Le premier tube de Stromae, Alors on danse, s'est classé N°1 dans 17 pays.

Photo : Benjamin Girette

 

 

Votre album, sorti le 19 août, est déjà en tête des ventes. Satisfait ?

C'est bien, bien sûr, on sent un engouement. Mais les ventes, c'est avant tout un soutien. Être en tête la première semaine, ça ne veut rien dire. C'est un délire venu des États-Unis. L'important c'est de voir comment l'album va vieillir. Le côté affairisme, c'est une chose, cela fait partie d'un tout, qui est une démarche artistique. C'est un moyen. J'ai juste envie d'être sain dans ma tête et sincère avec le public. La célébrité est un moyen.

"Tee-shirt designés" (Afrav : maillots modés, stylisés, ...), attitude et style très identifiables comme une marque de fabrique... Vous pourriez potentiellement être dérivé en figurine façon Tintin. C'est du marchandisage pur et dur ? C'est une position artistique holistique ? Le fruit du hasard ou une question débile de journaliste ?

Ce sont des choses qui viennent de moi. Peut-être que j'ai envie d'avoir une figurine Tintin. Que ce soit bien vu ou mal vu, tant pis. Mais ça me correspond. C'est une envie et une conviction. L'objectif n'est pas de vendre mais de créer. C'est de la minutie et du perfectionnisme avant d'être un commerce. Évidemment vendre c'est une façon de vivre. Mais je suis désolé, je ne suis pas plus commercial que n'importe quel mec dont on connait le nom. Commercial ça veut dire quoi ? Non, je n'ai pas envie de vendre un maillot avec écrit « Stromae » dessus 40 fois son prix pour faire du pognon. Non ! J'essaie de défendre un projet et dire aux gens je ne me fous pas de votre gueule. Je travaille avec des graphistes et des stylistes depuis un an. Je suis un artisan. Je suis comme un boulanger trois étoiles qui a envie de faire le meilleur pain. J'ai envie de faire les choses avec minutie.

« Je travaille comme un scénariste »

Vous écrivez des textes graves sur des thématiques qui le sont tout autant : le cancer, les maladies sexuellement transmissibles, la colonisation, l'absence d'un père... Vous ne craignez pas que la force de vos textes soit diluée dans une musique festive ?

Non. Tant mieux si c'est le cas. On ne choisit pas le public que l'on a. Je ne fais pas de la musique pour les intellos ou pour les clubs. Trois ans après on vient me dire : « Alors on danse c'est vachement glauque en fait ». Bah ouais. Tant pis si à ce moment là tu n'as pas percuté sur les paroles. Ou tant mieux. Je fais de la musique comme moi je l'entends. Le mouvement pour moi c'est hyper important. Et non, l'anglais ne sonne pas mieux que le français. Je ne te demande pas d'écouter les textes si t'as pas envie de les écouter. Je te demande juste de me dire si t'aimes ou pas. Le reste, c'est de la masturbation intellectuelle.
 

Il y a plein de gamins qui adorent et dansent sur Papaoutai sans rien comprendre aux paroles...

Je ne suis pas sûr qu'ils ne comprennent pas. On essaie toujours de dramatiser le fait de demander où est son père. Ça n'a rien de grave, ce n'est pas méchant. Le refrain est entraînant ? Et alors ? C'est ce côté là, enfantin, que l'on a perdu avec l'âge. Ce ne sont pas des choses noires, c'est la mélancolie. C'est ce qui fait ce que l'on est et c'est pour ça que l'on est beau. C'est ça que j'ai envie de garder de l'enfance. Ce n'est pas à nous de dire aux enfant ce qu'ils ont vécu de dur. C'est à eux de le décider.

« Les gens n'ont pas envie de voir un Belge qui se prend pour un Américain »

Vos paroles sont reprises en chœur dans les cours de récré allemandes. Ça vous inspire quoi ?

Je ne vais pas me cacher : arrêtons de croire qu'il n'y a que l'anglais. Le français est une langue qui sonne aussi bien. C'est ma culture, je la défends. Je suis un Belge qui a grandi avec la langue française, un peu de flamand et tout mon belgicisme. Les gens n'ont pas envie de voir un Belge qui se prend pour un Américain.
 

Comment ça se passe dans votre tête lorsque vous écrivez des textes qui restent sombres malgré tout ?

Je photographie mes proches, les gens, ce que je vois autour de moi. C'est de la caricature. Ce sont des personnages. Je me mets « à la place de ». C'est un peu de la schizophrénie. Je travaille comme un réalisateur, un scénariste ou un photographe.
 

Incarner des personnages. C'est pour ça que l'on vous surnomme "Brel 2.0" selon vous ?

C'est un super beau compliment. Mais on ne compare pas deux albums avec une carrière, deux musiques, deux époques... On fait le rapprochement parce qu'il est Belge. Mais vous savez, il faisait partie d'une école qui avait cette façon de fonctionner : 'je joue et je défends un personnage'. Notre métier c'est un peu faire l'acteur. On défend un travail, celui d'une équipe. Le type sur scène est le porte-parole de cette équipe. C'est un métier. Même si je le fais avec passion, c'est un métier.
 

Il y a un morceau sans paroles sur l'album : merci. Vous dites merci à qui ?

À vous, à tout le monde. A tous les autres que moi.

 

Notre avis : un album remuant

Stromae est « formidable ». Il n'y a que lui à pouvoir ausculter les maux de notre société sur des tempos aussi dansants. Le Belge déploie sa marque de fabrique sur des titres explosifs comme « Ta fête, Bâtard » ou « Quand c'est », comme autant de saynètes aussi dérangeantes qu'essentielles. Le chanteur s'offre même le luxe d'un trio avec Orelsan et Maître Gims sur le morceau « avf », comme "Allez vous faire", qui pourrait bien devenir l'hymne d'une génération désœuvrée et antisystème.

 

Source : metronews.fr, le 28 août 2013

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Stromae - Andrea

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Stromae - Formidable

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