Sujet :

La Francophonie en face de ses défis

Date :

19/03/2008

Envoi d'Aleks Kadar  (courriel : aleks.kadar(chez)free.fr)     

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Si les élites françaises sont les premières à sacrifier leur langue, comment espérer séduire les élites des autres pays ?

AK

 

 

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La France peut-elle encore parler au monde ?

Par Olivier Poivre d'Arvor, écrivain, directeur de "Culturesfrance".

Les faits sont connus comme la victime trop bien désignée. La langue française, malgré son admirable histoire et sa qualité intrinsèque, n'est plus, loin de là, la langue du monde. Très largement supplanté par l'anglais, le français a de sérieux soucis à se faire. L'arabe, le mandarin, l'espagnol sont ou vont devenir des langues « internationales ». Les effets de la globalisation, la simplification des codes, l'abondante concurrence des langues, à commencer par l'Europe, la place plus modeste qu'auparavant de la France dans le concert des nations du monde, autant de raisons qui expliquent la perte croissante d'influence de notre langue, y compris dans les organisations internationales.

En dix ans, le nombre de documents initialement rédigés en français à la Commission européenne est ainsi passé de 40 à 14 % tandis que l'anglais a progressé de 45 à 75 %. Face à cette érosion que confirment tant d'autres chiffres, la mauvaise foi est regrettable. Prétendre que l'apprentissage du français se développe dans le monde, sans tenir compte du facteur démographique, laisser croire que nos télévisions sont très regardées sur la planète, alors qu'elles sont actuellement largement invisibles, nier le fait que sur Internet la bataille est gagnée par la culture anglo-saxonne, agiter les bons chiffres de la francophonie, alors qu'elle est bien souvent le décor en carton-pâte d'un film institutionnel tourné, vieux caciques à l'appui, dans un studio hexagonal à l'usage de nos anciennes colonies, nous voilà bien avancés !

De quoi se satisfaire, mais surtout comment construire ? Comme le démontre cette année encore avec talent la Semaine de la langue française, le français se porte bien en France. De nombreux pays se font du souci chez eux pour la pratique de leur propre langue, soit par effet du multilinguisme, soit parce qu'une autre langue, l'anglais souvent, s'impose, économiquement et culturellement. La langue française, malgré ses limites, reste également une langue mondiale, parlée sur les cinq continents.

Mais plus encore, le désir de langue française n'est pas mort. Il est essentiellement entretenu dans le monde pour des raisons « culturelles » : 80 millions d'étrangers viennent en France chaque année pour nos monuments, nos musées, nos architectures contemporaines, nos festivals, nos paysages, notre littoral comme notre environnement naturel, nos villes et nos régions, notre capitale, Paris, nos traditions, notre inventivité, notre bouillonnement artistique et intellectuel, notre art de vivre qui mêle mode et gastronomie.

Cassandre de tout poil, déclinologues, fanfarons se disputent stérilement depuis des années le sujet. Les responsabilités sont claires. C'est à la puissance publique, dans un premier temps, de réagir. Elle l'a peu ou mal fait ces dernières décennies. Alors même que le cinéma français a été sauvé dans les années 1980 par un plan de soutien efficace, le développement de la langue française dans le monde mérite que la nation y consacre des moyens et de l'ambition.

Il faut mettre en place un plan qui ne sera pas calqué sur les contours de l'ancien empire colonial, francophone ou sur ceux du monde entier, mais qui pariera sur des pays cibles, qui entraîneraient les autres : les États-Unis où, loin derrière l'espagnol, le français peut trouver une place, le Royaume-Uni où nous sommes la première langue étrangère, le Brésil dont le poids sur la scène internationale est grandissant, l'Amérique latine plus généralement où nous ne sommes pas assez présents alors que nous y sommes attendus, l'Afrique du Sud et le Nigeria en raison de leurs poids politique et économique et leur anglophonie, la Russie et la Turquie qui sont aux marches de l'Europe, mais sont très liées à nous… La Chine, l'Inde, voilà enfin deux « marchés » nouveaux, essentiels, largement aussi stratégiques que le pré carré francophone ! Quand les élites de ces pays parleront de nouveau français, le reste du monde s'y mettra, par pragmatisme, effet de mode, mimétisme.

