Sujet : University of Geneva, non merci !
Date : 23/03/2008
De : Quin.Be   (courriel : afrav(chez)alicedsl.fr)   Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"
 

Ce texte très intéressant nous vient d'un blogue d'un biologiste suisse romand (http://alanganey.blog.tdg.ch//&page=3)

 

The University of Geneva : non merci !

 

    Genève, ville internationale, se doit d'avoir une université internationale, tant par son niveau de recherche et d'enseignement que par l'ouverture dans le recrutement de ses étudiants et de ses enseignants ; ce qui est largement le cas. Toutefois, la responsabilité de notre Alma Mater dans la formation des élites locales et suisses exige aussi le respect de la culture et des contribuables locaux et confédérés. Ce respect se perd souvent, en particulier dans les sections de biologie et médecine. Comme à l'université de Lausanne, beaucoup de cours avancés et la plupart des séminaires de biologie sont donnés en anglais, y compris par les enseignants francophones, comme la quasi-totalité des séminaires de recherche. Les nouveaux enseignants anglophones s'engagent pourtant, comme tous les étrangers et confédérés, à avoir, dans un délai d'un an, une maîtrise suffisante de la langue locale pour donner des enseignements de base en français. Pourtant, certains savent à peine dire bonjour ou merci après dix ou vingt ans sur place. Cela alors que les confédérés ou les Russes, pour ne prendre que deux exemples, respectent, pour la plupart, ce contrat. Dans les réunions administratives obligatoires francophones, un nombre croissant de muets s'ennuient, lisent ou tapent tout autre chose sur leur clavier, se faisant traduire un résumé par un voisin ou se faisant accompagner par un interprète quand ils ont quelque chose d'incontournable à dire.

Bien sûr certains lecteurs sont déjà en train de gloser sur cette défense ringarde d'une langue dans laquelle ne se publie plus qu'une partie infime de la recherche signifiante en biologie, où l'anglais représente 98% de la science occidentale (pour eux, chinois, japonais, russes et autres, latinophones en particulier, n'existent pas !). Cela, bien sûr, si on limite la science à ce qui est publié par un étroit marché de l'édition, totalement contrôlé par des lobbies anglo-saxons maffieux et déloyaux (on lira avec intérêt le dossier de Campus, mensuel de l'université, qui évoquait, avec beaucoup de tact, une situation scandaleuse). Gouvernements et organismes nationaux financent généreusement la recherche, mais acceptent sans ciller que le produit de celle-ci soit unilatéralement exploité par très peu de sociétés privées ou académiques anglo-saxonnes où le copinage anglophone, la potentialité de scoops, justifiés ou non, et des coûts de publication aberrants sont les règles premières dans la sélection de la « vraie science ». Avec comme résultat un certain nombre de perles historiques comme la fusion à froid, la mémoire de l'eau, l'Ève africaine, le gène de l'homosexualité et tant d'autres stupidités qui feront s'esclaffer les historiens des sciences du futur... Comme le soulignait Campus, le développement de publications électroniques plus accessibles, plus contrôlées sur la correction de leurs contenus ou méthodes, et moins sensibles au désir de scoops permet d'espérer un changement de cet état aberrant de la valorisation du produit de la science.

Dans le droit- fil de cette MacDonaldisation de la science, certains voudraient que tous les cours de biologie soient donnés en anglais, que les résumés de thèses d'une page en français ne soient plus obligatoires pour les thèses de l'université de Genève rédigées en anglais, et que l'on ne recrute plus que des stars anglophones comme profs de biologie ou de médecine. Merci pour les nombreux étudiants qui se destinent à l'enseignement secondaire ou au journalisme par exemple, qui ne connaîtront plus leur matière qu'en anglais, pour ceux qui n'ont pas l'intention d'émigrer dans des pays ou des compagnies anglophones, ou pour les Tessinois parlant leur langue, vivant en partie en italien, scolarisés en allemand et venus à Genève pour la proximité linguistique. Ils seront ravis quand on leur apprendra que la biologie, c'est seulement en anglais !

Mais le pire de cette histoire, c'est la volonté de vouloir recruter au prix fort des enseignants anglo-saxons que l'on fait passer pour des vedettes à partir de curriculums médiocres ou surévalués. Quarante ans d'expérience ont pourtant montré que beaucoup d'Anglo-Saxons recrutés à grand frais, qui étaient souvent bons, sont repartis très vite - certains ne sont même pas venus ! - après avoir obtenu les mêmes conditions ou mieux dans un pays anglophone. Genève leur a juste servi de marchepied à ses frais... Quant à ceux qui sont restés, à part de très rares francophiles, c'étaient souvent parce que trop mauvais pour être pris chez eux ou dans un autre pays anglophone. L'université de Genève a recruté beaucoup de biologistes prestigieux et primés internationalement ces dernières années pour des travaux remarquables. La plupart sont francophones, confédérés, européens et très peu anglo-saxons. Par contre, les Anglo-Saxons incompétents et aigris représentent une part non négligeable de nos erreurs de recrutement.

Il est bien clair qu'un chercheur en biologie, aujourd'hui, doit savoir lire, écrire et si possible penser en anglais. Par contre, cette exigence est totalement injustifiée pour des enseignants du secondaire, des médecins ou des techniciens qui exerceront, pour la plupart, en milieu non anglophone. Comme les futurs chercheurs ne constituent qu'une très petite minorité des étudiants et passeront, de toute façon, par l'anglais, il est totalement aberrant de vouloir imposer ce dernier comme langue véhiculaire à l'université pour le seul bénéfice de quelques collègues, souvent médiocres, qui ne tiennent pas leurs engagements.

Au contraire, l'expérience montre que penser la biologie dans d'autres langues permet souvent d'échapper aux biais idéologiques des cultures anglophones, en particulier en matière de génétique ou d'apologie frénétique de la compétition. Les Anglo-Saxons sont les premiers à nous montrer l'avantage considérable qu'il y a, pour l'enseignant comme pour les étudiants, à travailler dans sa culture, dans de bonnes conditions psychologiques et matérielles, et avec une bonne connaissance de la culture de ceux à qui l'on enseigne. Il serait scandaleux que les francophones ne puissent bénéficier, au moins en grande partie, des mêmes avantages à l'université de Genève.
 

 

Source : http://alanganey.blog.tdg.ch//&page=3

 

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