Sujet :

Pisani-Ferry, encore un haut fonctionnaire favorable à l'anglais !

Date :

24/08/2013

Du Collectif Indépendance des Chercheurs  (courriel : ind.chercheurs(chez)gmail.com)  

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FMI, Pisani-Ferry, « réformes de structure », OMC

El WatanLe 21 août 2013, El Watan écrit « France : Plus "vieille", plus "pauvre" et "plus petite" en 2025 », se référant au rapport présenté par le commissaire général à la stratégie et à la prospective Jean Pisani-Ferry au récent au séminaire gouvernemental « La France dans 10 ans ». Mais l'annonce de Pisani-Ferry est-elle autre chose que le constat de l'échec historique de trois décennies de privatisations et de délocalisations ? Et la stratégie proposée comporte-t-elle une quelconque rupture ? Bien au contraire, l'intervention de François Hollande à ce séminaire est basée sur l'adaptation de la France aux conséquences néfastes de la même politique, comme déjà évoqué dans notre article « Fioraso, Pisani-Ferry, langue française, universités... ». C'est ainsi, par exemple, que François Hollande prône « l’adaptation aux besoins de l’économie de demain et notamment des classes moyennes des pays émergents » et que, s'agissant des universités, Pisani-Ferry envisage « de faire venir les meilleurs étudiants, d'augmenter les droits d'inscription et d'enseigner en anglais ». Une logique déclarée de privatisation des services publics, dans l'esprit de celle de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Et tacitement mais tout aussi certainement, de nivellement par le bas de standards sociaux et salaires à l'échelle planétaire. Quant aux « nouvelles technologies » évoquées dans la propagande gouvernementale, la réalité est que les délocalisations industrielles et financières se sont très largement accompagnées, et s'accompagnent toujours, d'importantes délocalisations technologiques. Tout compte fait, la priorité stratégique est donnée aux « reformes de structure » (privatisations et casse de droits sociaux), suivant les exhortations du Fonds Monétaire International (FMI). Parmi les prétendues « réformes » possibles « sans affaiblir la conjoncture », Jean Pisani-Ferry évoque dans Le Monde celles concernant « les retraites, la formation professionnelle, la concurrence dans les services, l'efficacité des services publics... ». Difficile d'être plus clair. Rappelons qu'il y a plus de dix ans, Pisani-Ferry réclamait déjà avec deux autres auteurs, pour le compte du Conseil d'Analyse Économique (CAE), la mise en place d'une « instance politique légitime » de « gouvernance mondiale ». Sa nomination par François Hollande et Jean-Marc Ayrault est donc très parlante quant à la véritable politique de l'actuel gouvernement. Le 21 août également, Le Nouvel Observateur rapporte « Un troisième plan d'aide évoqué pour la Grèce, la BCE à Athènes » et France 24 « Des propriétaires aux abois remportent une bataille contre les banques espagnoles ». L'Europe paye une très lourde facture pour la mondialisation du capitalisme que ses propres « élites » ont contribué de manière décisive à déclencher.

 

 

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Fioraso, Pisani-Ferry, langue française, universités...

