Sujet :

Bilan comptable sur les brevets d'invention

De Denis Griesmar (Denis.Griesmar(chez)wanadoo.fr)

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BILAN  COMPTABLE  SUR  LES  BREVETS

 

On trouvera ci-dessous quelques réflexions et arguments chiffrés liés aux projets qui visent à ne plus exiger la traduction française des brevets d'invention pour un dépôt en France, entre autres pays.

Les faits sont les suivants : (source OMPI)

1- En 2000, les entreprises résidentes en France déposent 21 471 demandes de brevet en France.

2- En 2000, les entreprises non résidentes en France déposent 138 707 demandes de brevet en France.

Dans l'optique de la non exigence d'une traduction française pour un dépôt de brevet en France comme dans les autres pays européens, il en découle deux cas possibles :

 

Cas N° 1.

 

Les entreprises résidentes en France continuent de rédiger leurs brevets en français ; ces brevets pourront être déposés dans tous les pays européens sans traduction. Mais une protection de l'invention aux États-Unis, en Australie, en Inde, etc., nécessitera au moins une traduction anglaise.

En parallèle, les entreprises non résidentes en France pourront déposer leurs brevets en France dans l'une des trois langues officielles, soit l'anglais, l'allemand ou le français. Il est fort probable que la langue la plus courante sera l'anglais, qui servira également à un dépôt dans d'autres pays, notamment les États-Unis, l'Australie, l'Inde, etc.

Conséquence économique directe :

Les entreprises françaises innovantes économisent la traduction en allemand des brevets (l'anglais étant toujours obligatoire pour un dépôt dans les pays anglophones hors UE).

Si nous partons sur un coût théorique moyen de 1 500 € pour la traduction d'un brevet, les entreprises françaises innovantes feront une économie de : 21 471 x 1500 = 32 206 500 € / an.

Parallèlement, les entreprises non résidentes qui traduisaient leurs brevets en français auprès des sociétés de traduction françaises ou des traducteurs indépendants français réaliseront une économie, au détriment de l’économie de la France, de :

138 707 x 1500 = 208 060 500 € / an.

À l'échelle de l'ensemble européen, ces déposants non résidents économisent le double, soit 416 121 000 € / an du fait de la non traduction en allemand.

Ainsi, l'adoption de ces mesures entraîne les conséquences financières suivantes :

Les déposants étrangers économisent 416 121 000 € / an, (la majorité des brevets déposés en France étant d'origine autre que germanique).

Les déposant résidents en France économisent 32 206 500 € / an,

Les entreprises françaises de traduction et ou de propriété industrielle et les traducteurs indépendants perdent 208 060 500 € / an.

Elles perdent aussi les traductions allemandes qu'auront économisées les entreprises innovatrices françaises (soit environ

32 206 500 € / an).

Perte totale pour les acteurs de la traduction : 240 267 000 € / an.

Résultat net pour l'économie française :

32 206 500 - 240 267 000 = - 208 060 500 € (capitaux non investis ou réinvestis en France).

Y a-t-il une hiérarchie parmi les entreprises françaises qui justifie de faire perdre aux uns 208 M€ / an dans l'intention de faire économiser aux autres 32,2 M€ / an ?

Est-on sûr que cette dernière économie sera génératrice d'innovations complémentaires susceptibles de créer plus d'emplois que la perte des 240,2 M€ / an n’est certaine de détruire ?

L'État envisagerait-il d'aider les acteurs de la traduction à compenser leur perte ? N'est-il pas plus raisonnable, compte tenu des chiffres, d'aider les entreprises innovantes qui investissent 32,2 M€ de moins que souhaité, plutôt que d'aider ceux qui perdent 240,2 M€ ?

Ou bien est-ce la dispersion des spécialistes du traitement de l’information scientifique étrangère (plusieurs milliers d'acteurs), par rapport à la concentration des grandes entreprises, qui fait qu'on voit précisément qui on sert, sans se rendre bien compte des conséquences pour ceux que l’on pénalise ?...

