Sujet : La conquête des esprits
Date : 16/06/2007
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La conquête des esprits
par
Charles-Xavier Durand
Publié à Paris sur http://www.voxlatina.com

le samedi 16 juin 2007
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  Le dernier livre de Paul-Marie Coûteaux, « Être et parler français », a de multiples mérites, entre autres celui de mentionner en référence un ouvrage complètement ignoré dès sa parution et intitulé : « La  conquête des esprits ». Tel est l’objectif explicitement formulé parYves Eudes, dès 1982, du formidable appareil d’exportation culturel étasunien, dirigé vers l’ensemble des pays du monde.

Révélant le rôle stratégique de l’arme culturelle dans l’affirmation d’une volonté d’hégémonie planétaire, ce livre présente pour la première fois une étude détaillée des divers organismes qui en sont l’instrument, de leurs mécanismes et de leurs stratégies, infiniment plus discrets et méconnus que ceux des appareils économiques et militaires.

On découvre ainsi comment l’apparition simultanée, dans de nombreux pays, de certains thèmes de débats publics ou de modes intellectuelles ne doit rien au hasard et beaucoup à l’action subtile et multiforme de l’US International Communication Agency, des Peace Corps ou de la CIA...

Le barrage du silence imposé par les médias eut pour résultat que, aujourd’hui, le livre d’Eudes demeure inconnu de ceux qui, pourtant, bénéficieraient le plus de sa lecture. En France, cela comprend l’ensemble du dispositif des SCAC (Services de coopération et d’action culturelle), les acteurs de la francophonie institutionnelle ainsi que le ministère de la culture. Toutefois, se limiter à une liste aussi restreinte serait méconnaître le rôle profond de la culture sur l’éducation, l’économie et le potentiel scientifique d’un pays.

J’ai pu commander ce livre, dans son édition originale aux pages jaunies, de la librairie en ligne chapitre.com. À sa lecture, très vite, on se rend compte que son auteur a bénéficié de l’aide puissante d’un informateur, très certainement situé au centre du dispositif étasunien d’exportation linguistique et culturelle. L’information fournie par Eudes est d’une telle richesse et d’une telle précision qu’elle est impossible à réunir pour un journaliste, se fût-il transformé en Sherlock Holmes pour la circonstance. L’identité de cet informateur est bien entendu passée sous silence mais son existence ne fait aucun doute. Alors que les vertus de l’action culturelle et linguistique sont souvent dénigrées et minimisées en France, l’inconscience et la méconnaissance règnent à propos des moyens titanesques dont se sont dotés les États-Unis dans ce secteur qui, pour des raisons évidentes, ne reçoivent bien évidemment pas l’attention des médias.

La raison de fond de l’intérêt des États-Unis pour l’exportation culturelle, Eudes écrit, est que la classe dominante étasunienne est habitée, au moins depuis la Seconde Guerre mondiale, d’un projet cohérent et explicite d’hégémonie planétaire. Or, les États-Unis savent pertinemment que toute conquête durable suppose à terme l’obtention de l’allégeance spontanée des populations ciblées ou, au moins, de ses élites locales. Le meilleur moyen d’y parvenir a toujours été l’intégration, l’assimilation, c’est-à-dire le transfert des valeurs, des principes, des modes de vie et des formes d’expression des nouveaux maîtres vers les nouveaux sujets. Même si elle n’est pas acquise dès la naissance, l’appartenance au groupe fondée sur la pratique d’une culture et d’une langue communes fait naître des liens intimes, irrationnels, intériorisés et infiniment plus fiables à long terme que la coopération fondée sur l’intérêt économique ou sur l’acceptation rationnelle de principes explicites de fonctionnement.

On comprend ainsi que l’effort de colonisation entrepris à diverses époques par diverses puissances s’est appuyé sur le missionariat et la diffusion de la religion qui l’accompagnait. La diffusion de l’Islam suit ou précède de près la conquête arabe qui permet également la diffusion de sa langue. Très vite, des pays comme la Syrie, ancienne province romaine, deviennent effectivement arabes. Tout autant que la diffusion de la religion, la diffusion de la langue est faite brutalement par les Espagnols en Amérique latine qui, de plus, l’accélérèrent encore par un métissage massif avec les populations autochtones. Les croyances religieuses, et encore plus une langue commune, entraînent des convergences importantes de conception qui sont la base des connivences recherchées entre le peuple dominé et celui qui aspire à dominer.

L’exportation culturelle (dont la religion n’est qu’un des éléments) sous toutes ses formes, apparaît dès lors comme un instrument à part entière pour la conquête, le maintien et l’extension d’une hégémonie.

Toutefois, ce que l’Européen a, en général du mal à voir, c’est que, pour les Étasuniens qui président à ce mouvement, il s’agit là d’accomplir la destinée universelle de leur pays. Qu’il soit allemand, français ou espagnol, l’Européen pense que cela serait contraire au pragmatisme qu’il prête aisément à un peuple qu’il croit préoccupé exclusivement par des questions économiques et commerciales. Il ne peut donc prendre au sérieux une telle prétention et en nie généralement l’existence. Pourtant, depuis le début du soulèvement pour l’indépendance des treize colonies, les États-Unis ont un message à livrer à l’humanité entière. C’est leur volonté mais c’est surtout leur droit et l’une des missions les plus sacrées que leur a déléguée la Providence. L’exportation de la
culture et de l’idéologie du « Nouveau monde » est enracinée au plus profond de ce que l’on pourrait appeler la « religion civile » des Étasuniens qui, depuis deux siècles, assure la cohésion et la confiance en soi de ce peuple. Elle constitue l’un des grands volets fondamentaux du messianisme du pays. Les grands principes érigés en dogmes absolus par les Pères fondateurs de la nation justifient et transcendent l’interventionnisme étasunien dans le domaine idéologique plus encore que dans les autres. C’est par excellence dans ce domaine où l’intervention hors des frontières est expressément souhaitée et proclamée officiellement comme juste et nécessaire depuis la naissance des États-Unis comme nation indépendante.

Comme Yves Eudes le souligne dans son livre, le lien profond entre l’exportation culturelle et la pensée étasunienne est donc explicite et permanent car, pour ses habitants, les États-Unis ne sont pas et ne doivent pas devenir une nation comme les autres. Que ce soit avant la victoire de 1783 comme jusqu’à notre époque, il n’est pas un homme d’État étasunien, pas un penseur de ce pays qui n’insiste avec une véhémence et une outrance extraordinaires sur la rupture absolue, le recommencement de l’histoire que constitue la sécession avec l’Angleterre. Allant jusqu’à nier l’héritage biologique et culturel légué par
l’ancienne métropole, tous proclament que les États-Unis sont une entité unique et incomparable doté d’institutions parfaites et éternelles. Les exagérations et les outrances que l’on note régulièrement dans les discours des divers présidents sur l’état de l’union (State of the Union Address) ou dans d’autres occasions ne dénotent pas un phénomène passager mais un démarquage résolu et perpétuel du pays par rapport à tous les autres. Les Étasuniens se nomment eux-mêmes Américains, comme s’ils incarnaient à eux seuls toutes les réalités des parties nord et sud du continent dont ils n’occupent pourtant pas plus qu’un cinquième, en surface inférieure à celle du Canada et à peine plus importante que celle du Brésil. Les Étasuniens ne sont pas fiers d’eux-mêmes au sens où les Chinois le sont de leur civilisation plurimillénaire. Ils incarnent la Nouvelle Jérusalem et sont le nouveau peuple élu de Dieu avec tout ce que cela
peut impliquer en droits auto-proclamés et auto-attribués d’intervention et d’ingérence partout sur la planète. Beaucoup de Français et d’Européens, même parmi les politiciens au plus haut niveau ne sont absolument pas conscients de ces facteurs qui sous-tendent pourtant la politique étrangère des États-Unis alors qu’il suffit de se renseigner, d’observer et surtout d’écouter les discours de la classe dirigeante de ce pays. Les composantes messianique et universaliste de l’idéologie étasunienne sont totalement ignorées, ce qui a bien évidemment pour résultat des erreurs d’appréciation colossales dans tous
les domaines. Les États-Unis aspirent à la direction spirituelle de la Terre, et même des autres planètes du système solaire ou même de l’univers tout entier, si c’était possible... C’est donc dans ce cadre de références mentales que les maîtres de la politique étrangère étasunienne ont reconnu, depuis au moins la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’importance stratégique FONDAMENTALE des transferts culturels. Or, Yves Eudes écrit : « En matière de communication comme en matière de guerre ou de finance, les forces aveugles telles que les lois du marché ne sont pas les seules à régir les différentes étapes de l’accession au rang de superpuissance. Une telle entreprise suppose une volonté d’intervention délibérée et un système de coordination au plus haut niveau. La conquête linguistique et culturelle repose donc pour une bonne part sur l’intervention de l’État fédéral, auquel un rôle essentiel a toujours été réservé dans le processus global d’expansion internationale, quel que soit le secteur envisagé ».

