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De : M. Renato Corsetti - Renato.Corsetti@uniroma1.it
À : linguarum-democratia@yahoogroupes.fr
OBJET : [ linguarum democratia ] la diversité linguistique au
sein de l'Union européenne
DÉLÉGATION
POUR L' UNION EUROPÉENNE
COMPTE RENDU N°48
Réunion du mercredi 11 juin 2003 à 9 heures 15
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,
I. Examen du rapport d'information de M. Michel Herbillon sur la
diversité linguistique au sein de l'Union européenne (réunion
ouverte à l'ensemble des membres français du Parlement européen)
M. Michel Herbillon, rapporteur, a introduit son propos en indiquant
que l'élargissement historique que l'Union s'apprête à vivre va
provoquer l'arrivée d'une dizaine de nouvelles langues et aura des
répercussions sur le régime linguistique des institutions. Il a
rappelé que, sur le plan des principes, l'Europe s'est dotée, dès
sa création, d'un arsenal juridique très protecteur de la diversité
linguistique, en consacrant dans plusieurs textes le principe d'égalité
des langues officielles de l'Union, lequel a
d'ailleurs fait l'objet du premier règlement (le règlement n°1/58
du 15 avril 1958) adopté par la Communauté européenne. Mais ce
texte confie à chaque institution le soin de prévoir, dans son règlement
intérieur, les modalités de mise en ouvre du principe d'égalité.
Il en résulte que les
pratiques divergent d'une institution à l'autre. Le Parlement européen
est ainsi l'institution dont les pratiques sont les plus proches du
multilinguisme intégral. En effet, tant les débats en séance plénière
que ceux en commission font l'objet d'une interprétation intégrale
active dans les onze langues. À la Commission, les services
utilisent trois langues de travail : l'anglais, le français et
l'allemand. En revanche, le Conseil connaît une hétérogénéité
des régimes linguistiques variant selon la nature
des réunions: celles qui se tiennent à un niveau politique (c'est-à-dire
les réunions du Conseil européen et les réunions ministérielles
du Conseil de l'Union) font l'objet d'une interprétation intégrale
dans toutes les langues officielles tandis que les réunions
administratives se caractérisent par des règles plus souples.
C'est ainsi que les réunions du Comité des Représentants
permanents - COREPER (les ambassadeurs des pays membres à
Bruxelles) se tiennent en trois langues(anglais, français et
allemand) et les réunions des groupes de travail consacrés à la
Politique étrangère et de sécurité commune (régime PESC) en
deux langues(anglais et français).Le régime linguistique spécifique
de la Cour de justice est très favorable au français qui constitue
la langue unique de délibéré. Toutes les pièces de procédure
sont par ailleurs systématiquement traduites en français afin de
constituer le dossier de travail des juges et des avocats généraux.
Le choix de la langue n'est pas neutre sur le fond: l'utilisation du
français signifie en effet que les juges s'appuient sur une
tradition de droit continental alors que le recours à l'anglais, la
langue de la Common law, conduirait probablement à des évolutions
sensibles de la jurisprudence communautaire.
Le rapporteur a ensuite évoqué l'impact de l'élargissement sur le
régime linguistique de l'Union, et tout d'abord rappelé quelques
ordres de grandeur: la masse de papier utilisée chaque mois par la
Commission pour traduire l'ensemble des documents représente près
de la moitié de la surface du Luxembourg et 1,3 million de pages
sont traduites chaque année par le service de traduction de la
Commission. Le Service commun interprétation et de conférence (SCIC)
est la plus grosse machine à interpréter au monde puisqu'il
organise annuellement près de 11 000 réunions et mobilise chaque
jour plus de 700 interprètes qui gèrent 110 combinaisons
linguistiques et bientôt 420. Face à ces chiffres impressionnants,
le coût budgétaire est, contrairement aux idées reçues,
relativement peu élevé. En effet, le cumul des coûts liés à
l'interprétation et à la traduction de l'ensemble des institutions
communautaires ne représente que 2 euros par an et par citoyen.
