FRANCOPHONIE
Entrevue avec le Secrétaire Général de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie
Monsieur Pascal Terrasse est depuis le 12 juillet dernier le nouveau Secrétaire Général de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie. Député (PS) de l’Ardèche depuis 1997 il est également Secrétaire national du PS à la protection sociale. Sa passion pour la Francophonie l´a conduit à accepter ce poste avec le souhait de défendre des valeurs qui lui sont chères : l´humanisme, la coopération et le dialogue comme il le déclare lors d´une entrevue qu´il a accordée au Lepetitjournal.com/Lisbonne
(Photos : Pascal Terrasse)
Lepetitjournal.com/Lisbonne : Vos nouvelles responsabilités à caractère international semblent représenter un tournant dans votre parcours professionnel, quelles sont les principales raisons qui vous ont conduit à accepter ce poste de Secrétaire Général de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie ?
Pascal
Terrasse : La première
raison qui me vient à l’esprit est
qu’au-delà de mon engagement
partisan, j’ai cette passion pour la
Francophonie profondément ancrée en
moi. Nous vivons une époque où la
mondialisation divise plus qu’elle
ne rassemble, où les peuples sont
sans cesse confrontés aux tensions
et aux déséquilibres. Avoir une
langue en commun est plus qu’une
chance, « c’est un facteur d’unité
», comme le disait très justement
François Mitterrand. La langue
constitue le pivot de notre culture.
L’Assemblée Parlementaire de la
Francophonie (APF) est un lieu
d’échanges où il existe un dialogue
permanent entre les valeurs
universelles et les protections
individuelles. C’est aussi une
institution qui délivre un message
humaniste où la coopération
internationale et la diplomatie se
renouvellent chaque jour. En
acceptant ce poste, j’ai souhaité
défendre ces valeurs qui me sont si
chères : humanisme, coopération et
dialogue.
Au niveau parlementaire, vous avez été amené à coordonner en France des missions d´études et de coordination pour le compte du secrétariat d´État au tourisme. Cela vous donne t-il un éclairage particulier dans le cadre de vos nouvelles responsabilités ?
En effet, je connais
bien la problématique du tourisme.
J’ai d’ailleurs été en charge des
questions touristiques auprès de
François Hollande lors de la
campagne présidentielle. Le tourisme
est enjeu fondamental de nos
sociétés. Il représente en France
plus de 2 millions d’emplois et 7%
du PIB. C’est l’un des contributeurs
majeurs de l’économie mondiale. Il
ne faut donc pas négliger son impact
dans les politiques publiques. Au
niveau de l’espace économique
francophone, j’ai le sentiment qu’il
nous faut réengager une réflexion
afin de définir une nouvelle
stratégie de promotion du tourisme
comme facteur de développement
économique, de création d’emplois et
d’instrument de lutte contre la
pauvreté. Si nous voulons que
l’espace francophone rayonne, nous
devons le rendre attractif.
Vous avez effectué à ce jour tout votre parcours politique en Ardèche. Cet attachement à votre département rural a-t-il une « influence » sur la vision que vous avez de la Francophonie ?
Voilà plus de 15 ans
que j’ai été élu député de
l’Ardèche. Cette expérience au cœur
de la démocratie française m’a
appris une chose : il est nécessaire
de sans cesse se réinventer. Mon
souhait n’est pas de révolutionner
la Francophonie, mais plutôt de la
faire évoluer. L’APF mène un
important travail portant sur des
sujets tels que les libertés et les
droits politiques, la communication
et l’éducation, les obstacles à la
diffusion des connaissances dans les
pays francophones ou la place du
français dans les organisations
internationales. Ma connaissance du
monde rural me porte à croire que
les moyens de communication sont
essentiels pour le développement
économique et la consolidation
démocratique. La Francophonie doit
donc vivre avec son temps et prendre
le virage du numérique. Mais l’APF
doit avant tout être un espace de
débats et de propositions où le
point de vue de chacun est respecté.
C’est grâce à mon expérience d’homme
de terrain et ma qualité d’écoute
acquises au contact des Ardéchoises
et des Ardéchois que je
j’accomplirai ces différentes
missions.
Quelles vont être les grandes actions que vous souhaitez développer dans le cadre de votre mandat au sein de l´APF ?