Cependant, dans le cas de la conquête linguistique et culturelle, la logique d’action est très éloignée de la logique marchande qui fait fonctionner le reste du système, car elle n’obéit pas à la loi du profit, à moins qu’il ne s’agisse d’un profit à très long terme, ce qui est bien évidemment le but recherché. Dans le tiers monde, un autre phénomène doit être pris en compte, c’est la dépendance séculaire et délibérée des classes dominantes locales à l'égard d’un centre externe de pouvoir et de créativité. Beaucoup d’États actuels du tiers monde subissent depuis les origines de l’aventure coloniale européenne un flux unilatéral et continu d’importation massive de la culture occidentale. Se définissant dès leur naissance comme un appendice des classes dominantes métropolitaines, les élites « périphériques » sont toujours allées chercher, de manière systématique hors de leur propre société, la quasi-totalité de leurs valeurs, de leurs normes sociales, de leur pensée philosophique, scientifique, politique, et même une grande partie de leur inspiration artistique et littéraire. Très souvent, même les mouvements d’indépendance qui se sont érigés contre les puissances coloniales ont été nourris par la pensée des intellectuels métropolitains qui ne pouvaient accepter pour un quelconque peuple ce qu’ils n’auraient jamais accepté pour eux-mêmes. L’assujettissement à une puissance coloniale externe était beaucoup plus supportable par le petit peuple, plié à un pouvoir autochtone souvent nettement plus dur, que pour les élites habituées à penser selon des schémas occidentaux incompatibles avec leur statut dans l’organisation coloniale.

Ainsi, lors du reflux de l’Europe, les États-Unis n’ont souvent eu qu’à se glisser à la place des anciens maîtres sans avoir à lutter pour s’imposer car les classes supérieures se sont lancées avec volontarisme dans la pratique experte de la culture américaine. C’est particulièrement vrai dans les anciennes colonies britanniques où les élites locales n’ont pas eu à faire de réajustement linguistique.

Si l’existence du mécanisme d’exportation linguistique et culturel étasunien est, à l’origine, motivé par un certain nombre de raisons idéologiques, il est bien sûr aussi motivé par des raisons matérielles. Déjà, lorsqu’en 1981, Yves Eudes rédigea son ouvrage, il écrivit : « Les États-Unis ne peuvent
plus se passer du reste du monde pour maintenir leur prospérité et même l’existence de leur société dans sa forme actuelle et rien de concret n’indique qu’ils se résolvent à établir avec l’extérieur des relations plus équilibrées ». Vingt-cinq ans plus tard, cette dépendance des États-Unis à l'égard du monde extérieur s’est considérablement accrue. Besoins en matières premières telles que le pétrole, bien sûr, mais aussi besoins massifs en produits manufacturés que l’économie du pays ne produit plus.

Cela toutefois n’est pas là le problème le plus crucial qui est celui d’une croissance financée exclusivement par les dettes massives que le pays a contractées, depuis 1971, et que les spécialistes s’accordent pour déclarer qu’elles ne pourront jamais être remboursées. Ce système ne perdure que parce qu’il se situe actuellement dans une logique impériale qui a fait du dollar la devise de référence internationale et qui impose cette monnaie pour la plupart des échanges commerciaux à grande échelle. Dans une certaine mesure, le commerce mondial est devenu un jeu dans lequel les États-Unis produisent des billets verts tandis que le reste du monde produit des biens que le dollar peut acheter. Seul, le maintien d’une hégémonie politique sur le reste de la planète peut retarder l’éclatement d’un tel système qui surviendra forcément des déséquilibres qu’il engendre. Ces déséquilibres engendrent à leur tour des ennemis qu’il faut neutraliser ou mettre hors d’atteinte de perturber la logique impériale.

Or, la mise sous tutelle permanente de territoires, c’est-à-dire par la force des armées, est une solution lourde, de moins en moins fiable, parfois dangereuse et tout simplement désuète. Le micro-militarisme théâtral à l’œuvre en Afghanistan et surtout en Irak montre clairement ses limites quand il s’exerce sur une population déterminée à chasser l’occupant et à miner ses intérêts pour plus d’une génération à venir...

S’il faut, pour les États-Unis, maintenir l’empire à tout prix, il devient de plus en plus nécessaire de masquer les véritables raisons derrière les énergies qui sont déployées pour atteindre ce but tout en prenant des mesures pour transférer les moyens de manipulation au niveau des esprits. Le dispositif prévu à cet effet s’insère jusqu’à s’y fondre dans les réseaux locaux de communication et d’enseignement. En confortant leur hégémonie idéologique sur l’ensemble des couches aisées de nombreuses nations, en s’ingérant dans le dispositif éducatif des nouvelles générations, le but est bien sûr de développer une influence sur non seulement les comportements mais aussi sur la production intellectuelle. En INFLÉCHISSANT cette production intellectuelle générale, on peut ainsi facilement éliminer d’une compétition indésirable d’éventuels prétendants à la suprématie intellectuelle et, surtout, garder la main sur les aspects tangibles de ce que la suprématie intellectuelle engendre en tant qu’innovations d’utilisation pratique. Bien entendu, c’est la pénétration initiale qui est la plus ardue et aléatoire.

Cependant, sauf exception dont l’Iran de 1979 constitue un bel exemple, les progrès de la culture expansionniste rencontrent chaque jour une résistance moindre, les cultures réceptrices devenant en principe de plus en plus poreuses et malléables. Le même effort a donc un impact sans cesse croissant.

 

L’INTERDÉPENDANCE COMME MYTHE

Les concepts intermédiaires qui sont mis en œuvre sont variés et complexes mais il en est deux qui dominent largement la production contemporaine et qui sont d’ailleurs connexes.