L'argument budgétaire n'est donc pas pertinent pour s'opposer à
une extension du régime linguistique aux nouvelles langues de
l'Union. Les difficultés sont davantage techniques et matérielles
puisqu'il faut équiper les salles de réunion, recruter des
traducteurs et des interprètes dans les nouvelles langues et
s'assurer que les 420 futures combinaisons pourront être couvertes.
Cela justifie la nécessité de recourir à un nombre restreint de
langues pivot (au moins trois, voire cinq ou six) que les
fonctionnaires européens doivent pouvoir maîtriser. À cet égard,
dans les négociations actuellement en cours sur la réforme du
statut des fonctionnaires européens, un compromis politique conclu
le 19 mai dernier prévoit que les fonctionnaires recrutés après
l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour pouvoir être
promus au grade immédiatement supérieur à leur grade d'entrée en
fonction, apporter la preuve de leur capacité à travailler dans
une seconde langue étrangère. S'agissant des scénarios possibles
d'évolution, le rapporteur a précisé les principales mesures
envisagées par les institutions, en insistant plus particulièrement
sur les négociations actuellement en cours au sein du Conseil. Face
à l'alternative entre le recours à un système de langues fixes et
le choix d'un modèle de marché, il a estimé qu'un régime de
langues fixes présenterait l'avantage de la simplicité mais serait
politiquement très difficile à officialiser. En effet, comment
justifier de privilégier telle langue plutôt qu'une autre? La
perspective de pérenniser trois langues de travail (anglais, français,
allemand) provoque en effet une vive opposition de l'Italie et de
l'Espagne, qui revendiquent légitimement le droit à utiliser leur
langue; le système pourrait être étendu à cinq langues fixes,
mais se poserait immédiatement la question du polonais, du néerlandais,
du portugais. Il n'existe aucun critère objectif dans le choix des
langues et ce qui est accepté dans la pratique ne saurait être
rendu public politiquement. S'agissant de la logique de marché,
celle-ci suppose que chaque pays paie pour utiliser sa langue.
L'avantage de cette formule est qu'elle place les États en position
d'égalité les uns par rapport aux autres, mais elle présente
l'inconvénient d'encourager certains pays à abandonner l'usage de
leur langue, pour des raisons budgétaires. Cela serait dommageable
pour le plurilinguisme européen et conduirait à un recours
quasi-systématique à l'anglais. Face
à la complexité politique de ce sujet, le rapporteur n'a pas exclu
que la négociation n'aboutisse pas, et
que l'on en reste à des pratiques somme toute éloignées des
prescriptions du règlement n°1 de 1958. Il a alors préconisé que
la réforme s'opère selon les principes suivants :
-l'officialisation des régimes PESC et COREPER très favorables au
français ; -le recours le plus fréquent possible aux régimes dits
«asymétriques» qui permettent à chacun de s'exprimer dans sa
langue, mais de n'obtenir une traduction des débats que dans un
nombre restreint de langues «actives» ; -une répartition équitable
de la charge financière. Puis le rapporteur a dressé un état de
lieux de l'utilisation du français au sein des institutions européennes,
considérant que l'avenir de notre langue
se joue désormais en Europe. L'évolution de la situation est préoccupante,
essentiellement depuis l'élargissement de 1995 à l'Autriche et aux
pays scandinaves, qui s'est traduit par un décrochage entre
l'anglais et le français au sein des institutions. En 1986, 58% des
documents de la Commission étaient rédigés initialement en français
contre à peine 30% en 2001, avec une situation encore plus défavorable
au Conseil. L'anglais fut la seule langue utilisée lors des négociations
d'adhésion avec les pays candidats alors qu'une enquête
statistique portant sur les 162 observateurs des pays candidats au
Parlement européen révèle que leur première langue étrangère
est à 82% l'anglais, à 14% l'allemand et à seulement 4% le français.
