Sujet :

Loi Fioraso et usage de la langue française dans les universités

Date :

01/03/2013

Envoi de Jean-Pierre Colinaro (afrav(chez)aliceadsl.fr)

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Loi Fioraso et usage de la langue française dans les universités

Geneviève Fioraso, élève d'hypokhâgne,

elle poursuit ses études en faculté et obtient deux diplômes de maîtrise (anglais et Économie)

avant d’enseigner ces deux matières durant trois ans

 

Que deviendra à terme en France, au sein de nos propres universités, l'usage de la langue française dans l'enseignement supérieur ? Le 16 février 2013, la situation de dégringolande économique et de vente des meubles apparaît encore plus clairement au grand jour avec la visite en Inde de François Hollande à la tête d'une importante délégation comprenant la ministre de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (ESR) Geneviève Fioraso. Alors qu'à la une Le Monde évoque une « série d'immolations après le suicide de Nantes », à propos notamment de suicides récents de chômeurs français, ce même 16 février un deuxième article du même journal porte le titre hallucinant « Paris assume les transferts de technologie en Inde ». Jusqu'où ira, en France, la politique de délocalisation de la recherche et de la technologie ? La veille, François Hollande avait visité le centre de recherche et développement de l’entreprise Lafarge à Bombay. Or dans une note intitulée « Quand la France et l'Inde veulent développer les échanges étudiants », Keek souligne un manque supposé de programmes anglophones dans les établissements français comme le principal obstacle à ces échanges. Alors que, précisément, le projet de loi de Géneviève Fioraso élargit encore les prévisions d'usage de l'anglais dans les universités françaises plus loin que ne l'avait prévu la très controversée Loi n°2007-1199 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), adoptée sous Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse. Quel avenir prépare-t-on à la langue française en France même, alors que les « capitaux français » ont massivement émigré au cours des dernières décennies dans le contexte de la mise en place de l'Union Européenne et de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ? Cette évolution à l'échelle planétaire du capitalisme de notre époque a été analysée notamment dans nos articles « Hollande, Ayrault et la mondialisation » (I) , (II) et (III). Dans cette situation, une question essentielle pour l'avenir du pays est celle de la préservation du rôle de la langue française chez nous. Elle ne doit pas être ignorée dans les mobilisations de l'ESR prévues pour le lundi 18 février suite à l'appel intersyndical diffusé dans notre article du 14 février 2013 « CNRS, loi Fioraso : un communiqué intersyndical ». Pour les collègues de la région parisienne en particulier, le rendez-vous (Assemblée Générale) est fixé de 10h30 à 14h, à l'Université Paris 7 - Denis Diderot, Amphi 10 E (Halle aux Farines, hall E, 1er étage, 9 esplanade Pierre Vidal-Naquet ou 10 rue Françoise Dolto, 75013 Paris, Métro Bibliothèque-François Mitterand).

C'est clairement dans l'urgence, que le communiqué intersyndical du 11 février 2013 ( http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article5942 ) sur le projet de loi de Geneviève Fioraso a vu le jour. Et c'est dans l'urgence, qu'il appelle en particulier « les personnels et les étudiants à organiser des AG dans les établissements et à débattre du projet de loi sur l’ESR, en mettant notamment l’accent » sur un certain nombre d'exigences.

En effet, Geneviève Fioraso a déjà soumis son projet de loi au Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, CNESER, qui doit l'examiner le 18 février.

Dans notre article « CNRS, loi Fioraso : un communiqué intersyndical », nous écrivions à ce sujet, commentant les blocages rencontrés par la diffusion du communiqué :

(...)

Et quel problème peut poser la diffusion de ce communiqué intersyndical du 11 février 2013, alors que son contenu est en réalité très modéré par rapport à celui du projet de loi qui mérite également bien d'autres critiques ? Demander le retrait pur et simple de l'actuel projet de loi ESR de Geneviève Fioraso aurait été parfaitement justifié.