La première de ces idées-forces, celle qui sert de cadre à toute argumentation du néo-idéalisme conquérant, c’est l’interdépendance de tous les peuples de la terre dans le monde contemporain. Ce concept s’introduit partout et est amplement relayé par les journalistes et les politiques. Désormais, tous les problèmes semblent n’avoir de solution que si la planète entière s’y implique. Moins innocent qu’il n’y paraît, ce concept rentre bien sûr en conflit avec celui d’État-nation, et justifie a priori les ingérences extérieures. Vue sous cet angle, l’interdépendance est le concept indispensable qui sert de support à une invasion culturelle et linguistique extérieure. D’autre part, une certaine forme de ce que l’on pourrait appeler « l’internationalisme » a vite caractérisé l’élite étasunienne. Né en 1737, en Angleterre, mais prenant part à la révolution, le philosophe Thomas Paine, par exemple, déclara : « Sur quelque point de la Terre que ce soit, c’est ici mon pays ! » La « souveraineté internationale » est dans la ligne du parlement universel de Benjamin Franklin et la société internationale intégralement interdépendante est dans le cadre des idées de Paine qui exprime un désir autant qu’une volonté. Toutefois, il ne s’agit nullement de prêter les mêmes sentiments aux citoyens de tous les pays mais bien pour ceux qui se dénomment désormais « Américains » de pouvoir s’installer, s’ils le désirent, partout sur la planète. Dans la même veine aujourd’hui, le sénateur Inhofe et Steve King, membre du congrès1, déclarent que : « sur les 6 000 langues de la planète, il y en a 5 999 de trop ! ».

Ce sentiment semble aujourd’hui partagé par une partie de « l’élite » européenne, plus particulièrement française, qui fait des émules parmi les universitaires et autres intellectuels et qui finissent par se croire, eux aussi, « citoyens du monde ». Cette utopie, qui vole bien évidemment en éclats par l’observation, même superficielle, de la diversité des peuples de la planète, révèle malgré tout une surprenante naïveté et une ignorance difficilement excusables à une ère de communications instantanées et de déplacements faciles. C’est à cela que l’on voit le poids de l’idéologie et du conditionnement même s’ils sont totalement contredits par l’expérience.

Dès les années 70, le développement énorme des télécommunications fut planifié et mis en exergue pour justifier l’existence du village planétaire global. La technique fut ainsi mise au service d’objectifs idéologiques précis et fut dégagée de toute contingence politique, sociale et économique, empiétant ainsi un peu plus sur les aspects les plus pérennes de l’environnement humain. Le discours techniciste nous promet l’émergence des talents et la mort des oligarchies et des ploutocraties, la fin des particularismes déclencheurs de conflits, l’accès universel à la connaissance. Il est à noter que ces promesses remontent bien avant l’émergence d’Internet comme outil mis à la portée de tous. Cependant, la technique a un centre géographique : ce sont les États-Unis. Les perceptions communiquées par la presse dans le domaine de la technique sont claires. La science et la technique parlent désormais anglais et sa maîtrise est dès lors indispensable pour parler science et technique. En France, alors que l’étude des langues étrangère était facultative dans les années 60 pour les étudiants en science et les futurs ingénieurs, celle de l’anglais fut imposée avec force dans la décennie 90-2000 et à tel point que, maintenant, il est désormais impossible pour ces mêmes étudiants de décrocher leur diplôme en cas de note insuffisante aux tests d’anglais TOEFL ou TOEIC. Aussi brillant soit-il dans sa discipline, le nul-en-anglais n’a aucune chance d’exercer le métier d’ingénieur ou de pouvoir se lancer dans la recherche, quel que soit son domaine et même si sa profession ne lui fait jamais quitter le sol national. Tout cela concourt au maintien du mythe de la dépendance du monde à l'égard des États-Unis en science et en technologie. Les réussites nationales ou celles des autres nations en la matière sont minimisées ou passées sous silence. L’histoire des sciences est même quelquefois partiellement réécrite au profit des contributions anglo-saxonnes, comme je l’ai montré dans « La mise en place des monopoles du savoir2 ».

Le mythe du caractère indispensable et de la prééminence des techniques une fois installé, il importe, par voie de conséquence, qu’aucune barrière à caractère jugé rétrograde ne leur soit opposée. Il en est exactement de même POUR CE QU’ELLES VÉHICULENT. Il faut abattre tous les obstacles passéistes et caducs dans ce nouvel espace de communication globale, et encore plus particulièrement dans le cadre de la production intellectuelle. Dans le but déclaré de détruire les barrières qui filtrent et dissimulent l’information, les États-Unis insistent donc pour que tous les États abolissent tout contrôle sur toute information reçue et envoyée. Bien entendu, cette condition est sine qua non pour la pénétration linguistique et culturelle étasunienne, ce que personne ne s’empresse de souligner, bien évidemment. Il faut également tuer l’idéologie du nationalisme qui associe le mérite d’une trouvaille quelconque à un pays donné. C’est par l’effacement des cultures nationales, obstacle à l’intégration heureuse de l’humanité, que le consensus mondial pourra être réalisé grâce à la « technologie américaine » utilisée à bon escient.

Sur une trentaine d’années va se mettre en place un nouveau système de production scientifique, en France, mais aussi dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale. Avant ce réajustement, la production scientifique, en France, est l’apanage de laboratoires spécialisés en recherche appliquée et d’individus particuliers dans le cadre de la recherche universitaire. Tout le monde qui est censé faire de la recherche est loin d’être productif, ce qui fera d’ailleurs dire à de Gaulle que « des chercheurs qui cherchent, on en trouve mais, des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! ». Toutefois, dans le système français, seules les trouvailles significatives sont publiées. Jusqu’à la fin des années 70, les universitaires français n’essayent pas de déguiser en nouveautés leurs dernières cogitations. En Russie, dont la production scientifique est considérable à cette époque, il n’est pas rare qu’un grand enseignant-chercheur universitaire ne publie qu’un article de valeur tous les quinze à vingt ans ! Quiconque entreprend une bibliographie sérieuse sur un sujet donné ne peut alors négliger les publications allemandes et russes. En l’espace d’une trentaine d’années, ce système en vient à être totalement remplacé par un autre dont la logique est sous-tendue par l’installation de l’idéologie étasunienne en matière de recherche telle qu’elle est destinée aux pays de la « périphérie ». Si la recherche industrielle n’est pas trop affectée par ce changement, la recherche publique va en être profondément modifiée. À l’université, la recherche devient une activité essentiellement collective et le choix des sujets de recherche n’est plus libre. Les chercheurs sont corsetés à l’intérieur d’entités que l’on appelle « laboratoires » et qui doivent travailler sur un thème prédéfini agréé par les experts du ministère de l’Éducation nationale. La recherche de nature théorique n’est plus encouragée et la communication des résultats doit se faire tout de suite et en anglais. Le volume de publications que ce système engendre est tel que les éléments de qualité deviennent rapidement invisibles car ils sont totalement submergés par une médiocrité généralisée. Les publications ne sont plus lues et l’évaluation se fait désormais sur la base de la prétendue réputation des congrès et des revues dans lesquels les communications ont été faites. Ce système fait la promotion des plus conformistes. Quant aux chercheurs qui présentent le meilleur potentiel, ils ont soit changé d’activité soit ils ont émigré aux États-Unis.

Ainsi, la substitution de critères endogènes pour conduire la recherche publique par des critères définis aux États-Unis, mais destinés aux pays de la périphérie a-t-elle profondément infléchi la qualité des résultats et affaibli le pays dans la mesure où les meilleurs éléments potentiels se sont vues imposés un système aliénant qui les a privé de la liberté indispensable à une recherche vraiment originale et qui a redirigé les compétences réelles au profit des États-Unis. Cette modification profonde des règles et cet alignement presque total sur ce que les chercheurs croient être le modèle étasunien pour leur activité a entraîné également un alignement sur les thèmes de recherche à la mode, ce qui a eu pour effet de priver un peu plus la recherche publique française de l’originalité qu’elle avait jadis.

