Sujet :

Parlez français ou devenez Américains (Étatsuniens) !

Date :

29/07/2014

Envoi d'Alain Raby (rejoignez-notre correspondant sur : https://www.facebook.com/alain.raby.3)

Parlez français ou devenez Américains (Étatsuniens) !

Bravo pour ce que vous avez dit dans "Speak French, or resign to becoming American", M. Ofrias.

Il est bien évident que la langue agit sur la façon de fonctionner de notre cerveau, et qu’elle façonne ainsi la pensée.

S’exprimer autrement que par l’anglais, façonne forcément une autre façon de penser, une autre façon de voir le monde.

Et si la liberté du monde se joue dans sa capacité à préserver sa diversité de penser, alors il faut sauver les langues, et le français au Québec, en faisant de cette province, un pays, une Nation.

RR

 

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La Gazette* muette et branle-bas sur la Net

* "The Gazette", Journal anglophone de Montréal

John-Jean OfriasDans ma présentation du texte : "Speak French, or resign to becoming American", j’avais promis d’y revenir si jamais un nombre suffisant de lecteurs de Vigile se montraient aussi médusés que moi quant au côté explosif des propos du professeur Ofrias. Or, comme notre site a dénombré 3140 visiteurs venus lire ma présentation et le texte d’Ofrias, je ne pouvais me désister. D’autant plus qu’il fallait ajouter huit rigoureux commentaires à ce nombre, dont un du professeur Ofrias lui-même. Je me devais donc de faire le suivi tel que promis.

Résumons les faits.

Le 23 juin 2014, la Gazette publie un texte d’un certain John-Jean Ofrias. Suite à la lecture de ce texte, je suis sorti complètement ébranlé. Avais-je la berluea? Voici un prof de Sciences sociales dans ce lointain collège de Long Island qui, dans un texte percutant, se prononce carrément pour l’indépendance du Québec. Son explosif texte a été courriellé à la Gazette et voici que celle-ci le publie à la toute la veille de notre Fête nationale. Un coup de tonnerre, une révolution !

Afin que les lecteurs de Vigile puissent en tirer grand profit, je me sentis en mission : celle de traduire l’article d’Ofrias et de le publier sur notre site accompagné d’une courte présentation. J’étais alors convaincu que les propos de ce prof allaient provoquer une petite tempête dans le ciel montréalais. Du moins, à l’ouest de la Main.

Il m’a semblé que je me trompais au premier abord car, dans les jours qui ont suivi ce fatidique 23 juin, aucun éditorial, aucun chroniqueur n’a même fait la moindre allusion au texte d’Ofrias. Or, ce fut une toute autre affaire sur la Toile : dans les jours qui suivirent, 594 internautes ont ajouté leur grain de sel aux propos du professeur Ofrias. Ce qui fit que pendant près de quinze jours, une formidable toile de discussion s’est tressée autour de son texte : "Speak French, or resign to becoming American".

Ce pourquoi ce texte suscite tant d’émoi

Il en suscite surtout chez nos amis Anglos qui ne se sont pas encore dépouillés de leurs habits rhodésiens. Pour eux, quel scandale qu’un prof étatsunien vienne, à la toute veille de la Saint-John the Baptiste Day, déclarer que le Québec est à l’avant-garde du progrès.

Et cet illuminé d’Ofrias d’ajouter que si les Québécois décident bientôt de se donner un pays, ils pourront aider le monde à se donner avec le nouveau pays ainsi créé un formidable antidote contre un néo-libéralisme rampant dont son pays est rendu incapable de s’en immuniser puisqu’il en est le grand propagateur.

Ofrias tonne : « Les 400 Américains les plus riches ont maintenant plus de richesses que les 150 millions autres les plus pauvres. » Et désespère : « Les riches élites s’enveloppent dans un drapeau américain teinté du vert de leur argent. Dans les salles sacrées du gouvernement, l’or des crucifix et des signes de dollar sont portés en harmonie. »

Selon Ofrias, toute possibilité de changement passe par un pays qui n’est pas encore aussi contaminé que le sien par l’individualisme et le pouvoir de l’argent. Premier regard : en haut au Nord, au-delà du quarante-neuvième parallèle. Mais ce n’est pas tellement le Canada anglais qu’Ofrias vise puisqu’il le considère comme étant déjà en phase avancée de Mcdonaldisatiom et de Walmartisation.

Son regard se tourne plutôt vers le Québec. Il y aurait grand espoir de ce côté puisque ce qui protège encore les Québécois contre les méfaits de l’américanisation à outrance, c’est surtout le système de valeurs qu’avec le temps ils se sont donné. Mais c’est également le fait français.

