Sujet : La diversité linguistique au sein de l'Union européenne
Date : 19/06/2003
De :  Germain Pirlot 

 

INFORMCELE - POUR INFORMATION

 




-----  Message original -----


De : M.  Renato Corsetti - Renato.Corsetti@uniroma1.it


À : linguarum-democratia@yahoogroupes.fr



OBJET : [ linguarum democratia ] la diversité linguistique au sein de l'Union européenne



 

DÉLÉGATION POUR L' UNION EUROPÉENNE

COMPTE RENDU N°48
Réunion du mercredi 11 juin 2003 à 9 heures 15
Présidence de M. Pierre Lequiller, Président,

 



I. Examen du rapport d'information de M. Michel  Herbillon sur la diversité linguistique au sein de l'Union européenne (réunion ouverte à l'ensemble des membres français du Parlement européen)

M. Michel Herbillon,  rapporteur, a introduit son propos en indiquant que l'élargissement historique que l'Union s'apprête à vivre va provoquer l'arrivée d'une dizaine de nouvelles langues et aura des répercussions sur le régime linguistique des institutions. Il a rappelé que, sur le plan des principes, l'Europe s'est dotée, dès sa création, d'un arsenal juridique très protecteur de la diversité linguistique, en consacrant dans plusieurs textes le principe d'égalité des langues officielles de l'Union, lequel a
d'ailleurs fait l'objet du premier règlement (le règlement n°1/58 du 15 avril 1958) adopté par la Communauté européenne. Mais ce texte confie à chaque institution le soin de prévoir, dans son règlement intérieur, les modalités de mise en ouvre du principe d'égalité. Il en résulte que les
pratiques divergent d'une institution à l'autre. Le Parlement européen est ainsi l'institution dont les pratiques sont les plus proches du multilinguisme intégral. En effet, tant les débats en séance plénière que ceux en commission font l'objet d'une interprétation intégrale active dans les onze langues. À la Commission, les services utilisent trois langues de travail : l'anglais, le français et l'allemand. En revanche, le Conseil connaît une hétérogénéité des régimes linguistiques variant selon la nature
des réunions: celles qui se tiennent à un niveau politique (c'est-à-dire les réunions du Conseil européen et les réunions ministérielles du Conseil de l'Union) font l'objet d'une interprétation intégrale dans toutes les langues officielles tandis que les réunions administratives se caractérisent par des règles plus souples. C'est ainsi que les réunions du Comité des Représentants permanents - COREPER (les ambassadeurs des pays membres à Bruxelles) se tiennent en trois langues(anglais, français et allemand) et les réunions des groupes de travail consacrés à la Politique étrangère et de sécurité commune (régime PESC) en deux langues(anglais et français).Le régime linguistique spécifique de la Cour de justice est très favorable au français qui constitue la langue unique de délibéré. Toutes les pièces de procédure sont par ailleurs systématiquement traduites en français afin de constituer le dossier de travail des juges et des avocats généraux. Le choix de la langue n'est pas neutre sur le fond: l'utilisation du français signifie en effet que les juges s'appuient sur une tradition de droit continental alors que le recours à l'anglais, la langue de la Common law, conduirait probablement à des évolutions sensibles de la jurisprudence communautaire.
Le rapporteur a ensuite évoqué l'impact de l'élargissement sur le régime linguistique de l'Union, et tout d'abord rappelé quelques ordres de grandeur: la masse de papier utilisée chaque mois par la Commission pour traduire l'ensemble des documents représente près de la moitié de la surface du Luxembourg et 1,3 million de pages sont traduites chaque année par le service de traduction de la Commission. Le Service commun interprétation et de conférence (SCIC) est la plus grosse machine à interpréter au monde puisqu'il organise annuellement près de 11 000 réunions et mobilise chaque jour plus de 700 interprètes qui gèrent 110 combinaisons linguistiques et bientôt 420. Face à ces chiffres impressionnants, le coût budgétaire est, contrairement aux idées reçues, relativement peu élevé. En effet, le cumul des coûts liés à l'interprétation et à la traduction de l'ensemble des institutions communautaires ne représente que 2 euros par an et par citoyen.