 

UNE ÉLITE TRANSANATIONALE APATRIDE.

Les idéologues étasuniens qui forment la base intellectuelle du formidable appareil d’exportation linguistique et culturel insistent sur la nécessaire émergence d’une élite transnationale apatride, composée d’hommes d’affaires, de savants, de spécialistes, d’experts en tous genres et de hauts fonctionnaires, cosmopolites, parlant bien entendu l’anglais, qui gèreraient en commun les intérêts de l’humanité dans un esprit d’où toute rivalité serait bannie. Nous en avons déjà plus que des ébauches avec le club de Davos, la Trilatérale et le Bilderberg. Bien entendu, il s’agit là de renouer directement avec le schéma classique de l’organisation impériale informelle où la FICTION DES SOUVERAINETÉS pouvait être maintenue car les élites locales s’identifiaient au maximum avec les classes supérieures de la métropole et entretenaient la dépendance de leur pays en agissant comme une classe relais plutôt qu’une classe dominante.

 

L’ÉTENDUE DE LA TÂCHE

Les stratèges étasuniens établissent l’action culturelle comme principe fondamental de la politique étrangère. Ils veulent amener toute la classe politique à la prise de conscience de l’importance de ce type d’action. Selon Eudes, « l’Amérique doit être sans cesse présente sur le front international de l’idéologie, de l’information, de la culture ; elle doit y déployer des offensives à la mesure de sa puissance et de ses objectifs ; et surtout, elle doit vaincre ! Jamais l’Amérique ne sera le leader incontesté du monde si elle ne parvient pas à conquérir l’esprit des hommes, et à convaincre les nations étrangères du bien-fondé de son entreprise. La victoire sur ce plan conditionne les victoires dans tous les autres domaines. Les cultures qui façonneront le monde de demain seront celles qui pourront projeter leur image, exercer une influence prédominante et un contrôle à longue portée, selon un texte qui émane d’un groupe de recherches de l’École du Pentagone... Le texte précise : Si nous voulons que nos valeurs et notre style de vie triomphent, nous sommes forcés d’entrer en compétition avec d’autres cultures et d’autres centres de pouvoir et, pour ce faire, l’Amérique devra imposer les méthodes de ses entreprises, ses techniques bancaires et commerciales, et aussi ses systèmes et ses concepts juridiques, sa philosophie politique, sa façon de communiquer, ses idées sur la mobilité et même dans le domaine de l’art... » On mesure ici l’ampleur des objectifs étasuniens, cachés ailleurs sous les euphémismes officiels qui ambitionnent de « raconter au monde l’histoire de l’Amérique ». Il est évident qu’une telle véhémence est voisine de celle que la foi religieuse inspire et qui donne à ses missionnaires une extraordinaire énergie d’action.

 

LES ACTIONS PRIVILÉGIÉES

Elles se divisent essentiellement en trois groupes : les programmes d’information, les échanges de personnes et l’aide, plus particulièrement dans le tiers monde.

Les programmes d’information ont essentiellement pour but d’influencer les attitudes publiques des autres nations. Ils sont directs ou indirects. Comme l’a bien montré Jean-Michel Valantin dans son livre intitulé : « Hollywood, le Pentagone et Washington3 », la production cinématographique, les courts-métrages, les séries et feuilletons télévisés ont une importante fonction d’information et de formatage des esprits que ce soit sur la scène intérieure ou à l’exportation. Il est particulièrement important pour le monde extérieur d’identifier les États-Unis comme une nation forte, démocratique, dynamique, loin devant les autres par ses prouesses techniques, scientifiques et aussi militaires. Il faut convaincre le monde extérieur que seuls les États-Unis sont qualifiés pour prendre la direction de la plupart des organisations mondiales et internationales.

C’est ainsi que, dans le cinéma mais aussi ailleurs, le substrat réel de l’information est souvent complété par le rêve éveillé qui s’y mêle dans un enchevêtrement tel que la fiction est souvent prise pour la réalité. Même des scientifiques sont souvent bluffés. C’est ainsi que des scientifiques européens de renom en arrivent à craindre les recherches étasuniennes sur les « trous noirs » qui, en pouvant aboutir à la création artificielle de trous noirs, pourraient accidentellement aboutir à la destruction de l’univers connu4. Des membres de la Commission européenne ont publiquement mis en garde les instances de l’UE contre les conséquences du projet de recherche HAARP allant jusqu’à prétendre que les États-Unis étaient sur le point de créer l’arme absolue5.

Beaucoup plus près des sources d’information du citoyen moyen, les prétentions de la recherche génomique et des nanotechnologies sont plus proches de la science fiction que d’une réalité scientifique palpable6. Pourtant, ce sont ces images qui représentent des distorsions considérables par rapport à la réalité qui sont prises en compte et, en premier, par la fraction de la société que l’on pourrait qualifier « d’élite ». De telles prétentions, qui défient pourtant le bon sens, commun et scientifique, les plus élémentaires, montrent à quel point ces élites ont été conditionnées pour accepter les élucubrations étasuniennes les plus farfelues. À la réalité s’est substituée une « réalité virtuelle » médiatisée par les Étasuniens et dont l’effet est d’inférioriser et d’infantiliser les autres peuples en rehaussant les sciences et techniques étasuniennes à un niveau qu’il est à jamais impossible d’égaler. Les échanges de personnes, quant à eux, ont pour but d’attirer les jeunes pour les former aux États-Unis. Il s’agit des apports culturels qui doivent être réalisés par les États-Unis alors que les Étasuniens échangés n’ont pas pour consigne d’apprendre mais souvent d’enseigner.

L’éducation primant sur tous les autres facteurs, elle permettra à la cible de partager des valeurs et une approche communes qui faciliteront la pénétration étasunienne et la réalisation de ses intérêts. Nehru et sa famille furent menacés, brutalisés, emprisonnés, mais ils reçurent une éducation britannique dans les universités anglaises. Malgré toutes ces expériences, on ne pouvait trouver à leur époque, aux Indes, de meilleurs amis de l’Angleterre et de ses institutions que Nehru et sa famille. Il s’est formé entre eux et leurs colonisateurs une intimité et une connivence dont ils ne peuvent plus se débarrasser. Dans la pratique toutefois, cela dépend de la durée de la période éducative, du niveau des études entreprises, des contacts établis. Les International visitor programs n’ont pas pour but d’attirer n’importe qui mais uniquement ceux qui, une fois rentrés dans leur pays, se verront confier des postes à responsabilités sérieuses. Des bourses d’études sont également spontanément offertes aux enfants des hauts fonctionnaires et ceux des organisations internationales avec lesquelles les États-Unis doivent travailler. S’il peut être intéressant d’attirer les jeunes talents et les chercheurs à haut potentiel vers les laboratoires étasuniens, il est encore plus important de choyer et de former ceux qui, dans l’avenir, auront un réel pouvoir de décision. C’est ainsi que les International visitor programs et les scholarship programs étasuniens sont beaucoup plus étroitement ciblés que ceux de la Francophonie institutionnelle, souvent empêtrée dans des considérations humanitaires et saupoudrant ses maigres fonds à travers un éventail de programmes de qualité et d’utilité douteuses par souci d’équité. Sur l’autre volet de l’échange, Brzezinski fait remarquer que les jeunes Étasuniens qui vont faire leurs études à l’étranger enseignent beaucoup plus qu’ils n’apprennent, qu’ils jouent un rôle très important de propagateurs de la culture étasunienne. Le fait que l’enseignement des langues étrangères soit globalement déficient aux États-Unis a pour résultat que les étudiants étasuniens en séjour d’étude à l’étranger privilégient l’usage de l’anglais avec leurs contacts qui acceptent volontiers de se mettre ainsi en position d’infériorité dans leur propre pays et de jouer le rôle de récepteur d’une culture extérieure dans le cadre d’un échange asymétrique, sans contrepartie pour eux-mêmes ou le pays qu’ils représentent. Les excès d’une telle mentalité sont dormais patents quand, par exemple, on se rend compte qu’une fraction de ceux qui sont censés diffuser la culture française à l’étranger croient désormais pouvoir le faire plus efficacement en anglais ! Le nouvellement nommé ministère des Affaires Bernard Kouchner ne signalait-il pas que l’anglais est « une chance pour la Francophonie » ? Mais il n’a pas fallu attendre Bernard Kouchner pour constater que la France finance à l’étranger des institutions anglophones7 et des programmes de formation d’ingénieurs d’excellence en anglais8 !