Mais ce qui surtout a fait déborder le vase chez de nombreux lecteurs de la Gazette, tout en n’en remuant bien d’autres, c’est la suggestion qu’Ofrias lance à tous ceux qui veulent que les choses changent en Amérique. Ses mots frappent alors comme le tonnerre : "For me the wachword in Quebec should be : Parlez bleu"

Un Parlez bleu inconcevable à la Gazette

Dans le contexte actuel, comment croire que ce mot d’ordre pourrait être pris en considération à la Gazette ? Un tel changement de cap n’est nullement envisageable Comment effectuer un tel virage quand, en 1977, on a violemment combattu le projet de loi 101 du docteur Laurin ? Et qu’hier encore, on combattait son élargissement aux Cégeps ? Il faut savoir et le dire : malgré tous les beaux discours, la Gazette tient encore à ce que le plus grand nombre de nouveaux arrivants joigne les rangs de la minorité dite « historique ».

Pour elle, « Parlez bleu » voudrait dire faire un virage à 180 degrés. Comment changer de couleur quand, deux siècles durant, équipes éditoriales et chroniqueurs scribouillent à grand encre rouge ? En cherchant constamment à préserver droits acquis et privilèges de la minorité. Tant pis, si « Parlez rouge » avait comme dommage collatéraux de grignoter peu à peu les pouvoirs d’agir de la majorité francophone.

Le « Parlez bleu » d’Ofrias est à des kilomètres des montées de chaleur d’un Don Macpherson devant un Jean-François Lisée s’offusquant du fait que si peu d’Anglos connaissent Marie-Mai. Nous avons appris à parler français, avait à peu près répliqué le chroniqueur. « Lâchez nous avec vos Leclerc, Vigneault, Miron. »

Le « Parlez bleu » devrait obliger la Gazette à ouvrir toutes grandes ses pages aux résultats des études sur les transferts linguistiques du professeur Charles Castonguay. Tout comme Ofrias, cet universitaire ontarien provient d’un milieu culturel largement anglophone. Professeur retraité de mathématiques à l’Université d’Ottawa, il a très tôt été sensibilisé par l’extrême fragilité du fait français non seulement dans le ROC mais – ce qui le dépasse - ici même au Québec.

Les résultats des recherches de Castonguay démontrent que, si rien n’est fait d’ici quelques années, Montréal et sa couronne deviendront majoritairement de langue anglaise. Et si Montréal ne parle plus bleu, le Québec sera grandement fragilisé dans son identité profonde. De ce grave danger, la Gazette n’en a cure. Pas question de « Parlez bleu ». Même si on se flatte que les jeunes générations d’Anglos soient maintenant bilingues pas question d’aller plus loin et qu’elles s’imprègnent davantage de la culture bleue, ne serait-ce que pour permettre la pérennité de ce qui semble au premier abord pour elles un heureux état de fait.

Parler rouge. Votez Canadian prescrit toujours et toujours la Gazette aux Quebecers et cela alors que le Québec compte de moins en moins dans un Canada dont le centre du pouvoir glisse inlassablement de Toronto vers Calgary comme le démontrent si bien Darrel Bricker et John Ibbitson dans leur livre The Big Shift paru en 2013 et dont parle Jean-Claude Cloutier dans Le Devoir du 2 juillet.

Non, le journal The Gazette ne peut en un clin d’œil changer sa veste de bord pour tout d’un coup « Parlez bleu ». Mais qu’en est-il de ces quelque 500 Quebecers qui, sur internet, ont fortement réagi aux propos d’Ofrias ?

Branle-bas sur le réseau social de la Gazette

Je dis bien 500, même si La Gazette dénombre jusqu’à 594 commentaires. C’est qu’il faut tenir compte que la polémique étant fortement lancée autour du texte d’Ofrias, les internautes se répondent entre eux ce qui fait que, dans ce cas-ci, nous avons spécifiquement ici affaire au phénomène des réseaux sociaux. Avec tout ce qu’Il comporte de bon comme de mauvais.

La version numérique de l’édition papier du 23 juin a dû paraître très tôt dans la soirée du 22 puisque dès 21h47 une dénommée Joanne Scullion fut la première à réagir au texte d’Ofrias. En mal : elle le qualifie (je traduis) « de simpliste et de totalement insultant pour la communauté anglophone vivant au Québec depuis 1759. C’est assez pour me faire vomir, ajoute-elle en invitant Ofrias à retourner aux États-Unis. » (Rien ne dit qu’il est au Québec).