Puis, le rapporteur a fait part des infractions constatées au régime
linguistique:-annonces de recrutement spécifiant que les candidats
doivent obligatoirement être de langue maternelle anglaise ;
-multiplication des appels d'offres en anglais, notamment pour la
mise en ouvre des programmes de coopération PHARE et TACIS, ce qui
est contraire au principe de non discrimination;-existence de
plusieurs sites Internet des institutions qui ne sont disponibles
qu'en anglais, l'exemple le plus flagrant étant celui de la Banque
centrale européenne. Le rapporteur s'est néanmoins déclaré opposé
à l'idée de promouvoir le français contre
l'anglais, ce qui constituerait un combat perdu d'avance, et serait
contraire à la volonté politique de démontrer que le pluralisme
n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit
maîtrisé. C'est dans le cadre de la francophonie que se déploie
l'action des autorités françaises en faveur du français dans les
institutions européennes. Le cour du dispositif se trouve formulé
dans un «Plan pluriannuel en faveur du développement de la langue
française, dans le contexte pluriculturel et
plurilingue des institutions de l'Union européenne», signé le 11
janvier 2002 par la France, le Luxembourg et la Communauté française
de Belgique.
Le fait que les sièges des institutions européennes se situent
dans des villes francophones ou française (Bruxelles, Luxembourg et
Strasbourg) constitue un avantage certain pour notre langue. Ce plan
pluriannuel comporte notamment des programmes de formation en français
de fonctionnaires des institutions européennes et des pays
candidats ou encore la diffusion de logiciels d'aide à la rédaction
administrative. Dans le prolongement de ces actions, le rapporteur a
proposé la création d'un pôle européen de formation initiale et
continue des fonctionnaires européens, qui pourrait être localisé
à Strasbourg, capitale européenne, afin de donner une meilleure
visibilité à une politique souvent trop morcelée.
En conclusion, le rapporteur a plaidé en faveur de l'enseignement
obligatoire de deux langues étrangères, ce qui n'est aujourd'hui
le cas que dans six pays de l'Union; il s'est appuyé sur l'exemple
de l'Espagne où le nombre d'élèves apprenant le français est
passé de 250 000 en 1998 à 1,3 million aujourd'hui depuis que ce
pays a instauré l'enseignement obligatoire d'une deuxième langue
étrangère. Mais il a souhaité qu'en retour, l'enseignement des
langues étrangères - y compris les langues des futurs pays membres
- soit encouragé dans les écoles françaises.
Considérant que les déclarations incantatoires ne suffisent plus,
le rapporteur a plaidé en faveur d'actions concrètes et ciblées
capables de répondre à un désir de français, au service d'une
Europe qui assure la promotion de sa diversité culturelle et
linguistique, que la Convention s'apprête à constitutionnaliser.
Tel est le cadre d'une Europe en version originale, qui se distingue
des autres institutions internationales par la reconnaissance d'une
égalité entre toutes les langues officielles, par la volonté de
faire entendre une autre voix dans le monde et par la nécessité de
contribuer au développement d'une citoyenneté européenne qui doit
permettre à chaque Européen de pouvoir s'adresser, dans sa langue
maternelle, aux institutions de l'Union.
À l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat
s'est engagé.
Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Michel Herbillon pour
ce rapport très important sur un sujet qui peut être qualifié
d'explosif en Europe. Il est certain qu'on ne peut pas continuer à
s'écarter de la réglementation, alors même que le sort du français
est en jeu. Lors des débats, en séance
plénière, à la Convention européenne, chacun s'exprime dans sa
langue, mais l'utilisation presque exclusive de l'anglais et du français
dans les groupes de travail montre qu'on pourrait parfaitement
retenir la suggestion des trois langues pivots, si chacun consentait
à renoncer à des questions
d'honneur ou de statut de la langue.