À travers les programmes d’échanges, les responsables étasuniens dépassent les stratégies d’influence et de persuasion pour passer à un vaste projet d’acculturation globale des futurs cadres des pays ciblés. Dans le tiers monde, « l’aide » consiste en priorité à « l’éducation et le développement des ressources humaines » en matière d’assistance. Ce que le gouvernement fédéral veut donner au tiers monde, ce ne sont pas d’abord les moyens matériels de mettre les pays en valeur, mais des « connaissances », avec leur composante de simple propagande. C’est ainsi que la promotion de la libre entreprise a grandement favorisé les privatisations et le rachat d’un grand nombre de firmes, par les Étasuniens, en Afrique, en Asie, en Amérique latine, mais aussi en Europe de l’est sitôt annoncée la dissolution du pacte de Varsovie.

 

MAIN MISE SUR LES MOYENS DE COMMUNICATION DE MASSE

Profitant au maximum de son écrasante supériorité avant que les exbelligérants de la Seconde Guerre Mondiale ne se relèvent de leurs ruines et que le tiers monde n’accroisse son influence internationale, avec une surprenante rapidité, les États-Unis ont forcé la mise en place des conditions juridiques adaptées au déploiement sans entraves de tous les aspects de la culture étasunienne. Le premier volet de l’activité gouvernementale fut donc d’imposer à tous les alliés des accords bilatéraux qui ouvrirent largement les frontières aux produits culturels les plus divers en provenance des États-Unis, sans contrepartie, ce qui sembla naturel à l’époque, compte tenu de l’inexistence ou de la cessation d’activité des industries culturelles dans le reste du monde. Des accords Blum-Byrnes à la diffusion du journal de Mickey en passant par le renforcement considérable des agences de presse AP et UPI pour en faire désormais des relais indispensables de la presse internationale, tout en bloquant l’expansion des agences de presse des pays non agréés pour les empêcher d’acquérir une stature semblable, comme la Chine.

Parallèlement, en Amérique latine, le quasi-monopole des agences Reuters et Havas acquis avant guerre fut rapidement éliminé. En 1946, la nouvelle loi Webbs-Pomere, permit aux industries culturelles étasuniennes de constituer des cartels d’exportation en dépit du fait qu’ils étaient totalement contraires à l’esprit des lois anti-trust. Ainsi fut créée la Motion Picture Export Association of America (MPEAA), qui s’apparente à une agence semi gouvernementale, puisque sa direction fut toujours assurée par un haut fonctionnaire de la Maison-Blanche. Les sociologues qui, durant la guerre, avaient été chargés de préparer des opérations de déstabilisation et de guerre psychologique, furent enrôlés au service de l’État pour recentrer leurs activités sur l’accélération de l’influence acquise par les États-Unis à l’étranger, par la diffusion culturelle et linguistique.

Bien entendu, tout cela ne fit l’objet d’aucune publicité et des moyens détournés furent privilégiés pour atteindre les buts recherchés. En 1950 fut créé l’ « International Broadcasting Institute », pur produit de la guerre froide, qui déploya dans les années d’après-guerre une redoutable activité pour une prétendue « liberté de la presse » visant à projeter l’influence étasunienne là où elle n’était pas encore présente, et aussi en luttant contre les gouvernements dont les orientations politiques étaient jugées trop « nationalistes » selon Washington.

En outre, le gouvernement étasunien put se mettre en devoir d’exploiter les grandes organisations internationales nouvellement créées dans le but d’en faire des instruments de sa politique internationale d’autant plus que, dans les années d’après-guerre, la participation financière et organisationnelle des États-Unis était alors absolument déterminante. Ce fut le cas à l’ONU, à l’OEA9 et à l’UNESCO, pendant plus de vingt ans, transformant cette dernière organisation en une tribune pour leur politique internationale, en permettant, en particulier à tous les experts étasuniens des think tanks une libre circulation partout dans le monde, leur permettant à loisir d’étudier les systèmes de communication en place afin de mieux les subvertir par la suite pour le compte des États-Unis.

 

LES ORGANISMES D’ORIGINE MILITAIRE

L’héritage militaire donna naissance à plusieurs organismes impliqués dans la diffusion culturelle et linguistique. C’est en Amérique latine que se firent les premières expérimentations car il fallait lutter contre les puissants courants « anti-yankee » qui y sévissaient avant la Seconde Guerre Mondiale. C’est ainsi que fut créée, en 1938, au sein du département d’État, la Cultural Relation Division. La problématique de cette division était de réagir aux situations politico-militaires préoccupantes et de se définir face à deux ennemis désignés, le fascisme importé d’Europe d’une part et, d’autre part, le nationalisme latino-américain.

L’activité de la division fut donc marquée dès l’origine par un esprit de compétition effrénée et par la nécessité de travailler en milieu hostile. La division s’insinua rapidement dans les opérations de divers programmes non gouvernementaux préexistants, notamment ceux de l’Institute for International Education qui travaillait déjà en Europe, en Amérique latine et en Chine, et les réseaux d’écoles missionnaires10. L’offensive idéologique avait pour but d’accompagner le déploiement de l’appareil militaire qui commençait à s’organiser.

Le premier trésor de guerre apporté par la guerre aux Étasuniens fut l’Amérique latine, brusquement coupée de ses sources traditionnelles d’importation d’information et de culture. Dès 1940, le « bureau du coordinateur des relations commerciales et culturelles entre les républiques américaines » est érigé en agence fédérale autonome. Rebaptisé rapidement « Office du coordinateur pour les affaires interaméricaines » (CIAA), son premier souci est de rechercher et d’obtenir, du département du trésor, une exemption de l’imposition des revenus dépensés en publicités placées dans les médias de masse latinoaméricains par toutes les sociétés étasuniennes acceptant de passer par l’entremise de la CIAA. Représentant 40% de leurs revenus en moyenne, la CIAA put ainsi faire pression sur ces médias de masse pour afficher des contenus favorables aux intérêts étasuniens. Rapidement, les nouvelles furent rédigés directement par les Étasuniens et directement transmises aux rédactions des journaux et magazines sud-américains qui reçurent un stock quotidien de nouvelles de 30 000 mots, représentant ainsi 75% de toutes les informations arrivant du monde extérieur. L’OSS, le nouveau service central de renseignements et l’OWI (Office of War information) menèrent également d’innombrables campagnes de propagande « noire », c’est-à-dire qui ne dévoile pas ses origines. Voice of America (VOA), en fut l’une des ramifications.