L'argument budgétaire n'est donc pas pertinent pour s'opposer à une extension du régime linguistique aux nouvelles langues de l'Union. Les difficultés sont davantage techniques et matérielles puisqu'il faut équiper les salles de réunion, recruter des traducteurs et des interprètes dans les nouvelles langues et s'assurer que les 420 futures combinaisons pourront être couvertes. Cela justifie la nécessité de recourir à un nombre restreint de langues pivot (au moins trois, voire cinq ou six) que les fonctionnaires européens doivent pouvoir maîtriser. À cet égard, dans les négociations actuellement en cours sur la réforme du statut des fonctionnaires européens, un compromis politique conclu le 19 mai dernier prévoit que les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour pouvoir être promus au grade immédiatement supérieur à leur grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur capacité à travailler dans une seconde langue étrangère. S'agissant des scénarios possibles d'évolution, le rapporteur a précisé les principales mesures envisagées par les institutions, en insistant plus particulièrement sur les négociations actuellement en cours au sein du Conseil. Face à l'alternative entre le recours à un système de langues fixes et le choix d'un modèle de marché, il a estimé qu'un régime de langues fixes présenterait l'avantage de la simplicité mais serait politiquement très difficile à officialiser. En effet, comment justifier de privilégier telle langue plutôt qu'une autre? La perspective de pérenniser trois langues de travail (anglais, français, allemand) provoque en effet une vive opposition de l'Italie et de l'Espagne, qui revendiquent légitimement le droit à utiliser leur langue; le système pourrait être étendu à cinq langues fixes,
mais se poserait immédiatement la question du polonais, du néerlandais, du portugais. Il n'existe aucun critère objectif dans le choix des langues et ce qui est accepté dans la pratique ne saurait être rendu public politiquement. S'agissant de la logique de marché, celle-ci suppose que chaque pays paie pour utiliser sa langue. L'avantage de cette formule est qu'elle place les États en position d'égalité les uns par rapport aux autres, mais elle présente l'inconvénient d'encourager certains pays à abandonner l'usage de leur langue, pour des raisons budgétaires. Cela serait dommageable pour le plurilinguisme européen et conduirait à un recours quasi-systématique à l'anglais.
Face à la complexité politique de ce sujet, le rapporteur n'a pas exclu que la négociation n'aboutisse pas, et
que l'on en reste à des pratiques somme toute éloignées des prescriptions du règlement n°1 de 1958. Il a alors préconisé que la réforme s'opère selon les principes suivants : -l'officialisation des régimes PESC et COREPER très favorables au français ; -le recours le plus fréquent possible aux régimes dits «asymétriques» qui permettent à chacun de s'exprimer dans sa langue, mais de n'obtenir une traduction des débats que dans un nombre restreint de langues «actives» ; -une répartition équitable de la charge financière. Puis le rapporteur a dressé un état de lieux de l'utilisation du français au sein des institutions européennes, considérant que l'avenir de notre langue
se joue désormais en Europe. L'évolution de la situation est préoccupante, essentiellement depuis l'élargissement de 1995 à l'Autriche et aux pays scandinaves, qui s'est traduit par un décrochage entre l'anglais et le français au sein des institutions. En 1986, 58% des documents de la Commission étaient rédigés initialement en français contre à peine 30% en 2001, avec une situation encore plus défavorable au Conseil. L'anglais fut la seule langue utilisée lors des négociations d'adhésion avec les pays candidats alors qu'une enquête statistique portant sur les 162 observateurs des pays candidats au Parlement européen révèle que leur première langue étrangère est à 82% l'anglais, à 14% l'allemand et à seulement 4% le français. Puis, le rapporteur a fait part des infractions constatées au régime linguistique:-annonces de recrutement spécifiant que les candidats doivent obligatoirement être de langue maternelle anglaise ; -multiplication des appels d'offres en anglais, notamment pour la mise en ouvre des programmes de coopération PHARE et TACIS, ce qui est contraire au principe de non discrimination;-existence de plusieurs sites Internet des institutions qui ne sont disponibles qu'en anglais, l'exemple le plus flagrant étant celui de la Banque centrale européenne. Le rapporteur s'est néanmoins déclaré opposé à l'idée de promouvoir le français contre
l'anglais, ce qui constituerait un combat perdu d'avance, et serait contraire à la volonté politique de démontrer que le pluralisme n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit maîtrisé. C'est dans le cadre de la francophonie que se déploie l'action des autorités françaises en faveur du français dans les institutions européennes. Le cour du dispositif se trouve formulé dans un «Plan pluriannuel en faveur du développement de la langue française, dans le contexte pluriculturel et
plurilingue des institutions de l'Union européenne», signé le 11 janvier 2002 par la France, le Luxembourg et la Communauté française de Belgique.
Le fait que les sièges des institutions européennes se situent dans des villes francophones ou française (Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg) constitue un avantage certain pour notre langue. Ce plan pluriannuel comporte notamment des programmes de formation en français de fonctionnaires des institutions européennes et des pays candidats ou encore la diffusion de logiciels d'aide à la rédaction administrative. Dans le prolongement de ces actions, le rapporteur a proposé la création d'un pôle européen de formation initiale et continue des fonctionnaires européens, qui pourrait être localisé à Strasbourg, capitale européenne, afin de donner une meilleure visibilité à une politique souvent trop morcelée.
En conclusion, le rapporteur a plaidé en faveur de l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères, ce qui n'est aujourd'hui le cas que dans six pays de l'Union; il s'est appuyé sur l'exemple de l'Espagne où le nombre d'élèves apprenant le français est passé de 250 000 en 1998 à 1,3 million aujourd'hui depuis que ce pays a instauré l'enseignement obligatoire d'une deuxième langue étrangère. Mais il a souhaité qu'en retour, l'enseignement des langues étrangères - y compris les langues des futurs pays membres - soit encouragé dans les écoles françaises.
Considérant que les déclarations incantatoires ne suffisent plus, le rapporteur a plaidé en faveur d'actions concrètes et ciblées capables de répondre à un désir de français, au service d'une Europe qui assure la promotion de sa diversité culturelle et linguistique, que la Convention s'apprête à constitutionnaliser. Tel est le cadre d'une Europe en version originale, qui se distingue des autres institutions internationales par la reconnaissance d'une égalité entre toutes les langues officielles, par la volonté de faire entendre une autre voix dans le monde et par la nécessité de contribuer au développement d'une citoyenneté européenne qui doit permettre à chaque Européen de pouvoir s'adresser, dans sa langue maternelle, aux institutions de l'Union.

