Sujet :

Papademos plaggie Kennedy et parle anglais !

Date :

16/01/2012

De Denis Griesmar (denis.griesmar(chez)orange.fr) 

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Papademos plaggie Kennedy, mais les Grecs ont froid

Pendant que Lucas Papademos tente de séduire les dirigeants européens, le peuple grec se réchauffe tant bien que mal à l'intérieur des cafés. La précarité s'installe de plus en plus en marquant de nombreuses couches de la population. Universitaires, journalistes ou écrivains sont eux aussi gravement touchés par la crise. Lettres mortes ? C'est la question que pose Panagiotis Grigoriou, blogueur installé en Grèce.

Nous vivons en "prime time" (note de l'Afrav : en avant première) le premier vrai renversement d’Europe occidentale, relevant des études de l’Union Européenne sur la monnaie. Car cette fameuse construction économique, jamais adoptée réellement par les peuples, se résume et finira par l'euro. Euro barbe à … Papadémos que nous haïssons davantage, jour après jour.

C'est aussi cela le renversement : l'effacement des opinions politiques. Les idéologues faciles de tout bord ne sont plus au petit lait, mais à la cigüe. La coupure est « entre eux, et nous », comme on entend dire partout. Ceux qui en ont et ceux qui finiront par mourir. Donc, au fil des semaines, tout débat politique devient vite anachronique : « ils auront notre peau ou sinon, nous allons les exécuter. »

Nous sommes déjà dans l'utopie, le non lieu. Tout reste à faire. Les supposées grandes mesures et autres « mesurettes » ou petites phrases des campagnes électorales nous semblent dépassées. Elles appartiennent au monde théâtral d'hier. Une scénographie qui dissimule tant bien que mal sa seule fonction : tenir fermés les stores de la démocratie, ainsi que les paupières des citoyens.

J'ai retrouvé hier mon ami Th. Journaliste, au chômage depuis 377 jours, ses allocations Assedic ont duré juste le temps d'une année calendaire. Et quelle année terrible ! En tout cas, nous étions au chaud dans un café des quartiers nord de la ville. Pour toutes les tables, consommation minimaliste et sociabilité au sommet. Un café simple à 1,6 euros, c'est encore trop, mais pour être bien au chaud, c'est rentable. « Chez moi, il fait froid. Je n'allume plus le chauffage. Rester deux heures ici cela va nous requinquer un peu », explique-t-il. Nous nous sommes alors dit, que même les révoltés de 1968 en Europe occidentale ne sortaient pas tant du cadre, y compris pour les adeptes du messianisme prolétarien. On voulait tout et on avait déjà pas mal en ce temps.

Voisins européens, aidez-nous !

En 2012 désormais, la messe est dite. On en finira bientôt avec les élections et autres opérettes, pour consolider le pouvoir direct de la grande main si visible. Les partis institutionnalises, y compris à gauche ont du mal déjà, à faire admettre leur légitimité à travers la mascarade parlementaire. Les tranchées de l'avenir sont déjà remplies de toutes les munitions possibles et imaginables. Bancocratie du dernier capitalisme réel, guerre de Cent Ans, chaos, ou sinon, réorganisation et réorientation des affaires humaines vers un autre topos ? Plus sage ?

Puis, nous savons que les papadémiens et les papandroïdes veulent faire de notre planète Europe, pays par pays, un nouveau tiers-monde. Dirigeants bancocrates, Allemands et Français en tête. Il y en a même chez nous qui œuvrent pareillement, moins autonomes et plus dociles, mais tout autant néfastes pour les peuples. Nous nous interrogeons par contre sur la faisabilité de ce… grand projet. En Grèce par exemple, le déclassement des couches moyennes s'accélère, mais l'habitat ne suit pas l'aménagement du territoire propre à la ghettoïsation, et cela malgré les efforts de la Troïka. D'où sans doute la volonté de briser également la petite propriété dans le foncier, si répandue ici.

Donc, il faut accélérer les « réformes ». Lucas Papadémos vient de montrer ses dents. Soit les syndicats (« vendus » depuis des années comme on le sait) cèdent sur l'ultime démantèlement des conventions collectives restantes au sein du privé (diminution des salaires) et sur le licenciement d'un grand nombre de fonctionnaires, soit le gouvernement va légiférer, et vite. Pour arrondir les ongles des vautours, « des techniciens français de la "task force" (sic), (note de l'Afrav : unité de contrôle de l'UE), vont se rendre en Grèce prochainement, afin d'évaluer les 800 000 agents du public, et ainsi préparer le terrain des licenciements » (www.in.gr 12/01/2012).

Après la BCI allemande et Siemens, après les potentiels prenants américains des hydrocarbures au Sud de la Crête et le FMI, c'est-à-dire Goldman Sachs, voilà sans doute la participation amicale de la présidence Sarkozy, merci pour le film ! Le comble serait que le P.S. français nous prépare alors la seconde bobine, Achtung. Au secours, Français, Italiens, Allemands et autres peuples... De la métastase de l'euro, passons à autre chose enfin, la méthadone de la social-démocratie a fait son temps.

