Sujet :

Diouf, Attali, le Canard Enchaîné et Hagège contre la loi de Fioraso

Date :

25/04/2013

Envoi de Jean-Pierre Colinaro (afrav(chez)aliceadsl.fr)

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

Abdou Diouf,

Secrétaire général de l'OIF

(Organisation Internationale

de la francophonie),

 contre le projet de loi

de la ministre Fioraso

 

 

 

                                       À Monsieur Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, 57 rue de Varenne - 75700 Paris

 

 

 

Document au format PDF

 

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Jacques Attali, économiste,

 contre le projet de loi de Fioraso

 

Enseigner en Français !

par Jacques Attali

Alors que tant de réformes majeures attendent de sortir des tiroirs, certains projets de loi récemment passés en Conseil des Ministres ont de quoi surprendre, ou choquer. Ainsi de celui qui prévoit d’autoriser les professeurs à enseigner dans une langue étrangère dans nos universités et grandes écoles. L’argument avancé est que, pour attirer les étudiants de Chine, de l’Inde et de Corée, il faut enseigner en anglais, qui serait la seule langue que ces étudiants connaissent et ont envie de connaitre ; et que, si nous ne le faisons pas cela, nous serons marginalisés dans l’immense marché du savoir à venir.

Non seulement une telle réforme serait contraire à la Constitution (qui prévoit en son article 2 que « la langue de la République est le français »), mais on ne peut pas imaginer une idée plus stupide, plus contreproductive, plus dangereuse et plus contraire à l’intérêt de la France.

Plus stupide parce que la France n’a aucun mal aujourd’hui à recruter des étudiants étrangers, même venant d’Asie, et de très haut niveau ; ils constituent 13 % des effectifs totaux, soit bien plus que dans les pays, comme la Suède ou le Danemark ou l’Allemagne, qui enseignent en anglais. Et si danger il y a, il est plutôt de perdre des étudiants francophones, en raison de la mauvaise qualité de l’accueil que nous leur réservons et non de la langue de nos universités.

Plus contreproductive, parce que les pays qui enseignent en anglais, quand ce n’est pas la langue maternelle des enseignants, voient inévitablement le niveau de leur enseignement baisser, comme le montra par exemple l’échec cuisant de l’université française de Saigon, qui enseigna un moment en anglais, provoquant le départ en masse de ses étudiants vers l’université américaine de la ville. Alors que, quand notre enseignement est excellent, comme c’est le cas par exemple en mathématiques et en médecine, les étudiants se précipitent pour venir étudier en français et en France ; et les chercheurs de ces disciplines peuvent même publier des articles en français dans des revues anglophones.

Plus dangereuse parce que cela entrainera un recul du nombre d’étrangers apprenant le Français, ce qui n’est pas dans notre intérêt et parce que d’autres demanderont ensuite qu’on fasse cours en allemand, en turc, en arabe, jusque dans le secondaire et le primaire, et même qu’on soit autorisé à le parler dans les administrations.

Plus contraire à l’intérêt de la France enfin, parce que la francophonie est un formidable atout pour l’avenir. Le français, parlé par 220 millions de personnes, est la cinquième langue au monde, derrière le chinois, l’anglais, l’espagnol, le hindi. Elle sera dans 40 ans la quatrième, parlée par près d’un milliard de personnes, si nous réussissons à maintenir notre enseignement du français en Afrique et en Asie, ce qui dépend évidemment de la langue de notre propre enseignement supérieur, en France et sur Internet. Alors que passer à l’anglais serait renoncé à faire connaitre notre culture, notre civilisation, notre art de vivre qui constitue aussi un des atouts principaux de la marque France.

S’il est des réformes urgentes à entreprendre en ce domaine, elles sont donc radicalement inverses. Il faut améliorer :

  1. la réception des étudiants étrangers en France, en leur simplifiant les procédures de visas, les formalités d’inscription, la recherche d’un logement, la délivrance d’une carte de bibliothèque et de restaurant.

  2. l’apprentissage de l’anglais pour les doctorants français.

  3. La qualité de nos enseignements en français, pour qu’ils restent, ou redeviennent, d’un niveau mondial.

Si le Parlement était assez aveugle pour voter cette réforme, ce serait un signe de plus donné par la France de l’abandon d’elle-même.

