Sujet : Anglomanies ordinaires
Date : 19/03/2008
De : Étienne Parize   (courriel : etienne.parize(chez)wanadoo.fr)     Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"

 

CHRONIQUE D’ÉTIENNE PARIZE :

 

Lu ou entendu –

    Dans un numéro de « Valeurs actuelles » de janvier 2008, un articulet signale les bonnes résolutions du ministre Xavier Darcos, qui a réaffirmé dans un document la nécessité d’accorder « une priorité absolue à l’apprentissage de la langue française tout au long de la scolarité ». Espérons que les dieux ont entendu ce souhait et qu’ils sauront rappeler ses paroles à notre ministre en exercice ou au suivant. Car il est curieux que chaque ministre qui a en charge l’Éducation nationale fasse le constat du mauvais apprentissage de notre langue, émet sensiblement le même souhait que M. Darcos, puis oublie systématiquement son intention première de redonner souffle à notre bonne mère la langue.

    J’apprends par la même revue que « Logitech » devait commercialiser à la fin du mois de janvier un mini clavier, le diNovo Mini, équipement périphérique d’un ordinateur, capable d’être relié à un media center par le système bluetooth. Ce clavier dispose d’un click pad rond. D’autre part, la console « Nintendo » permet désormais de mieux parler l’anglais grâce à son système « english training », d’être plus zen en utilisant « let’s yoga » et de devenir plus beau en employant le « face training ». N’est-ce pas merveilleux ? Nous nous plaignons tout le temps, alors que nous pouvons faire tout cela avec la même machine. Je vous l’explique en notant les termes exacts, mais en vous demandant votre indulgence si jamais mes explications sont erronées, car j’ai moi-même bien du mal à suivre !

    D’après « Le Courrier Picard » du 23 janvier, la « séquence présidentielle » quotidienne est inspirée d’une méthode mise au point à la fin des années 90 par des « gourous anglo-saxons spécialisés dans le marketing et la communication politique. C’est une redoutable machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. […] Sa finalité est d’occuper l’opinion avec – chaque jour – quelque chose de nouveau ». Évidemment, personne n’a été en mesure de trouver une traduction à ce style caractéristique de faire de la politique-spectacle, et que l’on nomme de ce beau nom : « storytelling ». Depuis mai 2007, nous vivons cela avec un certain agacement, car chaque épisode du feuilleton est similaire au précédent

    Autrefois, les magazines de télévision et les quotidiens traduisaient systématiquement tous les titres des films anglo-saxons, comme le font encore nos amis québécois. Cela avait au moins l’avantage d’être compris par tout le monde. Aujourd’hui, tous ces titres demeurent en anglais dans la presse, car les rédacteurs ont déjà le sentiment que la France est une Nation bilingue, leur comportement ayant pour conséquence, pensent-ils, l’inutilité de la traduction des termes anglais.

    Qu’apprends-je de notre quotidien, Le Courrier Picard, information qui fut aussi relayée par tous les médias ? Qu’une énorme fraude ébranla la Société Générale, grande banque française ! Et c’est justement parce qu’elle est française que l’on nous indique qu’un « trader » a fraudé à l’intérieur de sa propre entreprise, la dite banque. Il fut employé dès 2000 au « middle office ». Vous voyez, que nous sommes bien en présence d’une banque française ! Dans le même journal (26 janvier) on nous informe qu’un « pass-Beauvais-Oise » permettra aux automobilistes qui en seront munis, d’emprunter gratuitement l’A 16 sur une portion pour rejoindre la RN 31. Il s’agit d’un « télébadge Liber-t » à positionner sur le pare-brise, ajoute-t-on. Grâce à ce charabia, on saisit vraiment bien les desseins des autorités locales, n’est-ce pas ? 

    Une étiquette autocollante apposée sur une grande enveloppe reçue d’une amie, porte le texte suivant : « WWF – CHANGE YOUR ATTITUDE for a living planet ». Comme je suis chez moi, sauf avis contraire, et que j’ai horreur qu’on me caresse dans le sens du poil en langue étrangère, je me suis mis à porter des fourrures britanniques et à manger du koala. Vous me verriez, à table avec ma fourrure en train de grignoter une cuisse de l’animal !

    Feuilletant un catalogue, je lis « dress code ». Je me dresse alors sur mes ergots, prends un air courroucé, attrape mon code civil et enfile ma jupe écossaise. Voilà ce qu’ils méritent, me dis-je ! Un peu plus tard, j’ouvre mon quotidien et m’aperçois que les propriétaires de l’ « Irish pub » d’Abbeville, dans la Somme, ont changé de propriétaire. J’en suis heureux.

