Sujet :

Problème d'anglais à Moscou !

Date :

24/07/2009

D'Élisabeth Lambert  (courriel : elisabeth.lambert94(chez)orange.fr)  

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Une passagère aide un Airbus à atterrir à Moscou !

Non, non, elle n’a pas guidé l’avion en faisant des signes de la main depuis la piste d’atterrissage, pas plus qu’elle n’a pris les commandes après que les deux pilotes soient morts, ni rien d’aussi dramatique. 

On a simplement eu besoin de ses talents de polyglotte pour poser cette merveille de technologie !

Une moscovite Marina D. a aidé les pilotes à faire atterrir un avion sur l’aéroport Chéremetiévo-2, le 8 juillet 2009. Les pilotes français et le contrôleur aérien russe n’arrivaient pas à se comprendre en anglais !

La passagère raconte : « À mi-chemin environ, l’hôtesse m’a demandé si je voulais visiter la cabine de pilotage et, par la même occasion, traduire quelque chose. Probablement, que le choix s’est porté sur moi parce que j’avais discuté quelques minutes avec elle avant le départ. » 

« Selon les dires de Marina, les instructions étaient très simples, elles concernaient la distance et la direction : tourner au sud, tourner à l’ouest, faire plus de nœuds, prêts à atterrir etc., mais les pilotes n’arrivaient quand même pas à comprendre la prononciation du contrôleur. De plus, il y avait des interférences dans les écouteurs, qui gênaient beaucoup. « Finalement, nous avons atterri, mais il me semble que ce n’était pas au terminal où nous étions attendus. »

La passagère raconte ensuite qu’elle a compris d’après la conversation des pilotes - et leur calme - que cette situation n’était pas exceptionnelle.

Dans une deuxième partie, l’article aborde le problème des unités de mesure : « À part la barrière linguistique, une autre difficulté du ciel russe est le système métrique, utilisé uniquement en Russie et en Chine. Les pilotes étrangers doivent passer un certain temps à convertir en pieds les instructions des contrôleurs russes, données en mètres.

« De tels cas ne doivent pas arriver, - affirme le substitut du directeur du Centre du guidage automatique du flux aérien de Moscou Alexandre Povaliï.- Actuellement plus de 50% de contrôleurs maîtrisent l’anglais selon le niveau quatre de l’échelle ICAO, mais la situation décrite a pu arriver. Aussi bien pour nous que pour les Français, l’anglais n’est pas la langue maternelle, ce qui fait que des situations de mauvaise compréhension peuvent parfois arriver. Cela se produit le plus souvent avec les hispanophones (surtout les Cubains), les francophones (surtout africains) et les Italiens.

« Il est possible que nous renoncions au système métrique, au profit des pieds. L’aviation civile et les contrôleurs y sont en principe prêts. Une partie des compagnies utilisent déjà les pieds, mais éprouvent des difficultés bien compréhensibles. Cependant, militaires et fabricants de matériel électronique sont contre. »

Il faut savoir que selon l’annexe 5 de la convention relative à l’aviation civile internationale, il avait été recommandé à tous les États d’adopter le système métrique, sans succès pour l’instant...

 (On peut faire une exception pour le mille marin, dont l’usage a une raison pratique : du temps où les marins utilisaient le sextant, il était plus commode pour tracer les routes maritimes car le mille correspond à une minute d’arc de grand cercle (latitude). Ceci dit, maintenant, c’est plutôt le GPS ! Chose amusante, ça en fait une longueur variable selon le lieu et la rotondité de la Terre !)

 

L’anglais dans l’aviation civile

L’anglais a une fois de plus fait la preuve que sa complexité phonétique en faisait une langue totalement inadaptée aux communications audio, donc à son usage comme langue internationale de l’aviation. Cet incident, loin d’être isolé, en est un énième exemple. Une nouvelle qui ne sera certainement pas rapportée par nos propres médias...