Tous ces organismes furent mis sur pied grâce à la mobilisation de milliers de journalistes, d’écrivains, d’artistes, d’universitaires, d’hommes de la radio et du cinéma qui, au lieu d’être envoyés au front, reçurent pour mission d’organiser à l’échelle mondiale la stratégie culturelle et idéologique des États-Unis pour la durée de la guerre et après puisque, une fois la paix revenue, cet immense appareil pouvait continuer à être exploité pour les conquêtes économiques et politiques à venir.

Les deux grands vaincus de la guerre, l’Allemagne et le Japon, qui restèrent plusieurs années sous la juridiction de l’armée, virent leurs systèmes de communication et d’éducation entièrement refaçonnés par l’occupant et cela jusqu’en 1949 pour la RFA, jusqu’en 1950 pour l’Autriche et jusqu’en 1952 pour le Japon. La transformation de ces nations ennemies en suiveurs dociles de la politique étrangère étasunienne, leur alignement systématique sur les intérêts étasuniens même encore aujourd’hui, non seulement dans le domaine militaire mais aussi dans le domaine monétaire (taux d’intérêt, modifications des masses monétaires, rachat massif de dollars ou de bons du trésor, financement de guerres extérieures, comme la première guerre du Golfe, par exemple), mise à l’écart ou marginalisation des pays concurrents des États-Unis, prouvent bien que les effets des actions entreprises ont été durables11. Le Japon garde toujours une attitude incroyablement servile à l'égard des desiderata étasuniens. C’est la raison pour laquelle les grandes compagnies de transport aérien japonaises choisissent toujours Boeing au détriment d’Airbus, dont les avions utilisent des techniques plus pointues et entraînant des coûts d’exploitation moindres. C’est bien sûr aussi le cas avec les marchés de matériels militaires où les États-Unis se taillent la part du lion au sein de l’OTAN.

Cependant, il est important de se rendre compte qu’il ne s’agit pas, en général, de pressions grossières appliquées en dernière minute pour infléchir les choix des clients mais que ces derniers ont été véritablement conditionnés pour donner la préséance aux Étasuniens qu’ils considèrent nécessairement à un niveau supérieur de civilisation et de progrès en matière scientifico-technique.

À partir de 47, grâce au vote par le Congrès du Smith-Mundt Act, le gouvernement fédéral put enrayer le démantèlement partiel attendu du dispositif que la guerre avait aidé à créer par le regroupement de diverses agences en créant la CIA, qui allait être sous la tutelle du département d’État. En 51, le Psychological Strategy Board, une nouvelle dénomination regroupant les unités de guerre psychologique fut rattaché directement au Conseil national de sécurité. En 1953, la United States Information Agency fut créée qui, elle aussi, ne dépendait plus que du Conseil national de sécurité. Avec la USICA (United States International Communication Agency) créée par l’administration Carter, existe un réseau dense d’officines diverses dont la raison d’être est non seulement le renseignement mais surtout la diffusion d’informations, vraies et fausses, de façon à influencer les opinions à l’étranger, pour préparer le terrain de l’hégémonie idéologique, politique et économique.

Cet immense appareil doit, pour justifier son existence sur la scène nationale, s’inventer des ennemis, virtuels, s’il le faut, pour justifier ses énormes budgets. Une fois l’Allemagne nazie et le Japon abattus, la menace communiste remplace immédiatement l’ancien ennemi. L’Union soviétique dissoute, on part à la recherche d’une menace terroriste, émanant cette fois du monde musulman avec d’innombrables ramifications dont la plus connue est sans doute Al Qaïda, dont les journalistes non alignés, tels que Thierry Meyssan12, pensent qu’elle est une création étasunienne pure et simple, une fiction à laquelle les innombrables références faites par la presse internationale ont fini par créer une illusion de réalité. Entre temps, les objectifs réels, sous jacents, n’ont bien évidemment pas changés. Les innombrables actions ont été davantage affinées et ciblées. Il s’agit plus que jamais d’atteindre et d’influencer les « élites », les leaders d’opinion, les politiciens, les relais de transmission de l’information, tels que les journalistes de haut niveau et les directeurs éditoriaux, les cinéastes, les artistes, les professeurs (dont ceux d’anglais bien sûr, qui reçoivent dans le dispositif une attention toute particulière) et les représentants des organisations internationales. C’est ceux là qui comptent. C’est le cas à la Commission européenne bien sûr et au parlement européen de Strasbourg. Dans son dernier livre : « Les lobbies à l’assaut de l’Europe13 », Bernard Lecherbonnier décrit le groupe « kangourou », composé de députés européens qui, systématiquement et souvent en rupture de la ligne des partis qu’ils représentent, votent en faveur des intérêts étasuniens lorsque ces derniers peuvent être affectés par le passage d’une nouvelle loi ou d’une nouvelle directive. Pour cela, les cibles doivent plus que jamais intérioriser l’idéologie qu’on veut leur transmettre. Leurs propres discours en seront donc imprégnés et, par le biais de leur pratique professionnelle quotidienne, le message pourra en définitive être retransmis à l’ensemble de la société sans frais ni efforts pour les États-Unis, sous une forme plus ou moins hybride et diluée, mais infiniment plus capable de pénétrer les couches sociales « inférieures », enracinées dans leur culture locale. Les produits et les recettes utilisées sont de moins en moins identifiables. Il s’agit essentiellement de produits à utilisation directe dans les médias de masse étrangers et, par conséquent, dont la source n’est plus identifiable. Que l’on songe seulement aux contenus des programmes diffusés par certaines chaînes de télévision et de stations de radio ouest-européennes, principalement ciblées vers les jeunes ou les jeunes cadres et on peut rapidement avoir une idée des modes de manipulation qui ont été ainsi mis en œuvre.

 


LES CRITIQUES

Bien entendu, le système étasunien de gouvernement n’est pas composé que de manipulateurs d’opinion et de cyniques de la politique internationale. Les moyens douteux pour conquérir de l’influence mis en place par les États-Unis ne font pas l’unanimité. Diverses sous-commissions d’enquête, désignées par le Congrès, ont quelquefois violemment attaqué l’approche du gouvernement. Les méthodes sont ainsi dénoncées par ceux qui croient que les États-Unis sont responsables pour la diffusion du bien et de la vérité. Pour eux, les États-Unis doivent montrer l’exemple et leur déontologie doit être sans tache. Ils dénoncent les méthodes de manipulation mis en place et les distorsions de perception qui en résultent, « l’immoralité » et même le « caractère criminel » des actions mises en oeuvre14. Ces enquêtes n’aboutirent jamais à changer les choses mais à accélérer le transfert des opérations de manipulation vers des institutions officiellement privées (ONG) à buts non lucratifs, financées et dirigées en sous-main par le gouvernement fédéral.

Aujourd’hui, les frontières entre culture, information et éducation ont pour l’essentiel disparu. En clair, les échanges d’étudiants, de professeurs et de spécialistes, les manifestations artistiques, l’accueil des personnalités étrangères, l’enseignement de l’anglais, et même la promotion du tourisme aux États-Unis sont contrôlés et dirigés par l’appareil de propagande issu des services d’espionnage et de l’arsenal psychologique de l’armée.