L’APF ne peut rester
spectatrice des crises qui secouent
le monde. Elle doit faire entendre
sa voix et défendre les choix qui
sont les siens, être un espace de
vigilance qui permet à chacun de ne
pas oublier les principes qui nous
unissent. Dans les six mois qui
viennent, je vais, avec tous les
acteurs de la Francophonie
parlementaire, réfléchir sur les
initiatives à prendre. Pour autant,
le projet que je porte pour l’APF
devra s’inspirer de plusieurs
objectifs. Aider davantage aux
fonctionnements des parlements afin
de rendre les démocraties plus
fortes. Être davantage attentif aux
devenirs de nos résolutions.
Renforcer les partenariats avec les
autres opérateurs de la Francophonie
et les autres organisations
multilatérales pour multiplier notre
efficacité et développer les
synergies. Contribuer à accroître la
visibilité de l’APF. Faire de l’APF
un instrument encore plus efficace
de la coopération
interparlementaire.
La Francophonie peut-elle « rivaliser » avec l´influence du monde anglophone aujourd´hui présent dans tous les secteurs de la société, et en particulier dans l´univers économique ?
Nous partons souvent
d’un constat qui est erroné. La
perception commune voudrait que la
langue anglaise soit exclusivement
considérée comme celle de l’économie
et la langue française comme celle
la culture. La Francophonie a
beaucoup plus à offrir que cela.
Bien sûr, économie et culture font
aujourd’hui bon ménage grâce au
développement exponentiel des
échanges de biens culturels à
travers le monde et il faudra à
l’avenir continuer à investir dans
ce secteur. Néanmoins, l’ambition de
la Francophonie depuis le début du
XXIe siècle est de créer un espace
préférentiel, vecteur de
développement économique et de
croissance. Plusieurs domaines
d’intervention ont déjà été explorés
: le développement d’une économie
solidaire de proximité, le
renforcement de l’expertise de haut
niveau en négociation commerciale,
l’aide à l’accès aux financements
internationaux ainsi que
l’intégration régionale. Là encore,
je crois que la Francophonie doit
renforcer sa présence dans le champ
du numérique et des nouvelles
technologies. Le nombre de pages
anglophones sur Internet a très
fortement chuté au cours des 15
dernières années. Parallèlement, le
taux de sites en langue française a
augmenté. C’est aujourd’hui la
troisième langue la plus utilisée,
après l’allemand, mais avant
l’espagnol. L’accent doit également
être mis sur la formation des futurs
acteurs économiques et sur
l’apprentissage du français dans les
entreprises internationales. Enfin,
pour rivaliser avec le monde
anglophone, il nous faudra donner
une meilleure visibilité à la
Francophonie économique et sans
doute aller au-delà du Forum
francophone des affaires.
Quelle est votre perception de la Francophonie en ce qui concerne le Portugal. Connaissez-vous le Portugal ?
La Francophonie et la
Lusophonie ont beaucoup de points
communs et partagent le principe de
diversité linguistique et
culturelle. Outre la proximité de
leur origine commune, le français et
le portugais sont deux grandes
langues de communication
internationales, présentes sur
l’ensemble des continents, parlées
par un nombre de locuteurs très
proches et qui, face aux enjeux de
la mondialisation rencontrent des
défis similaires. Je crois savoir
que le Portugal et la France
signeront très prochainement un
nouvel accord-cadre de coopération
linguistique et éducative afin de
promouvoir l’enseignement du
français au Portugal et du portugais
en France. À titre personnel, je
connais assez peu le Portugal, mais
j’ai bien l’intention de coopérer
très activement avec la section du
Cap-Vert qui fait partie à la fois
de l’APF et de la Communauté des
pays de langue portugaise.
Avez-vous un message pour les lecteurs de Lepetitjournal.com ?
Le français est une
langue dynamique puisque 60% des
francophones ont moins de 30 ans.
J’invite tous ceux qui s’intéressent
de près ou de loin à la culture et
à la langue française à partager
leur passion afin que, tous
ensemble, nous faisions rayonner la
Francophonie à travers le monde.
Lepetitjournal/Lisbonne avec
la collaboration de Philippe
Despeysses
(www.lepetitjournal.com/Lisbonne)
lundi 29 juillet 2013
En savoir plus :
http://apf.francophonie.org/