À l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. Michel Herbillon pour ce rapport très important sur un sujet qui peut être qualifié d'explosif en Europe. Il est certain qu'on ne peut pas continuer à s'écarter de la réglementation, alors même que le sort du français est en jeu. Lors des débats, en séance
plénière, à la Convention européenne, chacun s'exprime dans sa langue, mais l'utilisation presque exclusive de l'anglais et du français dans les groupes de travail montre qu'on pourrait parfaitement retenir la suggestion des trois langues pivots, si chacun consentait à renoncer à des questions
d'honneur ou de statut de la langue.

M. Pierre Forgues a considéré que l'essentiel était le maintien du principe selon lequel chacun doit pouvoir s'exprimer dans sa langue. On ne peut néanmoins empêcher l'utilisation d'une langue véhiculaire, aujourd'hui l'anglais, qui le sera encore plus demain après l'adhésion des nouveaux
États membres. On aurait pu favoriser l'utilisation d'une langue spécifique telle que l'espéranto, ce qui n'aurait pas posé de problème particulier si l'on avait consenti un effort d'enseignement et de formation dans les écoles normales. Toutefois, les autorités françaises considèrent que l'espéranto n'est pas porteur d'une culture et ne peut même pas constituer une option au baccalauréat.

Le combat contre l'anglais semble perdu d'avance, comme le montre l'usage très large qu'en font les chercheurs, les chefs d'entreprise et les radios de notre pays. Ainsi, on critique fréquemment l'hégémonie de l'anglais, tout en assurant largement sa diffusion. La défense du français ne doit pas
rester théorique et devrait notamment passer par un accueil plus large des étudiants étrangers, en particulier ceux de l'Afrique francophone qui sont aujourd'hui moins nombreux en France qu'il y a quelques décennies. Par ailleurs, il a tenu à affirmer que l'enseignement des langues en France se
situe à un niveau équivalent à celui existant dans les autres États membres. Il suffit de se déplacer dans ces pays pour constater que le niveau des étrangers dans notre langue n'est guère supérieur au niveau des Français dans les langues étrangères. Il a également souhaité que le régime linguistique de l'Union européenne prenne en compte l'existence de langues telles que le catalan ou le basque. Au total, la suggestion visant à instituer trois langues pivots apparaît extrêmement fragile, car une seule s'imposera au bout du compte, et le français ne doit pas être défendu en faisant abstraction de la réalité.