Les enjeux économiques qu'on avance, et qui seraient supposés justifier ces mesures, ne sont en réalité considérables que si l'on tient compte des avantages dont bénéficieraient les non résidents en France :

416 121 000 € / an !

Cas N°2.

 

Les entreprises résidentes en France devant en tous cas protéger leur invention dans les pays anglophones hors U.E., et en l'absence de réciprocité, seront tenues de présenter une demande en anglais.

Rapidement, elles s'adapteront pour rédiger leurs brevets directement en anglais. En effet, elles pourront en tous cas se servir de l'anglais pour déposer un brevet en France.

Cette adaptation, que la réalité économique rendra nécessaire au-delà de toute considération linguistique, aura des conséquences sur la langue française qu'il est difficile de cerner totalement. Parmi elles, certaines paraissent évidentes :

La langue de l'innovation devenant l'anglais, le français sera relégué au deuxième plan, et perdra sa place actuelle qui en fait encore une langue de science et technique.

Une discrimination à l'embauche des ingénieurs s'installera en fonction de la maîtrise de l'anglais, y compris en France.

À terme, on peut même imaginer que les écoles d'ingénieur françaises seront obligées d'enseigner les matières scientifiques en anglais pour éviter le décalage avec le monde de l'entreprise où la langue dominante sera l'anglais.

En parallèle, comme dans le Cas N°1, les entreprises non résidentes en France pourront déposer leurs brevets en France dans l'une des trois langues officielles, soit l'anglais, l'allemand ou le français. Il est fort probable que la langue la plus courante sera l'anglais qui servira également à un dépôt dans d'autres pays, notamment les États-Unis, l'Australie, l'Inde, etc.

Sur le plan économique :

Les entreprises françaises innovantes économiseront la traduction en allemand et en français des brevets (l'anglais étant la langue de rédaction adoptée pour se conformer également aux conditions de dépôt dans les pays anglophones hors Union Européenne).

Si nous partons sur un coût théorique moyen de 1 500 € pour la traduction d'un brevet, les entreprises françaises innovantes feront une économie de : 21 471 x 1500 x 2= 64 413 000 € / an.

Parallèlement, les entreprises non résidentes qui traduisaient leurs brevets en français auprès des sociétés de traduction françaises ou des traducteurs indépendants français réaliseront une économie, au détriment de l'économie de la France, de :

138 707 x 1500 = 208 060 500 € / an.

À l'échelle de l'ensemble européen, ces déposants non résidents économiseront le double, soit 416 121 000 € / an du fait de la non traduction en allemand.

Ainsi, l'adoption de ces mesures entraînerait les conséquences financières suivantes :

Les déposants étrangers économisent 416 121 000 € / an, (la majorité des brevets déposés en France étant d'origine autre que germanique).

Les déposant résidents en France économisent 64 413 000 € / an.

Les entreprises françaises de traduction et ou de propriété industrielle et les traducteurs indépendants perdent

208 060 500 € / an.

Elles perdent aussi les traductions allemandes et anglaise qu'auront économisées les entreprises innovatrices françaises du fait de la rédaction en anglais, (soit environ 64 413 000 € / an).

Perte totale pour les acteurs de la traduction : 272 473 500 € / an.

Résultat net pour l'économie française :

64 413 000 - 272 473 500 = - 208 060 500 € (capitaux non investis ou réinvestis en France).

L'écart entre les gains des uns et les pertes des autres est le même. La perte totale pour l'économie française est la même, mais en fait, les uns gagnent plus et les autres perdent plus.

Par ailleurs, les conséquences pour la langue française sont catastrophiques sur le plan des sciences et de la technologie.

La même question reste sans réponse dans les deux cas : où est l'intérêt de la France ?

Ces réflexions sont autant d'arguments pour empêcher des décisions dont les enjeux réels sont la promotion des inventions déposées en France par les non résidents, notamment parmi les plus grands producteurs de brevets, les États-Unis d'Amérique.

 

 

 

 

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