   Une saine lecture d’un pavé publicitaire, envoyé par « Vegetal water », porte à ma connaissance que toutes les coordonnées de l’entreprise sont françaises, et que celle-ci utilise un conditionnement en « Bag in box ». Quelle joie de l’apprendre ! Du coup, j’ôte ma bague et me dirige vers le box de mon cheval, car j’ai décidé de faire une petite séance d’équitation, même s’il pleut.  

   Grâce à l’affaire de la Société Générale, une « bonne banque » dans laquelle les hiérarques ne savent rien, ignorent les agissements de leurs subordonnés et ne connaissent apparemment pas les rouages du fonctionnement de leur propre système, nous avons entendu mille et une fois le mot « trader » mais il nous est cependant difficile de savoir ce qu’est exactement ce genre humain. Pourquoi ne dit-on pas « spéculateur », puisqu’il s’agit de ce genre d’individu ?

   Un français, Joseph Sifakis, reçoit le « prix Turing » de l’informatique, nous apprend « Le Courrier Picard » du 6 février 2007. Il est l’inventeur du « model-checking », ajoute le journal. Ce serait « une technologie de vérification des systèmes complexes ». Nous sommes très heureux de le savoir et curieux de tester la technique !

   On ignore comment naissent de nouveaux termes, employés des dizaines de fois en peu de temps, comme les « bobos », il y a sans doute quelques années. Depuis deux ou trois semaines (j’écris ces mots au début du mois de février 2008 ! ) on entend ou lit fréquemment l’expression « bling bling ». Que signifie-t-elle exactement ? On ne le sait pas ! Toujours est-il qu’elle est employée au sujet de personnes qui font grand bruit dans l’actualité, qui semblent constamment excitées, comme notre Président.

    Lors d’une séance de « speed dating » à laquelle j’ai participé « online », on m’a accordé une « wild card » afin que je puisse assister à la présentation du nouveau 4x4 koleos de Renault, un « crossover » dernier cri. Ensuite un « talk-over » commença. Ces phrases sont-elles écrites en bon français ? À vous de me le dire. J’ai relevé les mots entre guillemets dans les journaux de ces jours derniers, mais leur signification exacte m’est inconnue, alors je m’essaie à la composition pseudo française !

    Le petit magazine « Version femina » est très anglophile. Le n° 308 du 22 février 2008 ne fait pas exception à la règle. La couverture annonce déjà la couleur : « mode seventies ». Le dossier « mod et en dance » (sic), nous met de suite à l’aise, grâce à son titre ronflant : « Cool TOUJOURS ». Nous trouvons ainsi les modèles suivants : « baba sexy », « deep purple », « like Janis Joplin », « peace and love ». Incroyable, non !

    Dans une espèce de publicité pour le cinéma, des Réseaux Professionnels du spectacles, je lis : « Coaching et training face à la caméra ». J’espère que vous serez, comme moi, heureux d’apprendre cette nouvelle intéressante. Dans le même message, je lis aussi : « Coaching voix-off ». C’est bon à savoir !

    Dans le n° 311 de l’anglophile « Version femina », les sous-titres de l’article « majournéenumérique » sont ainsi rédigés : 8 H 30 JE NEWS ; 9 HEURES JE SMARTPHONE ; 9 H 30 JE MAILE ; 10 HEURES JE MAPS ; 10 H 15 JE MP3 ; 11 H 15 JE PODCAST ; 12 H 30 JE SERVICE EN LIGNE ; 13 HEURES J’E-SHOPPING ; 13 H 45 JE DS ; 14 H 30 JE RESEAUTE ; 15 HEURES JE SMS ; 15 H 30 JE MSN ; 18 HEURES J’IMAGE ; 19 HEURES JE WII FITNESS ; 19 H 30 JE BLOGUE ; 19 H 40 JE FLUX RSS ; 19 H 45 JE DIGG ; 19 H 50 JE DAILYMOTION ; 21 H 30 JE VOD (video on demand). Bien entendu, toutes ces informations sont rédigées telles que je vous les livre, c’est-à-dire en lettres capitales. Quelle belle langue nous avons, n’est-ce pas ?

    La revue « Réponse à tout » n° 213 de mars 2008 signalait dans un article que la société française MDI, basée à Carnos, sur les hauteurs de Nice, développait un projet de voiture automobile fonctionnant à l’air comprimé. Les trois modèles qu’elle proposerait se nomment ainsi : la « Onecat », la « Minicat », la « Citycat ». Cette entreprise française ne pouvait pas mieux choisir le nom de ses modèles pour respecter la langue en usage dans son pays, n’est-ce pas ? 

 

 Étienne PARIZE. (02 & 03.2008)

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