Sujet : Lettre ouverte au Président Sarkozy contre l'Anglovision !
Date : 23/05/2008

De : Georges Gastaud   (courriel : gastaudcrovisier2(chez)wanadoo.fr)  

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Georges Hage, député honoraire du nord, 52 rue Deforest - 59500 Douai

Georges Gastaud, philosophe, 10 rue Grignard - 62300 Lens- Co-initiateurs du Manifeste progressiste pour la défense de la langue française. Fondateurs du Comité populaire pour la résistance linguistique (COPREL, en cours de constitution)

Copie aux associations, aux organisations politiques et syndicales s’intéressant au français                          

 

Le 23 mai 2008

                                                                                                                                                  

À Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République

Objet :  défense de la langue française et de la diversité linguistique contre le « tout-anglais »

 

Monsieur le Président de la République,

 

         En tant qu’initiateurs d’un « Manifeste progressiste pour la défense de la langue française » qui a obtenu plus d’un millier de signatures d’une large diversité géographique et professionnelle, nous avons l’honneur de protester solennellement auprès de vous contre la décision des responsables de l’audiovisuel public français de présenter au concours de l’eurovision une chanson en anglais.

 

Il est humiliant pour notre pays, dont la langue a inspiré les Brel, Brassens, Ferré, Barbara, Ferrat, Moustaki, I. Aubret, sans parler de Rouget de Lisle, de J.-B. Clément et autres Eugène Pottier, de voir certains de ses responsables officiels recourir à l’anglais pour investir le marché international en reniant son identité culturelle, son honneur et même sa dignité nationale.

 

La pire chose qui pourrait arriver au concours de l’eurovision, c’est que la France « gagne » dans de telles conditions de flagrante indignité. Si pour « gagner » il faut refuser d’être soi, si pour percer commercialement il faut se suicider nationalement et culturellement, alors c’est que notre malheureux pays ne sait plus ni qui il est, ni d’où il vient ni où il va… ni même s’il existe encore. Si la « France » (?) « gagnait » dans de telles conditions, ce serait une lourde défaite mondiale pour la langue d’Hugo et d’Aimé Césaire, un acte suicidaire pour la francophonie et une effrayante victoire pour ceux qui veulent imposer le « tout anglais » à notre pays.

 

Déjà de provocantes publicités en anglais envahissent nos écrans lors du « prime time » (sic) ; de plus en plus de firmes « françaises » choisissent l’anglais pour conquérir le marché… national : de Peugeot « Blue Lion » à « C3 stop and start » en passant par « Renault Trucks ».

 

Or, loin de combattre cette tendance linguistiquement suicidaire, Mme Valérie Pécresse veut « casser le tabou des cours en anglais à l’université » (française) ! M. Bockel a signé le protocole de Londres sur les brevets qui est extrêmement favorable à l’anglais. Lors de son séjour aux États-Unis, M. le Premier ministre a choisi de s’exprimer en anglais devant les décideurs américains, donnant ainsi l’exemple éclatant de l’abandon du caractère international du français, lequel n’est pas seulement la langue officielle de la République française, mais aussi celle de la francophonie.

 

Quant à l’Union européenne, certaines informations montrent que 14% des textes officiels publiés par cet organisme sont écrits en français, le tout anglais étant de plus en plus favorisé par la Commission européenne au mépris des engagements de l’U.E. sur la défense des diversités et des « identités » nationales.

 

Encore plus gravement, car cela signifie la soumission de notre pays à un accablant colonialisme intérieur, des syndicats de diverses obédiences (CGT, CFTC, CGC…) en sont à se fédérer publiquement pour revendiquer « le droit de travailler en français en France » ! Il est vrai que M. Seillière, qui s’exprime désormais au titre du syndicat patronal européen « Business Europe » a déclaré lors de sa prise de fonction qu’il ne parlerait désormais plus qu’« en anglais, la langue des affaires et des entreprises » (ce qui a provoqué le départ indigné de M. Chirac qui assistait à cette scène).

 

              Le but est-il aujourd’hui dans les cercles dirigeants de notre pays d’en finir avec le rôle international du français alors que vous-même, M. le Président, vous êtes maintes fois prononcé pour revaloriser le rôle du français et de la francophonie alors que vous étiez candidat à la présidence de la République ?

 

            Le but est-il, encore plus gravement, de refouler peu à peu le français dans notre propre pays dans un rôle de langue indigène refoulée dans l’usage domestique, l’anglais accaparant peu à peu les positions de prestige dans l’économie, la diplomatie, la communication de masse, le spectacle, le cinéma ? Dans ces conditions là, notre langue, colonne vertébrale de notre héritage national, survivra-t-elle au 21e siècle ?

 

            L’ « identité nationale » se résumerait-elle désormais à expulser des milliers d’ouvriers immigrés, pour la plupart francophones et dont beaucoup paient des impôts chez nous, pendant qu’une sorte de langue néo-impériale phagocyterait peu à peu la langue française en France et dans le monde avec les énormes dangers que cela comporte pour la diversité culturelle et in fine, pour la liberté de penser dans le monde menacée par la langue, la pensée et l’économie uniques ?

 

            Au fond la question posée par la piteux tour de piste de Tellier à l’eurovision est « qu’est-ce que la France ? ». Pour nous défenseurs progressistes du français, la France, c’est notamment l’héritage humaniste des Lumières, de 89, du mouvement ouvrier, laïque et démocratique des 19e et 20e siècles, l’héritage de la Libération ; c’est aussi et surtout un peuple d’ouvriers, d’employés, d’ingénieurs, d’enseignants, de petits et moyens entrepreneurs, d’étudiants, qui font vivre le français au quotidien et construisent la nation de demain. L’attaque contre le français dont la chanson de Tellier à l’eurovision est la pointe avancée s’inscrit à nos yeux dans le démantèlement de l’héritage progressiste national et de la diversité culturelle mondiale, qui est actuellement mise en œuvre sous le nom de rupture. Nous aimerions certes être démentis sur ce point.

 

            Face à l’humiliation infligée à notre langue, à la francophonie et à l’identité culturelle progressiste de notre peuple, il ne serait pas anormal que le chef de l’État condamne publiquement la pantalonnade que représente le choix de l’anglais pour représenter la France au concours de l’eurovision.

 

Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’expression de notre profond respect pour l’idéal républicain et pour la langue française que la Constitution de notre pays vous fait obligation de défendre.

 

Georges Hage, Georges Gastaud

 

 

Dernière minute : les députés viennent d’adopter un projet de modification constitutionnelle portant les langues régionales au « patrimoine de la nation ». Nous ne commenterons pas ici ce vote. Il est proprement sidérant que le jour même où la langue commune des  Français et des francophones est humiliée par la chanson de S. Tellier, la majorité des élus de la Nation n’aient pas eu une pensée pour la langue française.