Jacques Attali

j@attali.com

 

Source : blogs.lexpress.fr, le lundi 22 avril 2013

Possibilité de réagir sur :

http://blogs.lexpress.fr/attali/2013/04/22/enseigner-en-francais/

 

 

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Le Canard Enchaîné,

 contre le projet de loi de Fioraso

 

 

 

Le Canard Enchaîné contre le tout-anglais

 

 

Le Canard Enchaîné contre le tout-anglais

Le Canard Enchaîné contre le tout-anglais

 

 

 

Source : Le Canard Enchaîné n°4826, le mercredi 24 avril 2013

 

 

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Claude Hagège, linguiste,

 contre le projet de loi de Fioraso

 

 

« Refusons le sabordage du français », par Claude Hagège

La France n'est certes que la source historique, et non la propriétaire exclusive de la langue française, que partagent avec elle, à travers le monde, les soixante-dix-sept États et gouvernements constituant ensemble l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Du moins jusqu'ici. Car le projet de loi Fioraso, qui veut imposer, en faveur de l'anglais, une très large extension des exceptions au principe du français langue de l'enseignement, des examens et des concours, pourrait avoir pour conséquence, du fait de la valeur symbolique d'un acte de sabordage du français par la France officielle elle-même, un doute croissant quant à la légitimité de la promotion de cette langue par les autres pays francophones. Heureusement, quelques espoirs subsistent : le directeur du Salon du livre du Beyrouth me disait, à la fin d'octobre 2009, en un français aussi classique que sa voix était sereine et teintée d'ironique mépris : « Laissez là vos alarmes : si la France torpille le français, d'autres pays seront toujours là pour le revigorer et galvaniser sa diffusion ! ».

On se demande, pourtant, d'où peut bien venir, en France, cet acharnement contre la langue française. De la monarchie à la République, surtout aux heures les plus tragiques de cette dernière, tout illustre ce dicton : « C'est par sa langue que vit une nation. » Les dirigeants de la nation française sont-ils donc saisis d'une pulsion d'autodestruction ? À supposer que tel ne soit pas le cas, tout francophone lucide ne peut qu'adresser aux gens de pouvoir à Paris et aux intellectuels malvoyants qui les inspirent, le message suivant : « N'entendez-vous pas s'esclaffer les étudiants étrangers que votre exorbitante et naïve assurance prétend attirer dans vos universités et vos écoles par un enseignement en anglais, alors qu'il n'y est pas langue maternelle ? Ne voyez-vous pas que les mieux informés d'entre eux commencent à avoir pitié de votre dérisoire servilité face aux mécanismes du profit, et à se demander quelle déplorable aliénation vous torture, alors qu'ils respectaient jusqu'ici la culture et la langue françaises ? Allez-vous protéger enfin vos tympans contre les sirènes des universitaires liés par des conventions avec des établissements anglophones, et qui n'ont pas encore compris que c'est en utilisant le français qu'ils accroîtront le prestige de leurs travaux, et non en mordant le sol devant l'anglais ? »

Le français est depuis le XIIIe siècle une langue à vocation internationale, d'abord européenne, puis levantine, puis mondiale. Il est aujourd'hui la seule langue, avec l'anglais, qui soit présente sur les cinq continents. Chaque réunion de l'OIF montre que la promotion du français encourage celles de toutes les autres langues des pays membres. Madrid, Lisbonne-Brasilia, et maintenant Pékin dressent, face à la résistible domination de l'anglais, l'arme irrésistible de la diversité. Et c'est à ce moment même que la France, qui possède une longue antériorité historique dans l'illustration de sa langue, devrait sacrifier cette dernière aux pauvres pièges de l'argent !

Il est encore temps de réagir devant le burlesque en passe de devenir le consternant. Il est encore temps de se mobiliser avant qu'un projet de loi porteur du cancer ne soit proposé à la représentation nationale. Une partie grandissante du public bien informé est en train de se déprendre du vertige de l'américanisation déguisée en mondialisation. L'Académie française, elle aussi, dénonce un projet suicidaire.

Quant aux masses françaises, abreuvées de sous-culture américaine, elles ne manifestent aucun désir de substituer l'anglais au français dans l'enseignement en France. Ce sont donc les forces vivantes et majoritaires du pays que l'on insulte en plaçant l'anglais sur un piédestal dont il n'a que faire, surtout venant du gouvernement français. Battons-nous pour notre langue ! Car même si l'enjeu est aussi d'éviter, par solidarité civique, aux autorités de sombrer dans le grotesque en même temps que dans l'indignité, c'est de notre identité qu'il s'agit. Il n'est plus temps de clore nos paupières : nous sommes en guerre !

 

Lire le débat « Université, pourquoi une nouvelle réforme ? », avec les contributions de Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Valérie Pécresse, ancienne ministre de l'enseignement supérieur ; des professeurs d'économie ; Jean-Louis Fournel, professeur à l'université Paris-VIII et ancien président du collectif Sauvons l'université ; Claude Hagège, professeur au Collège de France ; Gilbert Béréziat, président honoraire de l'université Pierre-et-Marie-Curie...

 

Claude Hagège (professeur au Collège de France)

 

 

Source : lemonde.fr, le jeudi 25 avril 2013

Possibilité de réagir sur :

http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/04/25/refusons-le-sabordage-du-francais-par-claude-hagege_3166350_3232.html

 

 

 

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