Après avoir salué l'excellent rapport réalisé par M. Michel Herbillon,
M. Bernard Deflesselles s'est dit frappé par deux statistiques : la première montrant que Malte est le seul pays candidat où le français est plus enseigné que l'allemand, la seconde indiquant que près de 70% des Européens considèrent que tout le monde devrait parler anglais. Ces statistiques semblent établir que la défense du français face à l'anglais constitue déjà une bataille perdue. À ce sujet, mieux vaudrait d'ailleurs parler de promotion du français, comme le fait le rapport de M. Herbillon. S'agissant des statistiques espagnoles montrant que l'enseignement obligatoire d'une seconde langue a favorisé le développement du français, il convient d'éviter de se réjouir trop vite en rappelant que l'enseignement de l'italien à un grand nombre de Français il y a une vingtaine d'années a pratiquement disparu aujourd'hui. Sur la question des langues, les Français ont une attitude schizophrène, puisqu'ils n'ont de cesse d'inciter leurs enfants à apprendre l'anglais, tout en combattant cette langue au sein des institutions de l'Union européenne. M. Gérard Voisin a indiqué qu'il fallait distinguer la politique des langues dans les institutions communautaires - qui exige de défendre la place du français - et celle à l'égard des citoyens de l'Union - qui doit prendre en compte le rôle croîssant de l'anglais. La question de l'anglais se pose d'ailleurs dans le cadre des jumelages européens entre écoles primaires, dans la mesure où, en dehors de certains jumelages traditionnels avec des écoles allemandes ou italiennes, l'anglais paraît souvent la langue d'échange la plus commode.

M. André Schneider a souligné que, si la France n'avait pas de complexe à avoir par rapport à ses partenaires européens pour l'enseignement des langues, la maîtrise des langues étrangères parlées posait souvent problème, alors même que l'on dispose aujourd'hui de tous les moyens audiovisuels adéquats. La question principale en la matière est de savoir comment inciter les jeunes à apprendre une autre langue étrangère que l'anglais vers laquelle ils se tournent en raison de leur attirance pour
les États-Unis. Pour cela, il est nécessaire de susciter leur intérêt pour d'autres pays étrangers. Il a par ailleurs estimé que, plutôt que de parler de défense du français, il valait mieux plaider en faveur de la promotion du français, qui passe aussi par la promotion de la France et la capacité de notre pays à renforcer la place de Strasbourg comme l'une des capitales de l'Europe, grâce notamment à une meilleure desserte ferroviaire et aérienne.

M. Didier Quentin a déclaré qu'il fallait défendre l'idée d'une deuxième langue étrangère obligatoire, parce qu'elle est le meilleur moyen de promouvoir d'autres langues que l'anglais. La France doit d'ailleurs poursuivre ses efforts dans ce domaine si elle veut obtenir la réciprocité de la part de ses partenaires. Après avoir constaté que l'anglais de base avait pris la place que ses inventeurs voulaient assigner à l'espéranto, il a émis deux suggestions : d'une part, enseigner l'anglais comme matière fondamentale et dispenser parallèlement l'enseignement d'une, voire deux langues étrangères supplémentaires ; d'autre part, favoriser une plus grande mobilité des enseignants de langues dans l'Union, ce qui permettrait aux élèves d'avoir des professeurs originaires d'autres pays de la Communauté, parlant leur langue maternelle et renforçant l'interpénétration des cultures. Il a enfin déploré l'hégémonie des mathématiques dans l'enseignement, en particulier dans les filières où cette matière est moins utile que d'autres, comme les langues étrangères.
M. André Schneider a ajouté qu'on a sous-estimé l'importance de la maîtrise des langues dans l'enseignement, y compris la langue maternelle, pour la formation des futurs scientifiques.

M. François Calvet a considéré que la meilleure façon de promouvoir le français était de défendre les langues minoritaires - y compris des langues régionales comme le catalan - et que l'attachement des petits pays à leur langue se justifiait par leur peur de perdre leur identité. L'ouverture de cours de catalan dans les Pyrénées orientales a en tout cas suscité une ouverture réciproque de cours de français en Catalogne. Il a d'autre part souligné combien le principe de la diversité linguistique, par l'esprit de liberté et de tolérance qui l'anime, était en phase avec la philosophie des droits de l'Homme, à laquelle la France est si attachée.

M. Pierre Forgues a souhaité disposer de statistiques sur le nombre de lycées et d'universités enseignant des langues telles que le polonais ou le tchèque.