L'Orient le JourLe 20 août 2013, L'Orient Le Jour commente «  La rentrée du gouvernement Ayrault : dossiers brûlants et politique-fiction », évoquant notamment la contribution du commissaire général à la stratégie et à la prospective Jean Pisani-Ferry au séminaire gouvernemental d'hier. Dans un sous-chapitre sur le sujet «  La France dans dix ans », l'ancien directeur du groupe de réflexion Bruegel qu'est Pisani-Ferry emploie notamment les titres «  Une France plus vieille » et «  Une France plus petite et moins riche ». Un discours fort représentatif de la véritable politique de François Hollande et Jean-Marc Ayrault qui agissent pour l'essentiel comme des exécutants de la mondialisation du capitalisme. Dans des déclarations au journal Le Monde, Jean Pisani-Ferry recommande notamment de «  faire mouvement vers une économie de services échangés », y compris par une marchandisation progressive de l'enseignement supérieur français qui « imposerait de faire venir les meilleurs étudiants, d'augmenter les droits d'inscription et d'enseigner en anglais ». On ne peut pas être plus clair quant au véritable contenu de la Loi n° 2013-660 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche promulguée il y a un mois. Etrangement, les mouvements universitaires qui se disaient d'opposition au projet de loi défendu par Geneviève Fioraso ont largement censuré toute référence à la question du statut de la langue française dans nos universités. Même dans les déclarations intersyndicales et de coordinations. Le blog de Sylvestre Huet dans Libération a reproduit un texte de Michel Saint Jean d'après lequel l'article de la loi Fioraso ouvrant la voie à l'enseignement en anglais « a pleinement joué son rôle d'imbécile utile pour cacher l'essentiel ». Déclaration explicitement saluée par Henri-Edouard Audier. Un mois plus tôt, Jean Pisani-Ferry avait été nommé en Conseil des ministres Commissaire général à la stratégie et à la prospective. Les déclarations récentes de Pisani-Ferry mettent clairement en évidence le rapport entre la question du statut de l'anglais dans nos universités et la politique de marchandisation de l'enseignement supérieur, numérique compris. Hier, l'intervention de François Hollande au séminaire gouvernemental de rentrée a annoncé explicitement un processus de définition stratégique qui « se poursuivra, sous la responsabilité du Commissariat général, jusqu’à la fin de l’année » et « commence avec le travail introductif de Jean Pisani-Ferry et le rapport de Anne Lauvergeon ». Cette dernière préside la Commission Innovation 2030 installée hier par François Hollande. Anne Lauvergeon a souvent participé aux activités de la Commission Trilatérale dont elle faisait encore partie il y a un an. L'actuel président européen de la Commission Trilatérale, et en même temps président de Bruegel, n'est autre que l'ancien président de la BCE Jean-Claude Trichet.

Quelles propositions stratégiques peut-on attendre du Commissaire général à la stratégie et à la prospective récemment nommé ? Quel est le sens de cette nomination par Fançois Hollande et Jean-Marc Ayrault, suivie d'un rôle de premier plan accordé audit Commissariat ?

Groupe de réflexion BruegelJuste avant les dernières élections présidentielles françaises, Jean Pisani-Ferry écrivait sur le site de Bruegel, http://www.bruegel.org/nc/blog/detail/article/720-pourquoi-leurope-ne-parle-pas-francais/ :

Pourquoi l’Europe ne parle pas français

(...)

Or il y a contradiction entre conception discrétionnaire de la politique économique et conception intergouvernementale de la gouvernance. (...) ... les dirigeants français refusent avec constance l’affermissement d’un pouvoir européen. C’est dans cette contradiction que la France s’empêtre depuis vingt ans, c’est en bonne partie elle qui explique la faiblesse de son influence sur les choix qui modèlent la zone euro.

(fin de l'extrait)

 

Sur cette base, Pisani-Ferry plaide la nécessité d'abandonner la politique de « coordination intergouvernementale ».

C'est donc la logique d'une Europe supranationale forte qui vient s'allier à une stratégie incorporant entre autres la marchandisation de l'enseignement supérieur français et le passage progressif à l'anglais dans le cadre de la mondialisation.

Le numérique n'est pas, non plus, absent des propositions de Pisani-Ferry qui dans Le Monde, pour justifier le passage à l'anglais, souligne également : « La révolution technologique arrive avec les cours en ligne ». C'est donc bien dans une optique marchande que la question du numérique est abordée. La loi Fioraso le permet très largement.

D'autant plus, que Pisani-Ferry prend bien soin de souligner que de nombreuses « réformes » sont possibles « sans affaiblir la conjoncture ». Parmi lesquelles celle des retraites, ou encore sur « la concurrence dans les services » (en clair, leur privatisation).

Mais au vu des options publiquement défendues par Jean Pisani-Ferry en tant que directeur de Bruegel, sa nomination à la tête du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP) est-elle autre chose qu'un choix stratégique de la part de François Hollande et Jean-Marc Ayrault ?

Et pourquoi, au même moment, ce blocage de la part de syndicats et associations sur la question du statut de la langue française et aussi, très largement, sur celle du numérique ?

