d'être étranger ne laisse que deux solutions : ou bien on est "dans le coup" et on communique avec lui (elle) en anglais, ou bien il (elle) est perçu(e) comme complètement incapable, et il faut recourir au langage des signes.

J'ai en tous cas pu vérifier que l'anglais du Japonais moyen est au-dessous de celui du Français moyen. À la grande rigueur, dans le doute, je concèderai qu'il n'est en tous cas pas meilleur. À plusieurs reprises, j'ai eu affaire à des jeunes de 20-30 ans incapables d'utiliser ne serait-ce que cet "international English" de 2000 ou 3000 mots. Comme chez nous, c'est grandement dépendant du milieu social d'origine ou du milieu professionnel.

Pourquoi alors les médias nous instillent-ils ce sentiment de culpabilité, qui nous pousse à croire que nous, Français, serions "nuls en langues" ? Même pour un(e) Japonais(e), l'italien est plus facile que l'anglais !

L'anglais, ce n'est pas "LES langues"! Encore moins "la" langue. On pourrait le comparer à un "garnement", pas plus doué que ses concurrents, mais qui a bénéficié d'un certain nombre de soutiens pour s'imposer comme prétendument "incontournable", et qui en profite tant qu'il peut. La majorité des "bien-pensants", fascinée, l'adule et lui voue un culte. Il y a quelque chose de quasi religieux là-dedans...

Sur les Chinois, je vous donnerai une autre fois mon avis, car à Yokohama j'ai eu l'occasion de discuter avec un Chinois très intéressant, un peu désabusé, mais pas désespéré...

Je terminerai en signalant que le nouveau président de l'association mondiale d'espéranto est un Indien. Ce qui me semble une très bonne chose.