Le Président Pierre Lequiller a observé que garantir le plurilinguisme était la seule manière de défendre, ou plutôt de promouvoir, efficacement la langue française. Lorsque, dans un État membre, l'apprentissage de deux langues étrangères est obligatoire, le français devient en général la
deuxième langue étrangère. Au vu des résultats communément atteints à la fin des études secondaires, il apparaît que la mobilité des enseignants de langue entre États membres de l'Union gagnerait à être accrue. Comme le montre l'exemple des lycées internationaux et franco-allemands,
l'apprentissage renforcé des langues étrangères est du reste une aide et non un frein à l'étude de la langue maternelle. Il convient d'encourager le développement des classes européennes et des établissements à vocation internationale et de favoriser le rapprochement des différentes institutions culturelles que les États membres entretiennent à l'étranger, telles que le Goethe Institut, le British Council et l'Institut culturel français. À propos de la mobilité des enseignants, M. André Schneider a
souligné qu'il suffirait de remettre en application la formule existante de l'échange poste à poste de professeurs pour une année reconductible, de la compléter tout au plus par une incitation financière et de ne pas la réserver aux enseignants de langue.

Le rapporteur a expliqué qu'il avait voulu élaborer sur la question des langues un document synthétique, regroupant des informations jusqu'alors éparses sur la stratégie des institutions européennes, le principe du plurilinguisme et la promotion du français qui sont autant de questions
liées. Le terme de défense du français exprimerait une attitude de repli et mieux vaut parler de sa promotion. Elle exige la définition d'une stratégie, d'une tactique et l'octroi de moyens, aujourd'hui insuffisants, notamment pour les bourses accordées aux étudiants étrangers. Le rapport n'aborde pas de front la question de l'enseignement parce qu'elle ne se rattache que de manière connexe à l'activité des institutions européennes.
Il a ensuite proposé que soit institué un suivi annuel de la question, afin d'en étudier notamment l'évolution dans le cadre de la francophonie. Quant à la question d'une langue commune, il a souligné que l'espéranto était certes pratiqué et enseigné dans quatre-vingts pays, mais que la vraie lingua franca est en Europe une forme d'anglo-américain abâtardi. Le combat pour le français ne peut donc viser qu'à conforter sa position de seconde langue étrangère la plus choisie. Au sujet des langues régionales, il faut remarquer que le catalan est certes moins parlé que le polonais dans l'Union élargie, mais qu'il y compte plus de locuteurs que des langues nationales comme le hongrois ou le tchèque. L'image du français langue des droits de l'homme n'a plus la même aura dans une Europe démocratique, ce qui explique en partie son recul dans les nouvelles générations. Aussi
faut-il encourager l'accueil d'étudiants étrangers et améliorer les bourses qu'on leur accorde. Le regroupement des centres culturels nationaux dans les différents États membres en centres culturels européens paraît également souhaitable.

M. André Schneider a souligné la qualité de l'enseignement de la seconde langue en France, qui s'appuie sur des programmes, des horaires et des exigences de même niveau que pour l'enseignement de la première langue, contrairement à d'autres pays.

M. Bernard Deflesselles a observé que le bénéfice de la seconde langue courait cependant le risque d'être perdu s'il n'y avait pas à l'issue de son étude de vraie motivation à la pratiquer, notamment dans le domaine professionnel.

Le Président Pierre Lequiller a déclaré qu'il fallait sauver la diversité linguistique pour sauver la diversité culturelle. Il faudra suivre à l'avenir l'évolution de cette question essentielle.

La Délégation a ensuite examiné et adopté la proposition de résolution du rapporteur dans le texte suivant : «L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu l'avant-projet de budget (APB) général des Communautés européennes pour l'exercice 2004 (E 2275 Annexe 1),

Vu la proposition de règlement du Conseil modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (COM[2002]213final / E 2024],

Vu la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil arrêtant un programme pluriannuel (2004-2006) pour l'intégration efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation et de formation en Europe (Programme eLearning) (COM [2002] 751 final / E 2182),

1. Affirme son attachement à la diversité linguistique et culturelle, que consacre l'élargissement à dix nouveaux pays :

I. En ce qui concerne la réforme du régime linguistique des institutions de l'Union européenne :

2. Considère que le régime d'interprétation intégrale doit être maintenu au Conseil européen et lors des réunions ministérielles du Conseil de l'Union, tout représentant du peuple ayant le droit de s'exprimer, en toutes circonstances, dans sa langue maternelle ;

3. Estime qu'il est vivement souhaitable de pérenniser les régimes linguistiques PESC (anglais/français) et COREPER (anglais/français/allemand) sur lesquels il existe un consensus fondé sur une pratique ancienne qui n'est pas contestée;