 

 

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Séminaire de rentrée : les propositions de Pisani-Ferry pour 2025

LE MONDE |

Propos recueillis par

 

Jean Pisani-Ferry

Le commissaire général à la stratégie et à la prospective Jean Pisani-Ferry en juin. | BERTRAND GUAY/AFP

 

Commissaire général à la stratégie et à la prospective, Jean Pisani-Ferry a présenté un exposé sur la France dans dix ans en introduction du séminaire gouvernemental lundi 19 août. Le chef de l'État lui a commandé pour la fin de l'année la rédaction du « projet stratégique ».

Dans un monde où les mutations et les crises s'accélèrent, faire des projections à dix ans a-t-il encore un sens ?

Il ne s'agit pas de faire des projections, mais de choisir des priorités et d'engager des chantiers de transformation. Prendre un horizon de dix ans donne de la continuité au-delà d'une mandature politique, cela permet de constater des résultats tangibles. C'est ce qu'a fait Jean-Pierre Chevènement en fixant, en 1985, l'objectif d'amener 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac.

(...)

À quoi sert le Commissariat à la stratégie et à la prospective ?

Il a été créé pour être un pôle d'anticipation et d'évaluation, mais aussi un lieu de concertation et de débat. En France, nous avons l'invective facile mais beaucoup de mal à allier débats contradictoires et respect des faits. C'est ce que nous nous efforcerons de faire.

Jean-Claude Trichet, l'ancien président de la BCE, dit qu'il faut retrouver un consensus droite-gauche comme celui sur la désinflation compétitive à partir de 1984. Qu'en pensez-vous ?

Il faut aller au-delà, et chercher à ce que la société française s'approprie les orientations pour le moyen terme. D'autant plus que l'État central a moins de pouvoirs. Mais cela nécessite de clarifier les choix collectifs, et notamment le rapport à la mondialisation, le modèle pour l'égalité et la vision du progrès.

Sur la mondialisation, l'avenir de la France passe-t-il par ses usines ?

En partie certainement. La question est de savoir si nous voulons que notre redressement vienne d'abord de l'industrie ou plutôt des nouveaux services. Nous sommes l'un des pays les plus désindustrialisés. Redevenir une puissance manufacturière demanderait un effort considérable. Pour restaurer la rentabilité des entreprises industrielles il faudrait, par exemple, réduire le coût des intrants industriels, y compris ceux de l'énergie, du foncier et du logement, qui ampute le pouvoir d'achat des salariés.

Faire mouvement vers une économie de services échangés serait moins lourd financièrement, mais nécessiterait des mutations plus fortes. Par exemple, l'enseignement supérieur est, dans le monde, en train devenir une industrie exportatrice. Depuis dix ans, le nombre d'étudiants étrangers a doublé au Royaume-Uni (en France il a stagné), et ils payent cher pour leurs études. La révolution technologique arrive avec les cours en ligne. Participer à cette mutation imposerait de faire venir les meilleurs étudiants, d'augmenter les droits d'inscription et d'enseigner en anglais.

(...)

Après dix ans passés à Bruxelles, que vous inspire l'Europe aujourd'hui ?

L'Europe a été pendant cinquante ans un facteur de stabilité entre un monde compliqué et une France hésitante. Elle est devenue un facteur d'incertitude. Malgré les initiatives qui ont été prises, la zone euro reste fragile. On ne sait pas encore si les pays d'Europe du Sud vont parvenir à rétablir leur compétitivité tout en réduisant leur dette. On ne sait pas encore si les capitaux vont retourner vers les pays du Sud et y financer des créations d'emplois ou si les chômeurs de ces pays devront migrer au Nord. On ne sait pas encore si France et Allemagne peuvent s'entendre sur un nouveau modèle alliant partage de souveraineté et partage du risque. La question de l'avenir européen nous est posée, autant qu'aux Allemands. Notre responsabilité est considérable.

 

Source : lemonde.fr, le 19 août 2013

http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/08/19/on-peut-faire-beaucoup-de-reformes-sans-affaiblir-la-conjoncture_3463078_823448.html

 

 

 

 

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