M. Pierre Forgues a considéré que l'essentiel était le maintien
du principe selon lequel chacun doit pouvoir s'exprimer dans sa
langue. On ne peut néanmoins empêcher l'utilisation d'une langue véhiculaire,
aujourd'hui l'anglais, qui le sera encore plus demain après l'adhésion
des nouveaux
États membres. On aurait pu favoriser l'utilisation d'une langue spécifique
telle que l'espéranto, ce qui n'aurait pas posé de problème
particulier si l'on avait consenti un effort d'enseignement et de
formation dans les écoles normales. Toutefois, les autorités françaises
considèrent que l'espéranto n'est pas porteur d'une culture et ne
peut même pas constituer une option au baccalauréat.
Le combat contre l'anglais semble perdu d'avance, comme le montre
l'usage très large qu'en font les chercheurs, les chefs
d'entreprise et les radios de notre pays. Ainsi, on critique fréquemment
l'hégémonie de l'anglais, tout en assurant largement sa diffusion.
La défense du français ne doit pas
rester théorique et devrait notamment passer par un accueil plus
large des étudiants étrangers, en particulier ceux de l'Afrique
francophone qui sont aujourd'hui moins nombreux en France qu'il y a
quelques décennies. Par ailleurs, il a tenu à affirmer que
l'enseignement des langues en France se
situe à un niveau équivalent à celui existant dans les autres États
membres. Il suffit de se déplacer dans ces pays pour constater que
le niveau des étrangers dans notre langue n'est guère supérieur
au niveau des Français dans les langues étrangères. Il a également
souhaité que le régime linguistique de l'Union européenne prenne
en compte l'existence de langues telles que le catalan ou le basque.
Au total, la suggestion visant à instituer trois langues pivots
apparaît extrêmement fragile, car une seule s'imposera au bout du
compte, et le français ne doit pas être défendu en faisant
abstraction de la réalité.
Après avoir salué l'excellent rapport réalisé par M. Michel
Herbillon,
M. Bernard Deflesselles s'est dit frappé par deux statistiques : la
première montrant que Malte est le seul pays candidat où le français
est plus enseigné que l'allemand, la seconde indiquant que près de
70% des Européens considèrent que tout le monde devrait parler
anglais. Ces statistiques semblent établir que la défense du français
face à l'anglais constitue déjà une bataille perdue. À ce sujet,
mieux vaudrait d'ailleurs parler de promotion du français, comme le
fait le rapport de M. Herbillon. S'agissant des statistiques
espagnoles montrant que l'enseignement obligatoire d'une seconde
langue a favorisé le développement du français, il convient d'éviter
de se réjouir trop vite en rappelant que l'enseignement de
l'italien à un grand nombre de Français il y a une vingtaine d'années
a pratiquement disparu aujourd'hui. Sur la question des langues, les
Français ont une attitude schizophrène, puisqu'ils n'ont de cesse
d'inciter leurs enfants à apprendre l'anglais, tout en combattant
cette langue au sein des institutions de l'Union européenne. M. Gérard
Voisin a indiqué qu'il fallait distinguer la politique des langues
dans les institutions communautaires - qui exige de défendre la
place du français - et celle à l'égard des citoyens de l'Union -
qui doit prendre en compte le rôle croîssant de l'anglais. La
question de l'anglais se pose d'ailleurs dans le cadre des jumelages
européens entre écoles primaires, dans la mesure où, en dehors de
certains jumelages traditionnels avec des écoles allemandes ou
italiennes, l'anglais paraît souvent la langue d'échange la plus
commode.
M. André Schneider a souligné que, si la France n'avait pas de
complexe à avoir par rapport à ses partenaires européens pour
l'enseignement des langues, la maîtrise des langues étrangères
parlées posait souvent problème, alors même que l'on dispose
aujourd'hui de tous les moyens audiovisuels adéquats. La question
principale en la matière est de savoir comment inciter les jeunes
à apprendre une autre langue étrangère que l'anglais vers
laquelle ils se tournent en raison de leur attirance pour
les États-Unis. Pour cela, il est nécessaire de susciter leur intérêt
pour d'autres pays étrangers. Il a par ailleurs estimé que, plutôt
que de parler de défense du français, il valait mieux plaider en
faveur de la promotion du français, qui passe aussi par la
promotion de la France et la capacité de notre pays à renforcer la
place de Strasbourg comme l'une des capitales de l'Europe, grâce
notamment à une meilleure desserte ferroviaire et aérienne.