La dame ne décolère point puisque sept minutes plus tard elle envoie un deuxième et plus long texto où elle dit à Ofrias que son ignorance est sans limite. C’est en français qu’elle conclu sa diatribe par un tout petit « Je suis né ici. »

Autre message sept minutes plus tard. Scullion affirme regretter d’être une femme puisque cela l’empêche de dire le vilain mot tant prisé par ses mâles amis : « celui qui commence par un f », se sent-elle obligée de préciser.

À 22h10, Scullion dit souhaiter qu’on empêche dorénavant Ofrias d’entrer au Canada pour raisons d’ignorance et de stupidité.

Espérons que ce soir là Ofrias ne se soit pas précipité sur son ordi, car une pénible tâche aurait alors attendu Orfée. Dire que la dame est infirmière.

Les commentaires affluent le 23, les plus virulents ne venant pas nécessairement d’Anglos puisque que Stéphanie Rouillier, étudiante à l’U de M, en appelle à se désabonner de la Gazette. « Qu’est-il arrivé avec ce journal pour qu’il en vienne à publier un si ridicule article. Après tant d’années à détecter la stupidité et l’ignorance du PQ, on nous oblige maintenant à entendre ce BS. » ( OfriaS, un BS : ?)

La dame s’en prend à ses ancêtres dont elle a honte : « Trois siècles de nettoyage ethnique contre ceux qui, avant eux, étaient déjà installés au Canada (…) et qui ont encore à subir leur propagande ethnique. »

Il y en aura bien d’autres qui, les jours suivants, cracheront leur venin anti-Ofrias. Mais ce qu’il faut fortement souligner ici, ce sont les courageux internautes qui se sont mis au clavier, soit pour remercier le professeur, soit pour corriger les inepties à propos de notre histoire qu’ont crachées les Scullion, Rouillier et Cie.

Je songe ici à Lily Olivier qui, dès le 24, use de la belle langue de Molière pour remercier le professeur. Tout en ajoutant : « Vous voyez comme je suis votre conseil : j’ai même traduit votre texte en français pour les internautes ». Je dois humblement ici ajouter mon grain de sel pour souligner que la traduction faite par cette étudiante de Laval du texte d’Ofrias est nettement meilleure que la mienne.

Mais comment ne pas terminer ce bref aperçu des commentaires sans faire état de celui de Sylvie Bérard qui, en anglais pour qu’ils comprennent bien, rappelle aux internautes enragés accusant le professeur Ofrias de mal connaître l’histoire du Canada, que la Gazette a déjà été un hebdo bilingue et qu’il a été fondé par le Français Fleury Mesplet.

Cinq heures plus tard, Joseph Aspler lui réplique : « So ? Je traduis le reste du message : En quoi cela nous concerne qu’avant 1822, la Gazette aie été bilingue ? ». Et bien, je pense au contraire que cela nous concerne fortement. Je le crois tellement que j’ai décidé que mon prochain texte cherchera à savoir si notre bonne vieille Gazette de 2014 est restée fidèle aux objectifs que s’était fixés son fondateur.

Un espoir de changement grâce à l’Internet

J’ai voulu ici manifester mon grand espoir que la politique reprenne très bientôt ses lettres de noblesse. Ce qui m’a rendu si optimiste, c’est la lecture de ces quelque 600 commentaires que la Gazette a placés à la toute fin du texte du professeur Ofrias sur son site.

Dans les années soixante du siècle dernier, la télévision a changé la face du Québec. Il se peut bien que, grâce aux médias sociaux, une nouvelle Révolution tranquille soit maintenant en cour.

Bien des internautes – nous l’avons vu – ont invectivé le professeur Ofrias. Certains en ont appelé à un désabonnement de la Gazette. D’autres ont même prié Ofras de ne plus remettre les pieds au Canada. Ce sont souvent ces mêmes personnes qui ont ressorti les pires clichés à propos du Québec et des séparatistes.

Il reste que nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui, à travers ce flot de commentaires, ont remis les pendules à l’heure. Elles et ils l’ont fait avec intelligence et avec beaucoup de rigueur. Bravo !

Lors du "Printemps érable", nous avons vu nombre d’étudiants anglophones qui, fièrement, arboraient le drapeau québécois. Elles et ils parlaient bleu. Et voici que le cri du cœur du professeur Ofrias semble également avoir été capable de soulever le sol. L’avenir est peut-être plus prometteur que ce qu’on peut lire et en dire dans nos médias traditionnels.

Claude G. Charron

 

 

Source :  le mercredi 16 juillet 2014

Possibilité de réagir sur :

http://www.vigile.net/Gazette-muette-et-branle-bas-sur

http://www.montrealgazette.com/life/Opinion+Speak+French+resign+becoming+American/9964090/story.html

 

 

 

 

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