Les candidats aux ministères ont mis l’anglais dans leurs CV
Le drapeau britannique à l’arrière d’un rétroviseur
L’anglais, c’est maintenant ! Le bal des ministrables bat son plein et les prétendants tentent de faire mousser leurs CV. Ancrage local, expérience ministérielle, mise en musique de réformes difficiles… Classique. Mais une nouvelle compétence s’est discrètement invitée dans la danse : la maîtrise d’une langue étrangère.
Jean-Marc Ayrault, favori dans la course à Matignon, se targue de parler un allemand courant (il l’a même enseigné) ? Pas question d’être en reste pour ses camarades qui s’empressent aussitôt d’exhiber – quand ils le peuvent – leur maîtrise de la langue anglaise.
Pierre Moscovici, en embuscade pour le poste de ministre des Affaires étrangères, voire de Premier ministre, a ainsi surpris son monde en répondant en anglais, et à la volée, aux journalistes internationaux qui l’interrogeaient lors d’une conférence de presse le 7 mai dernier.
Thomas Wieder, qui couvre la politique pour Le Monde, en est resté "tweet-bée". (wieder@lemonde.fr) :
Pierre Moscovici fait en partie sa conférence de presse en anglais. C'est à ce genre de détails qu'on remarque qu'on a changé d'ère...
Aucune surprise en revanche chez Luc Rouban, chercheur au Cevipof, qui travaille sur le renouvellement des élites françaises :
Il n’est pas inutile de baragouiner une langue étrangère lorsqu’il s’agit d’arracher à "Frau" Merkel la refonte du traité de stabilité budgétaire ou de faire avaler au président Obama le retrait anticipé des troupes françaises d’Afghanistan. D’autant que l’agenda international des prochaines semaines, entre l’Europe, le G8 ou le sommet de l’Otan, s’annonce chargé.
"In the pocket"
Mais ce soudain "show-off" linguistique illustre aussi l’évolution des élites françaises. Les générations qui s’apprêtent à peupler les cabinets ont souvent vécu un temps à l’étranger. Exemple : Emmanuel Macron, étoile montante en Hollandie, qui a passé un mois à Cambridge avant d’entrer à l’ENA.
Alors fini les « ze » hésitants, les sourires amusés des correspondants étrangers, les "sorry for the time" pour déplorer la pluie ? Encore quelques hésitations chez les éléphants qui, parfois, se trompent énormément. Mais François Hollande lui-même n’hésite plus à s’exprimer en anglais devant les caméras de la BBC. Normal.
Aucun doute, un tournant linguistique est en train d’avoir lieu sur la scène politique. Luc Rouban décrypte :
"Do you speak Globish ?"
On peut aussi s’inquiéter de cette poussé de "globish", comme dirait Jean-Luc Mélenchon. Luc Rouban concède :
Alors, la coupure entre le peuple, perdue dans la mondialisation, et ses élites, qui en maîtrisent les codes, est-elle amenée à s’accroître ? Laurent Bouvet, ami d’Emmanuel Macron et auteur du « Sens du peuple », dans lequel il appelle le nouveau Président à gouverner à gauche, nuance :
Pour les ministrables de l’ancienne génération, c’est plutôt cours d’anglais que "Friends" sur YouTube. Martine Aubry se débrouille « comme tout le mondea». Manuel Valls qui, de par ses origines, parle espagnol, fait des efforts. Et au Quai d’Orsay ?
Mosco a passé le test de la langue, à Fabius de faire ses preuves.