Sujet :  Dérives langagières 
Date : 30/05/2007
De : Jean-Pierre Busnel   (courriel : contact(chez)iab.com.fr)     Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"

 

J'avoue bien humblement que je ne connaissais pas le "sandball", jusqu'à ce qu'une affiche vue récemment dans une grande surface de la périphérie de Rennes ne m'apprenne son existence (voir, en pièce jointe, celle d'une manifestation récente parrainée par le conseil général d'Ille-et-Vilaine, par la municipalité rennaise et par diverses sociétés commerciales). Renseignements pris, il s'agit d'un sport collectif, lancé il y a une dizaine d'années, dérivé du handball, qui se joue sur une plage ou sur un terrain de sable. D'où son nom. Il oppose deux équipes de quatre joueurs et se pratique avec une balle
semblable à celle du handball.

On sait que le mot handball, contrairement à ce que beaucoup croient, n'est pas d'origine anglaise, mais allemande. Il est formé des mots hand (la main) et ball (la balle, mot prononcé comme en français). "Sandball" se prononce également à l'allemande.
 

 

 

Dans l'étrange injonction ci-jointe, "sandballez", qui s'adressait ici aux enfants des écoles de la région rennaise et qui semble d'ailleurs d'usage courant dans cette activité ludique, il y aurait donc à la fois de l'anglais (sand), de l'allemand (ball) et quelque chose qui fait tout de même penser au français avec le suffixe "ez". C'est beaucoup pour un seul mot, même composé. Les "créatifs" de la publicité et de la communication commerciale adorent le cosmopolitisme linguistique (tout en veillant bien à faire désormais le moins de place possible au français). Ils s'en donnent à coeur joie, sans plus se soucier des règles de la morphologie et de la syntaxe, c'est-à-dire de la grammaire en général, que si elles n'existaient pas. Compte tenu des énormes moyens financiers de publication dont disposent les appareils commerciaux (on observe, par exemple, actuellement, un développement rapide du nombre de ce qu'ils appellent les "gratuits"), compte tenu de l'envahissement de l'espace public par des annonces commerciales ou promotionnelles de ce genre, on en déduira que ladite grammaire est en bien mauvaise posture. Tout comme l'école qui a encore, en principe, pour mission de l'enseigner ...
 

 

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J'évoquais récemment, à propos de l'étrange mot "sandballez", les périls que faisaient courir à la grammaire et à la syntaxe les "créatifs" de la publicité et de la communication commerciale. Il en va bien entendu de même pour l'orthographe.

L'exemple ci-joint, parmi une foule d'autres, en est une parfaite illustration. Il s'agit du titre d'un magazine mensuel gratuit, réalisé par la régie publicitaire du quotidien Ouest-France, qui porte le nom de "Rennes DiverCité". Il est tiré à 83 000 exemplaires. Des fantaisies linguistiques de ce genre pullulent par les temps qui courent et bénéficient toujours de tirages massifs, à la hauteur des énormes moyens financiers dont disposent les appareils marchands.
 

 

 

Ce n'est certainement pas seulement par la déferlante obsession anglomaniaque que la prose commerciale ébranle un peu plus chaque jour les fondements de la langue française. On voit bien, ici, combien cette déformation de l'orthographe du mot "diversité", à des fins purement commerciales, est de nature à introduire la confusion dans les esprits, qui n'avaient vraiment pas besoin de cela, en particulier les plus jeunes d'entre eux (tout cela se faisant évidemment par dessus la tête des enseignants). Ce qui est (probablement encore) une faute d'orthographe pour les élèves des écoles est certainement considéré comme une brillante trouvaille dans le monde de la "pub" (pour laquelle lesdits élèves constituent toujours une cible privilégiée de consommateurs et de prescripteurs).

On voit parfois, affichée sur les vitrines des boutiques, la mention "Tout doit disparaître". Tel est bien, en somme, le leitmotiv de l'action commerciale. Tout ce qui n'est plus neuf, tout ce qui n'est plus "jeune", "moderne", ou n'est plus à la mode, doit bien vite disparaître, être liquidé et faire place à ce qui est nouveau, qui n'existait pas hier et qui, déjà, n'attend que d'être vendu à son tour.

Entre l'envahissante prose commerciale, succession colorée et richement présentée d'images et de jeux de mots faciles pour publics non moins faciles (avec, toujours, une prédilection marquée pour celui des adolescents), conçue pour intriguer, pour amuser, pour plaire, pour créer un climat de sympathie propice à la vente, et les malheureux dictionnaires de la langue française, catalogues plus ou moins rébarbatifs et figés de règles complexes et anciennes, associés aux
contraintes et rigueurs de l'école, la lutte risque fort de devenir de plus en plus inégale ...



Jean-Pierre Busnel
Président de l'Institut André Busnel
contact@iab.com.fr