M. Didier Quentin a déclaré qu'il fallait défendre l'idée d'une
deuxième langue étrangère obligatoire, parce qu'elle est le
meilleur moyen de promouvoir d'autres langues que l'anglais. La
France doit d'ailleurs poursuivre ses efforts dans ce domaine si
elle veut obtenir la réciprocité de la part de ses partenaires.
Après avoir constaté que l'anglais de base avait pris la place que
ses inventeurs voulaient assigner à l'espéranto, il a émis deux
suggestions : d'une part, enseigner l'anglais comme matière
fondamentale et dispenser parallèlement l'enseignement d'une, voire
deux langues étrangères supplémentaires ; d'autre part, favoriser
une plus grande mobilité des enseignants de langues dans l'Union,
ce qui permettrait aux élèves d'avoir des professeurs originaires
d'autres pays de la Communauté, parlant leur langue maternelle et
renforçant l'interpénétration des cultures. Il a enfin déploré
l'hégémonie des mathématiques dans l'enseignement, en particulier
dans les filières où cette matière est moins utile que d'autres,
comme les langues étrangères.
M. André Schneider a ajouté qu'on a sous-estimé l'importance de
la maîtrise des langues dans l'enseignement, y compris la langue
maternelle, pour la formation des futurs scientifiques.
M. François Calvet a considéré que la meilleure façon de
promouvoir le français était de défendre les langues minoritaires
- y compris des langues régionales comme le catalan - et que
l'attachement des petits pays à leur langue se justifiait par leur
peur de perdre leur identité. L'ouverture de cours de catalan dans
les Pyrénées orientales a en tout cas suscité une ouverture réciproque
de cours de français en Catalogne. Il a d'autre part souligné
combien le principe de la diversité linguistique, par l'esprit de
liberté et de tolérance qui l'anime, était en phase avec la
philosophie des droits de l'Homme, à laquelle la France est si
attachée.
M. Pierre Forgues a souhaité disposer de statistiques sur le nombre
de lycées et d'universités enseignant des langues telles que le
polonais ou le tchèque.
Le Président Pierre Lequiller a observé que garantir le
plurilinguisme était la seule manière de défendre, ou plutôt de
promouvoir, efficacement la langue française. Lorsque, dans un État
membre, l'apprentissage de deux langues étrangères est
obligatoire, le français devient en général la
deuxième langue étrangère. Au vu des résultats communément
atteints à la fin des études secondaires, il apparaît que la
mobilité des enseignants de langue entre États membres de l'Union
gagnerait à être accrue. Comme le montre l'exemple des lycées
internationaux et franco-allemands,
l'apprentissage renforcé des langues étrangères est du reste une
aide et non un frein à l'étude de la langue maternelle. Il
convient d'encourager le développement des classes européennes et
des établissements à vocation internationale et de favoriser le
rapprochement des différentes institutions culturelles que les États
membres entretiennent à l'étranger, telles que le Goethe Institut,
le British Council et l'Institut culturel français. À propos de la
mobilité des enseignants, M. André Schneider a
souligné qu'il suffirait de remettre en application la formule
existante de l'échange poste à poste de professeurs pour une année
reconductible, de la compléter tout au plus par une incitation
financière et de ne pas la réserver aux enseignants de langue.