(...)

(fin de l'extrait de notre article)

 

Le projet de loi de Géneviève Fioraso est encore pire que la LRU dont il constitue une sorte d'étape suivante. Il va dans la même direction et en aggrave le contenu. Pas seulement sur les points évoqués par le communiqué intersyndical, mais plus globalement.

S'agissant du numérique et du processus de privatisation de l'éducation qui risque d'en découler, nous avons examiné cette question dans nos articles récents « Enseignement supérieur et numérique : les dangers » (I), (II) et (III).

De même, force est de constater avec un examen détaillé que le projet de loi ( http://science21.blogs.courrierinternational.com/files/Pr... ) adressé par Geneviève Fioraso au CNESER aggrave encore, pour la langue française, les perspectives déjà peu réjouissantes que lui annonçait la LRU.

 

C'est ainsi que, dans ce projet de loi, l'article L. 121-3 du Code de l'Éducation dont la forme actuelle est :

I. - La maîtrise de la langue française et la connaissance de deux autres langues font partie des objectifs fondamentaux de l'enseignement.

II. - La langue de l'enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d'enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l'enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers.

Les écoles étrangères ou spécialement ouvertes pour accueillir des élèves de nationalité étrangère, ainsi que les établissements dispensant un enseignement à caractère international, ne sont pas soumis à cette obligation.

(fin de l'article sous sa forme actuelle)

se voit ajouter ce qui suit :

À la fin du premier alinéa du II de l’article L 121-3, sont ajoutés les mots : « ou lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l’article L. 123-7 ou dans le cadre de programmes bénéficiant d’un financement européen ».

(fin de l'extrait du projet de loi de Geneviève Fioraso)

 

Quant à l'article 123-7, dont la forme actuelle est :

Le service public de l'enseignement supérieur contribue, au sein de la communauté scientifique et culturelle internationale, au débat des idées, au progrès de la recherche et à la rencontre des cultures. Il assure l'accueil et la formation des étudiants étrangers. Il soutient le développement des établissements français à l'étranger. Il concourt au développement de centres de formation et de recherche dans les pays qui le souhaitent. Les programmes de coopération qu'il met en œuvre permettent notamment aux personnels français et étrangers d'acquérir une formation aux technologies nouvelles et à la pratique de la recherche scientifique.

Dans le cadre défini par les pouvoirs publics, les établissements qui participent à ce service public passent des accords avec des institutions étrangères ou internationales, notamment avec les institutions d'enseignement supérieur des différents États et nouent des liens particuliers avec celles des États membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen et avec les établissements étrangers qui assurent leurs enseignements partiellement ou entièrement en langue française.

(fin de l'article sous sa forme actuelle)

il fera l'objet de la modification suivante :

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L 123-7, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Il favorise le développement de parcours comprenant des périodes d’études et d’activités à l’étranger ».

(fin de l'extrait du projet de loi de Geneviève Fioraso)

 

Les rajouts introduits par Geneviève Fioraso pointent clairement vers une mondialisation marchande de l'enseignement supérieur et vers une soumission de l'enseignement universitaire français aux programmes européens et internationaux.

C'est dans ce contexte, que le projet de loi étend encore les exceptions à l'usage de la langue française. Au bénéfice, principalement, de l'anglais en tant que langue hégémonique.

Ainsi donc, non seulement la langue française est sacrifiée dans nos propres universités au nom d'une prétendue « attractivité », mais les collaborations aux échelles européenne et internationale sont supposées produire le même effet.

 

 

Source : science21.blogs.courrierinternational.com, le 16 février 2013

Possibilité de réagir sur :

http://science21.blogs.courrierinternational.com/archive/2013/02/16/loi-fioraso-et-usage-de-la-langue-francaise.html

 

 

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La lettre d'Albert Salon, Président de l'association « Avenir de la Langue Française »

 

 

 

 

 

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