Papadémos, « banquier pourri »

Papadémos, « le banquier des escrocs internationaux », selon certains chroniqueurs chez nous, a même osé s'adresser au très bas peuple en anglais pour ainsi faire passer son "business plan" (note de l'Afrav : plan de redressement), en répétant cette maxime connue de tous, extraite du discours d'investiture de John Fitzgerald Kennedy (20 janvier 1961) : « Ne demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, demande ce que tu peux faire pour ton pays ». En grec d'abord puis en anglais. Certains éditorialistes, pour ne pas évoquer les réactions dans la rue, ont été écœurés.

Tel Giorgos Trangas, toujours populaire et populiste dans ses papiers radiophoniques sur Real-FM (12/01/2012) : « Cette espèce de porc (sic) Lukas Papadémos, le collabo des banques qui s'adresse au peuple en anglais, sa vraie langue... Ce que nous pouvons faire alors, eh bien c'est de te donner des coups de pieds si on te retrouve, tous les jours, la violence est produite, exercée sur onze millions de Grecs, [par] cette espèce de banquier pourri, car les familles qui meurent de faim sont les victimes des patrons de Papadémos, ce valet de Goldman Sachs et des autres banques. Mais c'est terminé, vous ne pouvez plus tromper le peuple et raconter des bobards, il n'y a plus rien, ni démocratie ni parlement, un jour le peuple vous détruira... Eh Papadémos, je te préviens, je te prie, il ne faut pas t'adresser au peuple ainsi... ».

Propos très violents mais qui ne surprennent plus personne chez nous, on les profère et on les entend tous les jours, les amabilités habituelles du débat (pseudo) démocratique deviennent alors inutiles, une fois le téléchargement du virus des banques terminé. Je n'ai aucun souvenir de tels propos radiophoniques avant la Troïka. Jamais. Effarants quelque part et au fond tragiques. En Grèce et au Portugal nous sommes au stade du premier fonctionnement du logiciel malicieux. Les Italiens ont tout juste achevé l'installation, et les autres banconautes de la zone euro commencent tout juste le téléchargement. J'ose même prédire au risque de me tromper légèrement que le téléchargement vers la console française durera jusqu'aux élections. Rapide non, finalement ?

Chez nous, la console fonctionne déjà après installation. Malgré les plantages du Bitecode financier. Nous enregistrons en effet deux suicides tous les trois jours et dans la presse on prétend que déjà 70 000 jeunes grecs, tous anciens joueurs de la console, se sont installés aux États-Unis, sans doute pour se... consoler ou pour trouver un patch (chiffres fournies par le correspondant du quotidien Proto Thema à New York, 12/01/2012). Je n'arrive pas à croire à ces chiffres et les autorités grecques n'en fournissent guère.

Un nouveau monde

Entre temps, une dame très élégante a ouvert la porte du café où nous nous étions installés. Il neigeotait dehors et un vieux labrador hésitait devant l'établissement. Ce pauvre chien n'a pas osé entrer finalement, mais les clients ont vite réagi : « Fermez la porte madame, ne la tenez pas si longtemps ouverte, vous le voyez, ce pauvre chien ne veut pas entrer et nous, nous avons également froid ».

Mon ami Th. a utilisé ce qui lui restait d’argent pour se nourrir. Il ne paiera plus taxes, impôts et autres obligations ex-citoyennes. Pas même de chauffage, juste quelques bûches. « Je ne peux plus. Terminé. Je vais liquider mon assurance vie, au mieux onze mille euros de m.... Je changerai tout en dollars, je vivrai ainsi durant un an au moins ».

La dame, si élégante, est partie visiblement étonnée. Appartenant davantage à l'ancien monde que nous, elle ne comprenait pas notre insistance sur cette fermeture de la porte. Mais l'échange fût poli et sans agressivité, c'est le principal.

Pourtant, notre nouveau monde nous apporte également autre chose. Tout n'est pas misère et chute libre. Une personne dirigeant une structure semi étatique dans le domaine des lettres est venue rencontrer mon ami Th. dans ce même café. Georgia, une amie de son épouse. Th. espérait trouver une piste pour travailler, même pour deux mois. En vain.

Georgia ne reçoit plus son salaire depuis août. Mais, elle nous a raconté les derniers épisodes de la méta chronologie de notre condition humaine. « Traducteurs, universitaires et écrivains, souvent connus, se mettent à cohabiter car, pour certains, être propriétaire d’un appartement est devenu impossible. D'autres se font saisir leurs maisons par les banques. Les universitaires se retrouvent avec le tiers de leurs revenus d'il y a deux ans. Ils se demandent pour quelles raisons ils se rendent encore à l'université. Mais déjà, deux traductrices reconnues d’une cinquante d’années cohabitent, tentant de retrouver un sens à leur vie. Nous vivons avec peu, mais ensemble, soudés. Qui sait, à force de se retrouver, on finira par inventer autre chose pour se débarrasser des partis politiques et des banques... Ce qui inquiète par contre davantage, c'est la suppression de notre budget de fonctionnement par l'État. Tout ce travail, toutes ces années, les livres, les idées, les belles histoires ... ».

Lettres mortes ? (Je ne trouve plus l'expression en anglais (note de l'Afrav : on s'en fout !)).

Panagiotis Grigoriou

panosgrig@gmail.com

 

Retrouvez Panagiotis Grigoriou sur son blogue.

(http://greekcrisisnow.blogspot.com/)

 

 

Source : marianne2.fr, le lundi 16 janvier 2012

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