4. S'oppose à toute extension du nombre des réunions sans interprétation qui favoriserait l'utilisation d'une seule langue, ce qui serait contraire au principe du plurilinguisme européen ;

5. Recommande que la recherche d'un compromis sur le régime linguistique des réunions des groupes de travail du Conseil, autres que COREPER et PESC, se fonde sur les principes de pluralisme linguistique, de souplesse de gestion et de répartition équitable de la charge financière et estime que l'instauration d'un régime de marché ne pourrait être soutenue qu'à ces conditions ;

6. Estime que le régime asymétrique, qui permet à chacun de s'exprimer dans sa langue maternelle tout en n'obtenant l'interprétation des débats que dans un nombre limité de langues de travail, devrait faire l'objet d'une expérimentation puis d'une évaluation qui permettrait d'envisager, sous réserve d'un consensus, la généralisation de ce régime.

7. Suggère une harmonisation des régimes linguistiques des agences de l'Union européenne et des organismes communautaires, fondée sur un nombre limité de langues de travail.

II. En ce qui concerne les atteintes au principe de plurilinguisme au sein de l'Union européenne :

8. Rappelle que la publication d'appels d'offres et d'annonces de recrutement en seule langue anglaise devrait être proscrite, car contraire au principe de non-discrimination linguistique et considère qu'au minimum, ces publications devraient se faire dans un nombre restreint de langues
officielles ;

9. Appelle à un signalement systématique des infractions linguistiques commises par les institutions et organismes communautaires, en violation de leurs obligations ;

10. Propose que les sites internet des institutions et organismes communautaires soient soumis au respect d'une «charte linguistique» prohibant notamment la mise en ligne d'informations dans une seule langue, comme c'est actuellement le cas sur le site de la Banque centrale européenne.

III. En ce qui concerne la politique engagée en faveur du français dans les institutions européennes :

11. Considère que la promotion de la langue française suppose en premier lieu que les fonctionnaires français à l'étranger utilisent exclusivement leur propre langue, comme l'exige la circulaire du Premier ministre du 14 février 2003 sur l'emploi de la langue française ;

12. Estime que la promotion du français dans les institutions européennes nécessiterait une meilleure coordination entre les services administratifs concernés, dans une perspective interministérielle, et souhaite qu'une réforme du ministère des affaires étrangères favorise les synergies possibles ;

13. Se félicite des actions de formation en français des fonctionnaires des pays membres et des pays candidats, qu'il faut encourager et soutenir financièrement. À cet effet, la création, à Strasbourg, d'un pôle de préparation aux concours des institutions de l'Union européenne, élargie à la formation continue des fonctionnaires européens, devrait être expertisée par le Comité de pilotage chargé de définir une stratégie de long terme pour la valorisation de la ville de Strasbourg comme capitale européenne ;

14. Suggère que la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne s'engage à suivre l'évolution des pratiques linguistiques dans les institutions européennes en publiant un rapport d'information annuel qui dresse notamment un bilan des pratiques constatées et des actions engagées.

IV. En ce qui concerne l'apprentissage des langues étrangères :

15. Recommande que l'enseignement obligatoire de deux langues étrangères devienne la norme dans l'Union européenne élargie, tandis que l'apprentissage des nouvelles langues de l'Union devrait être favorisé dans les systèmes éducatifs européens.

V. En ce qui concerne la réforme du statut des fonctionnaires européens (E 2024) et l'organisation des concours de recrutement :

16. Se félicite du compromis obtenu le 19 mai 2003 qui prévoit que les fonctionnaires recrutés après l'entrée en vigueur du nouveau statut devront, pour être promus au grade immédiatement supérieur au grade d'entrée en fonction, apporter la preuve de leur maîtrise d'une seconde langue étrangère autre que leur langue maternelle ;

17. Veillera à ce que la Commission inscrive cette disposition dans la proposition modifiée de réforme du statut qu'elle présentera à l'automne, et prévoie une procédure d'évaluation des compétences linguistiques fondée sur des critères d'objectivité et de transparence ;

18. Réserve son examen sur les autres dispositions de la réforme du statut des fonctionnaires européens, dans l'attente d'informations complémentaires ;

19. Propose que l'organisation en trois langues de tests de présélection pour le recrutement d'auxiliaires issus des futurs États membres soit étendue, à titre expérimental, à l'ensemble des concours organisés par l'Union européenne.

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Renato Corsetti, Universita' di Roma "La Sapienza", Facolta' Psicologia 1
- renato.corsetti@uniroma1.it




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