La société "C & A", "spécialiste européen de l'habillement" selon ses propres dires, a été fondée en 1841 (année de la naissance de Georges Clemenceau), aux Pays-Bas, par les frères Clemens et August Brenninkmeyer (d'où sa raison sociale dont pratiquement personne, au moins en France, ne connaît la signification). Elle compte aujourd'hui 865 magasins dans 15 pays européens, dont près de 300 en Allemagne. Son siège est à Bruxelles. Pendant sa campagne commerciale du 26 avril au 12 mai, les clients de ses cent magasins en France auront eu le privilège de bénéficier de "crazy prices" (voir la photo en pièce jointe). Beaucoup d'entre eux ne savent pas ce que cela veut dire, mais peu importe. Les services commerciaux en ont décidé ainsi.
Ce recours à l'anglais est d'autant plus intéressant à noter ici, d'autant plus insolite, que strictement rien ne le justifie puisque la société en question n'a pas la moindre origine anglo-saxonne et que même, sauf erreur de ma part, elle n'a pas un seul magasin en pays anglophone. Cette anglomanie forcenée qui s'est emparée des milieux d'affaires, ce rejet, ce mépris de toutes les autres langues nationales ont décidément beaucoup à voir avec l'affaiblissement considérable des États consécutif au double essor contemporain de la mondialisation et du néolibéralisme, phénomène sensiblement amplifié, en France et dans les vingt-six autres pays membres de l'UE, par la construction européenne.
Comme l'a bien noté Thierry Maulnier, il y a déjà de nombreuses années,
"le libéralisme n'est pas autre chose que la revendication de la liberté
pour les nouvelles formes de puissance qui naissent en face de l'État
et pour les hommes qui les manient". Parmi les libertés revendiquées
aujourd'hui par les entreprises, à l'heure de la globalisation, figure
donc, parmi bien d'autres mais en très bon rang, celle d'imposer, petit
à petit, à leurs salariés, clients et prospects, et par là à l'ensemble
du corps social, la langue unique de leur choix, celle des affaires,
l'anglais. Profitant du recul général du pouvoir politique et de la
grande vogue actuelle de la doctrine néolibérale, elles pensent tirer de
ce monolinguisme forcé, affublé par elles des habits de la modernité et
du progressisme pour le faire accepter plus aisément, divers avantages
financiers substantiels par l'unification des marchés. Qu'il puisse
s'agir, en même temps, d'une régression culturelle majeure leur importe
peu, puisque celle-ci ne se voit pas dans leurs comptes. En réalité, ce
que semblent souhaiter ces
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