Le rapporteur a expliqué qu'il avait voulu élaborer sur la
question des langues un document synthétique, regroupant des
informations jusqu'alors éparses sur la stratégie des institutions
européennes, le principe du plurilinguisme et la promotion du français
qui sont autant de questions
liées. Le terme de défense du français exprimerait une attitude
de repli et mieux vaut parler de sa promotion. Elle exige la définition
d'une stratégie, d'une tactique et l'octroi de moyens, aujourd'hui
insuffisants, notamment pour les bourses accordées aux étudiants
étrangers. Le rapport n'aborde pas de front la question de
l'enseignement parce qu'elle ne se rattache que de manière connexe
à l'activité des institutions européennes.
Il a ensuite proposé que soit institué un suivi annuel de la
question, afin d'en étudier notamment l'évolution dans le cadre de
la francophonie. Quant à la question d'une langue commune, il a
souligné que l'espéranto était certes pratiqué et enseigné dans
quatre-vingts pays, mais que la vraie lingua franca est en Europe
une forme d'anglo-américain abâtardi. Le combat pour le français
ne peut donc viser qu'à conforter sa position de seconde langue étrangère
la plus choisie. Au sujet des langues régionales, il faut remarquer
que le catalan est certes moins parlé que le polonais dans l'Union
élargie, mais qu'il y compte plus de locuteurs que des langues
nationales comme le hongrois ou le tchèque. L'image du français
langue des droits de l'homme n'a plus la même aura dans une Europe
démocratique, ce qui explique en partie son recul dans les
nouvelles générations. Aussi
faut-il encourager l'accueil d'étudiants étrangers et améliorer
les bourses qu'on leur accorde. Le regroupement des centres
culturels nationaux dans les différents États membres en centres
culturels européens paraît également souhaitable.
M. André Schneider a souligné la qualité de l'enseignement de la
seconde langue en France, qui s'appuie sur des programmes, des
horaires et des exigences de même niveau que pour l'enseignement de
la première langue, contrairement à d'autres pays.
M. Bernard Deflesselles a observé que le bénéfice de la seconde
langue courait cependant le risque d'être perdu s'il n'y avait pas
à l'issue de son étude de vraie motivation à la pratiquer,
notamment dans le domaine professionnel.
Le Président Pierre Lequiller a déclaré qu'il fallait sauver la
diversité linguistique pour sauver la diversité culturelle. Il
faudra suivre à l'avenir l'évolution de cette question
essentielle.
La Délégation a ensuite examiné et adopté la proposition de résolution
du rapporteur dans le texte suivant : «L'Assemblée nationale,
Vu
l'article 88-4 de la Constitution,
Vu
l'avant-projet de budget (APB) général des Communautés européennes
pour l'exercice 2004 (E 2275 Annexe 1),
Vu
la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des
fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime
applicable aux autres agents de ces Communautés (COM[2002]213final /
E 2024],
Vu la proposition de décision du Parlement européen et du
Conseil arrêtant un programme pluriannuel (2004-2006) pour l'intégration
efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation
et de formation en Europe (Programme eLearning) (COM [2002] 751 final
/ E 2182),
1. Affirme son attachement à la diversité linguistique et
culturelle, que consacre l'élargissement à dix nouveaux pays :
I. En ce qui concerne la réforme du régime linguistique des
institutions de l'Union européenne :
2. Considère que le régime d'interprétation intégrale doit être
maintenu au Conseil européen et lors des réunions ministérielles du
Conseil de l'Union, tout représentant du peuple ayant le droit de
s'exprimer, en toutes circonstances, dans sa langue maternelle ;
3. Estime qu'il est vivement souhaitable de pérenniser les régimes
linguistiques PESC (anglais/français) et COREPER (anglais/français/allemand)
sur lesquels il existe un consensus fondé sur une pratique ancienne
qui n'est pas contestée;
4. S'oppose à toute extension du nombre des réunions sans interprétation
qui favoriserait l'utilisation d'une seule langue, ce qui serait
contraire au principe du plurilinguisme européen ;
5. Recommande que la recherche d'un compromis sur le régime
linguistique des réunions des groupes de travail du Conseil, autres
que COREPER et PESC, se fonde sur les principes de pluralisme
linguistique, de souplesse de gestion et de répartition équitable de
la charge financière et estime que l'instauration d'un régime de
marché ne pourrait être soutenue qu'à ces conditions ;
6. Estime que le régime asymétrique, qui permet à chacun de
s'exprimer dans sa langue maternelle tout en n'obtenant l'interprétation
des débats que dans un nombre limité de langues de travail, devrait
faire l'objet d'une expérimentation puis d'une évaluation qui
permettrait d'envisager, sous réserve d'un consensus, la généralisation
de ce régime.
