Sujet : Brevet européen en anglais seulement !
Date : 24/08/2003
De :  Germain Pirlot  (gepir.apro@pandora.be)



L'urgence est plus grande encore que nous ne le pensions. Un ami me communique un article de "L'Express" daté du 31 juillet 2003, et signé Alice Tillier, selon lequel les multinationales reprennent leur "lobbying" forcené, relayé, en France, par les services du Secrétariat d'État à l'Industrie (!), pour faire passer en force le "brevet communautaire" qui établirait le "tout anglais" en Europe.
Les arguments fournis ne tiennent pas. Les langues nationales ne sont évidemment pas une "Babel" superflue. Le coût des traductions (supporté par les déposants qui, après tout, y trouvent leur compte) est très, très inférieur à ce qui est avancé, et en tous cas très inférieur à celui des redevances annuelles nécessaires pour maintenir la valeur du brevet.
En outre, il est faux de dire que la perspective des traductions fait reculer les petits inventeurs. D'abord parce qu'ils sont aidés (par des organismes comme l'ANVAR en France), et ensuite parce que la traduction n'est nécessaire qu'au bout du "délai de priorité", au bout duquel on voit bien si l'invention a ou non un intérêt économique.
Il faut ajouter que, "grâce" aux efforts de l'Office Européen des Brevets, les critères de brevétabilité ont été fortement revus à la baisse, ce qui n'est pas innocent. Il s'agit bien de mettre l'Europe et le monde en
coupe réglée, corsetés par des textes qui, il faut le comprendre, ont force de loi, s'opposent aux tiers, et sont des monopoles octroyés par des États, seules entités ayant une légitimité démocratique (alors que la "gouvernance" des multinationales cache mal d'invraisemblables tyrannies...)
Le budget traduction n'est important (et encore) que pour les multinationales qui font du brevet un élément de stratégie invasive, et qui, par l'imposition du "tout anglais", veulent introduire un flou dans lequel elles seront seules à pouvoir naviguer (elles seules pouvant se payer les armadas d'avocats nécessaires)...
Un exemple d'imprécision de l'anglais (construction par simple juxtaposition - moyen "tactique" seul employé) :


- "amine oxidation inhibitor" = inhibiteur d'oxydation (qui est une) amine ;
- "acid binding agent" = agent fixateur d'acide (qui est une base).


Il s'agit en réalité d'une manoeuvre pour établir un monopole des grandes multinationales et pour écraser les PME sur leur propre marché. Les multinationales déposent un grand nombre de brevets "bidon" ou "duplicata", d'une part pour noyer le poisson et pour cacher l'information importante sous une avalanche de données, et d'autre part pour racketter les petits entrepreneurs. Ceci fait apparaître artificiellement un fort déficit de la balance des brevets et la "fine équipe" du Secrétariat d'État français à l'Industrie en déduit (naïvement ?) que la cause de ce déficit est l'abominable coût des traductions !!! Médias et gouvernements, aveugles ou stipendiés, croient sans réserve à ce conte de fées !!!
Et, naturellement, derrière la langue, il y a le droit. Le projet de "brevet communautaire" actuellement mis en avant est pire encore que le Protocole de Londres sur le brevet européen (qui n'a pas, heureusement, été ratifié par la France !) : il organise une capitulation non seulement linguistique, mais juridictionnelle, entre les mains d'une Cour unique, sise à Luxembourg, qui statuerait dans une "langue facilement compréhensible" (laquelle, à votre avis ?)
En France, la "fine équipe" de l'Industrie poursuit son travail de sape, en-dehors de tout débat démocratique, les questions linguistiques étant considérées, par cette clique de technocrates irresponsables, comme secondaires, "archaïques", etc. L'idée d'une solidarité avec les autres langues latines, par exemple, ne les effleure même pas.
Selon l'article de "L'Express" cité : "Le projet de brevet unique, approuvé par les chefs d'État en mars, est actuellement discuté dans des groupes techniques à Bruxelles. Puis il repassera devant le Conseil des ministres, où il devra être adopté à l'unanimité. Là réside le dernier espoir de Dupont-Aignan [député français qui nous soutient, fondateur de "Debout la République"]. S'il réussit à faire valoir ses arguments auprès de Jean-Pierre Raffarin, qui l'a gentiment rabroué à l'Assemblée nationale, il y a quelques semaines, le traitant d' "archaïque"...
Il s'agirait évidemment, sous couvert de "réforme", d'un abandon de la langue française, inouï depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539.

 CE SERAIT, LÀ, CRÉER UN PRÉCÉDENT EXTRÊMEMENT DANGEREUX POUR

LA SURVIE DE TOUTE AUTRE LANGUE QUE L'ANGLAIS.

Et la France est le pays clé dans cette affaire cruciale. Les autres pays latins ont du mal à comprendre cet abandon soudain (je me souviens d'un négociateur espagnol, M. Duran, qui n'en revenait pas !). Peut-être certains Allemands pensent-ils tirer leur épingle du jeu grâce à la présence à Munich de l'Office Européen des Brevets. C'est là un fort mauvais calcul.
Ci-joint quelques documents exposant notre argumentaire dans différentes langues.
Il s'agit, au fond, d'instaurer une "Europe" qui ne serait qu'un débouché docile pour la production des multinationales. De faire passer l'administration des choses avant le gouvernement des hommes. Ce qui est un bonne définition de la barbarie.

Nous devons les arrêter MAINTENANT.



Denis Griesmar