 

LES PRODUITS TÉLÉVISUELS TOUS USAGES

Parmi les innombrables officines et mécanismes mis en place par le gouvernement fédéral décrits par Yves Eudes, l’IMV (motion Picture and TV Service) mérite que l’on s’y attarde. L’IMV a la charge de produire, de commander et surtout de sélectionner et d’adapter les produits audiovisuels qui seront envoyés aux missions pour le placement dans les circuits commerciaux des pays étrangers. Au moment où Yves Eudes rédigeait son livre, l’IMV se tournait de plus en plus vers les Open ended programs. Il s’agissait de films sans introduction ni conclusion ni progression interne, qui pouvaient être insérés totalement ou partiellement dans les émissions réalisées par les télévisions étrangères. Les buts de propagande étaient généralement desservis de la manière suivante : illustrations provenant des États-Unis, entretiens avec des personnalités et des scientifiques étasuniens, sélection d’experts et de spécialistes choisis par les États-Unis, le tout renforçant de manière directe ou indirecte la propagande étasunienne et l’idéologie destinée aux « pays de la périphérie », etc. Cela explique par exemple, à la télévision française, la surreprésentation de références et d’informations étasuniennes ou anglo-saxonnes dans tous les domaines. Il s’agit à la fois d’informer et de fasciner en même temps, mais aussi d’évincer autant que possible toute nouvelle pouvant remettre en cause la prééminence étasunienne.

C’est ainsi que tout lancement de la navette spatiale reçoit en Occident et au Japon une couverture médiatique sans commune mesure avec celle consacrée aux exploits des Russes dans le même domaine, ou même celle de l’Agence spatiale européenne dont le noyau est d’origine française. Par contre, le citoyen moyen ne sait même pas qu’il existe des programmes spatiaux brésilien et japonais.

Le sport est un autre domaine où les États-Unis sont clairement surreprésentés et les États-Unis veulent clairement occuper la première place en matière d’image d’un peuple sportif. Dans l’imaginaire collectif des pays occidentaux, mais aussi en Asie, les champions de sports extrêmes ne peuvent être qu’Étasuniens. Le fait que l’Étasunien moyen, souvent obèse, n’est pas sportif pour un sou, est aux antipodes du jeune athlète bronzé représenté dans les vidéos et films en provenance des États-Unis et qui saturent le marché des films d’illustration pourvoyés, non seulement par les fabricants de matériel de sport, mais aussi dans la programmation des télévisions publiques et privées.

 

SOUTIEN DES DICTATURES

Il faut également mentionner l’existence de vastes programmes fédéraux destinés à renforcer et restructurer les appareils de répression des alliés sous-développés des États-Unis. Toutefois, dès que l’existence d’un mécanisme de ce type est mis en évidence, la tactique de la CIA, aussi bien que d’autres agences, est de lui donner d’autres formes. Ainsi, l’observateur extérieur ne peut évoquer des techniques qui sont soit révolues soit encore très mal connues, qu’il s’agisse d’actions de nature militaire ou de conquête économico-culturelle. Nous voyons les effets de l’action étasunienne à Bruxelles mais il est impossible d’en élucider les mécanismes du fait de l’adaptation dynamique du dispositif mis en place. Le sabotage économique de concurrents actuels ou potentiels, les campagnes de dénigrement d’entreprises étrangères dans le même but, ,sont aussi dans le champ de la CIA et des organismes cités précédemment.

 

L’ÉVALUATION DES RÉSULTATS

L’évaluation des résultats semble indiquer que ce n’est pas forcément dans les pays traditionnellement considérés comme sous-developpés que les résultats sont les plus spectaculaires. On peut mesurer l’impact de conditionnement et de colonisation des esprits en évaluant la dépendance, imaginaire plus que réelle, des sociétés ciblées par la propagande étasunienne, directe ou indirecte. Par exemple, dans le domaine financier et économique, il est normal que les bourses mondiales réagissent à l'égard des fluctuations des facteurs conditionnant les carnets de commandes des grandes compagnies sur les marchés internationaux.

Cependant, il est clair que ce facteur est relativement mineur lorsqu’on analyse la corrélation entre l’évolution des indices des bourses américaines avec ceux des bourses européennes. Au delà des considérations économiques pures et dures, il est clair que l’impact de l’évolution des bourses américaines sur les indices européens est amplifié considérablement au-delà de ses effets purement mécaniques. Il s’agit clairement plus que d’un couplage économique, mais d’un état de dépendance d’une colonie vis-à-vis de sa métropole. En dépit du fait que ce sont les immenses zones économiques d’Asie et d’Amérique latine qui tirent actuellement la croissance mondiale en biens consommables, on continue de croire que la santé des marchés dépend exclusivement de la performance des indices étasuniens. Ce phénomène de dépendance, même imaginaire, n’est pas anodin. Il introduit des distorsions dans l’activité économique globale, renforce le rôle du dollar, la monnaie du pays qui est pourtant, et de loin, le plus endetté de la planète, et facilite le caractère prédatoire des investissements étasuniens en Europe15.

Eudes présente des statistiques dans son livre concernant les étudiants ayant fait des études aux États-Unis. Il note par exemple que, dans certains pays émergents, on peut trouver jusqu’à 80% des professeurs d’université qui ont fait au moins un diplôme d’études supérieures aux États-Unis. Il note aussi que la proportion de hauts fonctionnaires dans le même cas approche quelquefois 50%. Il est évident que de telles conditions infléchissent naturellement la production intellectuelle mais aussi la gouvernance économique et politique de très nombreux pays. Toutefois, si les chiffres concernant les pays émergents semblent être plus faciles à compiler que pour les pays occidentaux non anglophones, il suffit d’examiner les antécédents des corps enseignants des facultés scientifiques et des écoles d’ingénieurs en pour se rendre compte que, de plus en plus, le stage de recherche ou le diplôme d’une université étasunienne commence à faire partie du parcours indispensable à l’accréditation de l’enseignant universitaire et du chercheur d’Europe continentale. Partout en Europe continentale, on conditionne les jeunes pour qu’ils considèrent l’anglais comme une sorte d’espéranto dont ils doivent imposer l’usage partout dans le monde.

Des centaines de milliers de jeunes, principalement ceux ayant au moins un diplôme universitaire, s’imaginent désormais que la langue anglaise constitue une sorte de “Sésame-ouvre-toi”, non seulement en Europe mais aussi au Brésil, en Asie ou en Russie. Ils semblent étonnés lorsqu’ils constatent que cette langue leur donne à peine plus que la possibilité d’y faire du simple tourisme, l’accès à la véritable communication et aux cultures locales demeurant bien évidemment fermé ! Peut-être plus grave encore, c’est l’intériorisation des idées propagées par la propagande étasunienne qui semble faire encore plus de dégâts. Intimement persuadés que l’idée nationale est néfaste, la défense des intérêts nationaux par les ressortissants des pays dont ils sont originaires n’est plus assurée dans les situations où les intérêts économiques sont en jeu. Le soutien du prestige et du rayonnement de la nation sont négligés ou ignorés. Par exemple, en se croyant « citoyen du monde », le citoyen français, qu’il vive et travaille en France ou à l’étranger, n’a souvent plus le réflexe naturel de prendre en compte les intérêts de son pays, qu’il n’arrive plus à extrapoler aux siens, même s’il travaille pour une entité française. On en est d’autant plus étonné lorsqu’on constate que cette attitude est largement partagée au niveau de la diplomatie française et même à celui de la Francophonie institutionnelle, pourtant financée à 85% par les contribuables français !

Des enquêtes menées auprès des jeunes de nombreux pays ont prouvé que les États-Unis demeurent souvent la destination favorite souhaitée dans le cadre d’un projet d’études ou d’une expérience initiale à l’étranger, non seulement en Europe mais dans des pays ayant subi et subissant quelquefois encore de graves conséquences des actions militaires étasuniennes comme c’est le cas du Vietnam16 dont les étudiants se battent pour obtenir les bourses chichement distribuées par les États-Unis sur l’ensemble du pays.