7. Suggère une harmonisation des régimes linguistiques des agences
de l'Union européenne et des organismes communautaires, fondée sur
un nombre limité de langues de travail.
II. En ce qui concerne les atteintes au principe de plurilinguisme au
sein de l'Union européenne :
8. Rappelle que la publication d'appels d'offres et d'annonces de
recrutement en seule langue anglaise devrait être proscrite, car
contraire au principe de non-discrimination linguistique et considère
qu'au minimum, ces publications devraient se faire dans un nombre
restreint de langues
officielles ;
9. Appelle à un signalement systématique des infractions
linguistiques commises par les institutions et organismes
communautaires, en violation de leurs obligations ;
10. Propose que les sites internet des institutions et organismes
communautaires soient soumis au respect d'une «charte linguistique»
prohibant notamment la mise en ligne d'informations dans une seule
langue, comme c'est actuellement le cas sur le site de la Banque
centrale européenne.
III. En ce qui concerne la politique engagée en faveur du français
dans les institutions européennes :
11. Considère que la promotion de la langue française suppose en
premier lieu que les fonctionnaires français à l'étranger utilisent
exclusivement leur propre langue, comme l'exige la circulaire du
Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française
;
12. Estime que la promotion du français dans les institutions européennes
nécessiterait une meilleure coordination entre les services
administratifs concernés, dans une perspective interministérielle,
et souhaite qu'une réforme du ministère des affaires étrangères
favorise les synergies possibles ;
13. Se félicite des actions de formation en français des
fonctionnaires des pays membres et des pays candidats, qu'il faut
encourager et soutenir financièrement. À cet effet, la création, à
Strasbourg, d'un pôle de préparation aux concours des institutions
de l'Union européenne, élargie à la formation continue des
fonctionnaires européens, devrait être expertisée par le Comité de
pilotage chargé de définir une stratégie de long terme pour la
valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne ;
14. Suggère que la Délégation de l'Assemblée nationale pour
l'Union européenne s'engage à suivre l'évolution des pratiques
linguistiques dans les institutions européennes en publiant un
rapport d'information annuel qui dresse notamment un bilan des
pratiques constatées et des actions engagées.
IV. En ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères :
15. Recommande que l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères
devienne la norme dans l'Union européenne élargie, tandis que
l'apprentissage des nouvelles langues de l'Union devrait être favorisé
dans les systèmes éducatifs européens.
V. En ce qui concerne la réforme du statut des fonctionnaires européens
(E 2024) et l'organisation des concours de recrutement :
16. Se félicite du compromis obtenu le 19 mai 2003 qui prévoit que
les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau
statut devront, pour être promus au grade immédiatement supérieur
au grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur maîtrise
d'une seconde langue étrangère autre que leur langue maternelle ;
17. Veillera à ce que la Commission inscrive cette disposition dans
la proposition modifiée de réforme du statut qu'elle présentera à
l'automne, et prévoie une procédure d'évaluation des compétences
linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de
transparence ;
18. Réserve son examen sur les autres dispositions de la réforme du
statut des fonctionnaires européens, dans l'attente d'informations
complémentaires ;
19. Propose que l'organisation en trois langues de tests de présélection
pour le recrutement d'auxiliaires issus des futurs États membres soit
étendue, à titre expérimental, à l'ensemble des concours organisés
par l'Union européenne.
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Renato Corsetti, Universita' di Roma "La Sapienza", Facolta'
Psicologia 1
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