Sujet : Accents sur les majuscules des sigles et façon de penser anglo-saxonne !
Date : 14/09/2003
De : Jacques Melot (courriel : jacques.melot(chez)isholf.is) Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"


Le 13-09-03,  nous recevions de Pierre VINET :

Le très controversé accent grave sur le logo de l'UQUÀM (Université du Québec à Montréal) : http : //www.uqam.ca/  ... que n'a pas repris l'Université du Québec à Rimouski : http : //www.uqar.quebec.ca/

Ni d'ailleurs l'UQAC : l'Université du Québec à Chicoutimi.

Mais il est possible qu'à Montréal, ville comptant une très forte proportion d'anglophones, des considérations de nature politique aient motivées le choix de l'accent grave sur le « a ».

Pierre Vinet


M. Jacques Melot répond :

L'accentuation systématique des capitales, en dehors de tout ce qu'elle a de justifiable et justifié, lorsqu'elle se transforme en croisade, de même que l'usage des noms de pays, de villes et de peuples dans la langue d'origine, la féminisation militante du langage, etc., est symptomatique du besoin de précision, d'ordre et de pureté imprégnant l'esprit puritain anglo-saxon, un besoin compulsif qui en constitue l'une des caractéristiques les plus essentielles.

Cet état d'esprit déteint de manière naturelle sur les francophones canadiens, à commencer dans les universités, du fait du brassage et de l'usage de l'anglais et des mentalités qu'il véhicule, puis descend dans la population qui, peu à peu, modifie ses usages et, ce qui est infiniment plus grave, ses critères de pensée. Pour moi, il ne fait désormais aucun doute qu'un francophone canadien sera tôt ou tard un anglo-saxon parlant français, préliminaire d'une assimilation totale rapide et inéluctable. C'est d'ailleurs ce que l'on observe depuis longtemps dans certains milieux. La modification des critères de pensée se fait toujours subrepticement, inconsciemment, et c'est le plus parfait cheval de Troie que l'on puisse imaginer.

Le Canada français est condamné à la disparition et, derrière ses remparts, il s'effondrera là où on s'y attend le moins : de l'intérieur.

 La situation de la France n'est guère meilleure, si même elle n'est pas pire.


  

Le 14-09-03, nous recevions de Pierre VINET :

Soyons clairs : les Québécois ont « décidé » (ou plutôt, « on » a décidé pour eux - puisqu'il s'agit d'une norme gouvernementale) d'accentuer toutes les capitales, y compris dans les sigles.

 Quelle étrange vue de l'esprit.

Le gouvernement n'a rien décidé pour nous. Il a choisi d'accentuer  les capitales dans ses publications et en a fait une norme pour ses services. Un point c'est tout.

 Y aura-t-il un effet d'entraînement ? Qu'en sait-on ?

On verra bien, argument qui vous est cher, dans quel sens «évoluera» la langue, n'est-ce pas ?

 

 Pierre Vinet


M. Jacques Melot répond :

En fait, il s'agit de la transposition au Québec de ce qui se passe en France concernant «Mél.» : dans l'ensemble le public est persuadé qu'il s'agit d'un terme officiel imposé à tous par l'État, alors qu'il ne s'agit que d'une recommandation applicable dans l'administration, et ce, qui plus est, uniquement en parallèle avec le symbole «Tél.»,  généralement à la fin d'une lettre, après l'indication de l'adresse postale. Jamais il n'a été question de mot nouveau !

Il est remarquable que cela se produise et plus encore que les Français suivent dans une proportion notable ce qu'ils croient être une norme.  Remarquable, parce que cela prouve tout simplement, malgré les protestations de certains et l'effet déroutant qu'elles ont indubitablement, que si l'État - ou tout autre autorité - prend une décision concernant la langue, celle-ci est suivi d'effet ! Une politique de la langue n'est donc pas par nature dérisoire ou illusoire.

Jacques Melot

 

 

Le 15-09-03, nous recevions d' Alain LaBonté :

Que le Canada français soit condamné à disparaître, j'espère que non (pas plus que j'espère que la Francophonie soit elle-même appelée à disparaître), mais je suis tout à fait d'accord avec le raisonnement de Jacques... La façon de penser de certains francophones canadiens est déjà anglo-saxonne, et pas uniquement de manière inconsciente (il y a des militants qui se disent « Américains parlant français » -- ce sont les pires).  Mais le mot « certains » n'est pas synonyme de « tous », loin de là, car le Québec est un peuple qui est aussi tourné vers la Francophonie avant d'être tourné vers le monde anglo-saxon !

N'oublions pas qu'il a vécu de force en autarcie (grandement protégé culturellement et linguistiquement par une religion qui n'est presque plus pratiquée [fait qui, qu'on le veuille ou non, est un grand facteur d'acculturation anglo-saxonne, mais pas inéluctable]) pendant deux siècles, avec son propre code civil et ses propres institutions, françaises d'origine, et qu'il perpétue ces institutions.

Cela étant, le Canada français n'est pas le Québec (le « Canada-hors-Québec » n'a pas de code civil, par exemple, mais vit sous le régime de la « common law » anglo-saxonne,  et ses francophones travaillent presque tous exclusivement en anglais, contrairement à ce qui se passe au Québec). Montréal n'est pas le Québec non plus, bien que c'est de loin la principale ville du Québec, sa métropole. Sauf qu'à cause de deux siècles de passé colonial qui se perpétue en grande partie dans les institutions fédérales -- dont le bilinguisme tente de noyer de jour en jour le français pendant que l'État du Québec joue au sauveteur, -- l'anglais, qui est le fait de 10 % de sa population et des 30 % d'allophones qui privilégient cette langue malgré la langue officielle du Québec [qui est le français depuis 1977], est « plus égal » que le français, et que même les francophones y vivent en état d'infériorité psychologique, ce qui déteint sur leur façon de pensée. Et le reste du Québec n'en est malheureusement pas encore assez conscient. Le reste du Québec est à 90 % francophone, et les deux-tiers de sa population au moins est purement unilingue française, sans contacts avec la culture anglo-saxonne, qui l'ignore complètement (et c'est réciproque, pas par haine, mais par le simple fait que la culture québécoise est très forte, et en fait de plus en plus forte, par sa production cinématographique, télévisuelle, littéraire et même internautique).

 

Alain LaBonté (alb@iquebec.com)
Québec (ville de)
[ne pas confondre avec le Québec dont elle est la capitale.
Le Québec a un territoire qui fait trois fois la France, et passablement plus de deux fois le Texas, le plus grand État des États-Unis d'Amérique, mais Québec, la 2e ville du Québec, a une population du quart seulement de celle de Montréal]