Il ne faut pas avoir peur, comme trop souvent en France, du mot « élite ». Le français se défendra bien s'il est fortement défendu dans le monde entier par des réseaux d'élite.

Ces élites, il faut aller les chercher. Accueillir, comme boursiers, de jeunes étudiants en France et dans les pays francophones, créer un véritable Erasmus de la langue française.

Reste à résoudre un ultime obstacle. La démission des élites françaises quant à la cause de la langue. Pourquoi nos dirigeants politiques, qui interviennent sur une foultitude de sujets et souvent sur des bien moindres, n'ont-ils jamais lancé un plan pour le rayonnement de notre langue dans le monde ? C'est peu d'argent public, mais pourtant beaucoup de profit pour notre image, notre rayonnement.

Voilà bien une sacrée cause nationale. Demain peut-être, un président de la République, car c'est à son niveau que cela se joue, résoudra cette simple équation par un plan de reconquête aussi stratégique que créatif et vigoureux : comment la France peut-elle encore parler au monde, si le monde ne parle plus sa langue ?

 

Source : lefigaro.fr, le 18 mars 2008

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http://www.lefigaro.fr/debats/2008/03/17/01005-20080317ARTFIG00801-la-france-peut-elle-encore-parler-au-monde-.php

 

 

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COMMENTAIRES :

Le 19/03/2008
Italo : Oui, toujours avec son histoire, ses chansons, sa littérature, sa cuisine, ses grands hommes, ses monuments, ses villages et .....tout son patrimoine humain et culturel.

 

Le 19/03/2008
Louis Riel :

Je ne vois pas bien le rapport entre le français et le suédois. Le suédois n'est parlé qu'en Suède et éventuellement en Finlande. Le français est parlé par 400 millions de personnes, il est langue officielle d'une quarantaine de pays et appris en tant que langue étrangère dans l'intégralité des pays du monde. Quelle image donnerions-nous aux pays francophones ou francophiles si nous nous mettions à être un pseudo pays anglo-saxon ?

 

Le 20/03/2008
Marc :

Ayant séjourné en France, avec grand plaisir, à plusieurs reprises, je n'en reviens jamais d'entendre autant d'anglicismes inutiles. Pourquoi dire challenge plutôt que défi. Nominé plutôt que mis en nomination. Sponsor plutôt que commanditaire. Permafrost au lieu de pergélisol. La radio, je n'ai jamais entendu autant de chansons en anglais qu'en France. Je me risque à dire que certains français parlent mal leur belle langue et utilisent le franglais par snobisme. D'autre part, certains québécois en font autant par ignorance. Dans les deux cas, cela se traite. Fierté et volonté

 

Le 27/03/2008
Sophie :

Dirait-on que l'anglais est le nouvel espagnol ou l'italien le nouveau russe, etc. ? Non, et pourtant en surnommant l'anglais « nouvel espéranto », c'est pareil ! L'espéranto n'est pas un concept, c'est une langue à part entière, mais une langue qui n'est pas langue officielle d'un pays, donc qui ne favorise ni ne défavorise personne ! Et qui est facile à apprendre et à prononcer ! Donc, respect, merci ! N'oubliez pas, messieurs les anglo-béats, que celui qui domine impose sa langue (vite au chinois !). C'est inadmissible, pourquoi les uns auraient toujours l'avantage de leur langue maternelle avec l'économie d'efforts de l'apprentissage et la récolte des efforts payants des autres (18 milliards d'euros par an pour la Grande-Bretagne). Si ça plait à certains, en tout cas, moi ça me dégoûte totalement ! Et arrêtez d'admirer ces pays nordiques qui parlent si bien l'anglais, oh oui, mais au prix de leurs langues, langues qui ne servent plus à grand chose, langues qui n'inventent plus de mots pour désigner les nouvelles technologies, langues qui meurent petit à petit !

 

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