 

LES LIMITES DU SYSTÈME

Pour autant que ses résultats soient spectaculaires en Europe de l’ouest, plus encore en Europe de l’est, et aussi ailleurs, il serait erroné de penser que l’action étasunienne réussisse dans tous les cas. Plus que par le passé, le système semble d’ailleurs se fissurer plus rapidement au niveau des pays émergents que celui des pays développés. En 1979, lors de la révolution iranienne, c’était l’Iran qui envoyait le plus gros contingent d’étudiants en termes absolus aux États-Unis (36 000 étudiants iraniens y séjournaient en 1978).

L’Amérique latine paraissait à une époque encore récente irréversiblement acquise aux intérêts étasuniens. Les élections de Chavez au Vénezuela, d’Evo Moralès en Bolivie, et de Lula au Brésil17 ont semblé marquer la fin d’une époque. La facilité avec laquelle les Étasuniens se débarrassèrent de Mohammed Mossadegh semble définitivement appartenir au passé. Une prise de conscience massive des méthodes directes et indirectes appliquées par les États-Unis pour tailler un monde conforme à leurs intérêts, mais au détriment des peuples visés, semble balayer une fraction non négligeable des pays émergents. Les désastres économiques subis en Amérique latine et ailleurs par l’entremise du FMI ont été identifiés et analysés en détail et ont permis de dénoncer les sabotages commis par les prétendus organismes internationaux d’aide économique sous domination étasunienne. Ces sabotages ont été rendus possible par l’intériorisation de l’idéologie étasunienne d’exportation par les gens au pouvoir des pays qui les ont subis. L’idéologie a été implantée par à un conditionnement débutant généralement au niveau universitaire et accompagnant l’apprentissage de l’anglais ainsi que celui des autres « valeurs » étasuniennes.

Eudes note la rapidité de rotation des personnels des agences chargées de la diffusion culturelle et linguistique des États-Unis à l’étranger. Au sein de ces organismes, la connaissance des langues et des cultures ciblées est faible et les séjours dans un pays donné, qui ne dépassent pas quatre ans en général, s’avèrent insuffisants pour l’apprentissage complet des conditions locales. Il en découle nécessairement des erreurs d’appréciation. Néanmoins, cette politique est délibérée. La pratique des langues locales est restreinte aux nationaux n’ayant aucun pouvoir de décision. Aucun employé étasunien n’est censé éprouver des sympathies pour les cultures et les langues ciblées et dont les locuteurs sont à asservir. Les opérations destinées à éloigner le Maghreb de « l’ancienne puissance coloniale » par le biais des mouvements islamistes ont globalement abouti à un échec, mais cet échec est moins dû à des erreurs tactiques qu’à la sous-évaluation grossière de l’impact culturel et linguistique massif résultant du va-et-vient constant des immigrants maghrébins entre leur pays d’origine et la France.

Dans un contexte où les actions étasuniennes de consolidation de l’empire rencontrent de plus en plus de résistance, le « micro militarisme théâtral », dénoncé par Emmanuel Todd18 a abouti à une prise de conscience générale des techniques de projection d’influence et de conquête des esprits et certains observateurs ont même été jusqu’à mettre en doute l’authenticité des attentats du 11 septembre 2001, qui ont servi de déclencheur au déploiement d’une activité militaire hostile à l’encontre de l’Afghanistan et de l’Irak où des opérations de déstabilisation de la société civile se sont succédées aux opérations militaires.

L’émergence d’une élite transnationale, spirituellement apatride, constituerait un rapprochement idéologique et culturel continu entre les classes supérieures périphériques et celles de la métropole (étasunienne) et pourrait déboucher sur un système qui approfondirait et stabiliserait la dépendance structurelle des pays périphériques tout en en gommant les signes extérieurs. Si cette approche a pleinement marché en Europe, il est clair qu’elle est un échec dans des pays comme l’Iran, le Vénézuela ou la Chine, ce dernier pays ne semblant jouer que sur une musique qu’il a lui-même écrit, en dépit de certaines apparences contradictoires.

Néanmoins, le projet « d’élites transnationales » est en fait extrêmement classique, voire archaïque. Il vise à rétablir un système d’exploitation et de contrôle aussi vieux que le concept même d’empire. Acheter de l’influence n’est pas en soi un but inavouable mais l’action étasunienne est essentiellement subreptice et elle a abouti, dans de nombreux pays, à l’émergence de prétendues élites qui ont abandonné depuis belle lurette la maîtrise de leur destin national, la défense des intérêts de leurs concitoyens et qui garantissent la cohésion et la pérennité d’un système de dépendance. L’action étasunienne a abouti à un abandon d’une partie des cultures nationales et a profondément infléchi l’originalité de la production intellectuelle, en particulier dans les domaines scientifique et artistique. L’action étasunienne depuis la Seconde Guerre Mondiale n’a pas eu pour but de favoriser la signature de quelques contrats et de gagner quelques privilèges sur la scène internationale, mais de mettre en place un immense système impérial réduisant tout potentiel de concurrence et tout désir d’indépendance des nations ciblées. En cela, elle est profondément immorale dans ses buts et dans ses moyens et doit être combattue avec la plus vive détermination.

 


1 Ces personnages essayent de faire passer une loi qui, une fois pour toutes, ferait de l’anglais la seule langue officielle des États-Unis, au niveau fédéral.

2 L’Harmattan, 2001.

3 Éditions Autrement Frontières, 2003.

4 voir : les commentaires de Richard Wilson, professeur de physique à l’université Harvard et aussi http://www.risk-evaluation-forum.org/

5 voir : http://conspiration.ca/haarp/arme_ultime.html

6 voir : http://jeanzin.free.fr/index.php?2005/11/28/14-le-bluff-desnanobabioles

7 L’Asian Institute of Technology de Bangkok par exemple.

8 C’est le cas au Vietnam.

9 Organisation des États américains.

10 L’offensive des missionnaires est toujours très active, plus particulièrement en Amérique latine et dans les enclaves chrétiennes du proche et du moyen Orient, comme le dénote Zina El Tibi lors de ses conférences où elle décrit les détails de l’organisation ainsi mise en place et ses effets.

11 Le refaçonnage prévu à l’origine pour le Japon était de bien plus grande ampleur dans ses objectifs. Il y eut par exemple une tentative de réforme du
système d’écriture, sous égide étasunienne, qui échoua. L’envoi de milliers de missionnaires chrétiens pour convertir massivement la population échoua
également. Aujourd’hui, la proportion de chrétiens au Japon, contrairement à celui de la Corée du sud, demeure toujours négligeable.

12 Fondateur du Réseau Voltaire.

13 Albin Michel, 2007.

14 Voir en page 129 de l’ouvrage d’Eudes les commentaires de Madame Abzug, présidente d’une des sous-commissions d’enquête de la chambre des
représentants sur les opérations internationales du gouvernement.

15 Il a été en effet démontré que les rendements des investissements en Europe faits par les grands fonds de pension étasuniens sont quasiment le double des rendements obtenus par les Européens aux États-Unis.

16 On estime le nombre de victimes actuelles de l’agent Orange (défoliant massivement utilisé tout au long de la « piste Ho Chi Minh » durant la guerre du Vietnam) à deux millions d’enfants et d’adultes.

17 Lula a suscité depuis son élection bien des déconvenues, mais il fut élu globalement sur un programme antagoniste des intérêts étasuniens.

18 Voir son ouvrage intitulé « Après l’empire ».