Son usage de plus en plus large dans l’aviation ne résulte pas de considérations techniques, mais simplement de la puissance économique et politique des États-Unis d'Amérique. Il en est de même pour la mesure de l’altitude en pieds. 

L’ambigüité de l’anglais et sa difficulté phonétique a été co-facteur du plus grave accident aérien, celui de Ténérife en 1977.

Après cet accident, quelques modifications furent apportées au vocabulaire anglais utilisé dans l’aviation civile, une sorte de standardisation des échanges, ainsi que des procédures de répétition systématique des échanges entre pilotes et tour de contrôle.

Présenté comme ça, on se dit que le problème est réglé, mais comment connaître depuis lors le rôle du facteur linguistique quand il n’existe pas de recensement des erreurs de communication ? Car celles-ci sont regroupées dans les erreurs humaines.

Naturellement, je veux dire of course, selon les partisans de l’anglais comme langue véhiculaire, le problème vient de la méconnaissance de l’anglais par les pilotes de certains pays, et non de l’anglais lui-même : « La situation est telle que la mauvaise connaissance de l’anglais de certains pilotes - lorsque ce n’est pas une méconnaissance totale - est considérée comme l’un des principaux obstacles à la sécurité aérienne dans le monde. (..)

D’après le dernier rapport de sécurité de l’Association du transport aérien international (IATA), la mauvaise communication entre le personnel de bord et les contrôleurs aériens figure parmi les trois principales causes d’accidents en 2007.

L’organisme avance même qu’une meilleure maîtrise de l’anglais par les équipes de pilotage aurait permis d’éviter jusqu’à 21 % des accidents aériens cette année-là. Accidents qui, rappelons-le, ont causé la mort de 692 personnes.

La situation serait particulièrement difficile en Chine (à l’exclusion de Hong-Kong), où les compétences linguistiques des pilotes et des contrôleurs aériens sont « horribles », estime Cesar Castro, pilote chez Jet Airways, une des plus importantes entreprises de nolisement en Inde. « Je ne sais pas s’ils refusent d’apprendre l’anglais ou si, comme pour les pilotes indiens, leur fort accent rend la communication difficile. C’est la même chose au Moyen-Orient. » Les Affaires.com

Selon cet article, une autre des plus grandes catastrophes aériennes est due à un malentendu linguistique : « En novembre 1996, 349 personnes ont perdu la vie près de New Delhi dans une collision entre des appareils de Saudi Arabian Airlines et de Kazakhstan Airlines. Les boîtes noires ont révélé que le pilote kazakh ne parlait pas anglais et qu’il avait confondu deux consignes données dans cette langue. »

 Outre ces deux catastrophes aériennes, combien d’incidents de cause linguistique sont méconnus, parce que sans conséquences fâcheuses ?

L’anglais est très difficile phonétiquement, c’est reconnu par les linguistes, les pédagogues, par les Anglais eux-mêmes, dont l’humoriste Bernard Shaw, et confirmé indirectement par les récentes études sur la dyslexie, affection multifactorielle dont les petits Anglais souffrent deux fois plus souvent que les petits Italiens, langue bien plus régulière. 

Pourtant, malgré tout cela, l’anglais ne saurait être remis en cause, c’est très clair dans l’article du bien nommé site Affaire.com, car c’est justement d'affairisme, de puissance et de politique qu’il s’agit : « L’OACI exige maintenant des pilotes et des contrôleurs aériens qu’ils aient non seulement une compréhension minimale de l’anglais, mais également - et c’est souvent là que le bât blesse - une prononciation intelligible. Le niveau 4 sur une échelle de 6 correspond au niveau requis pour les pilotes et contrôleurs aériens. Cette maîtrise de l’anglais doit être réévaluée tous les trois ans. »

 Ce nouvel incident a prouvé une fois de plus que ce problème de la communication mondiale dans des situations à haut risque n’est toujours pas résolu... Pire : qu’en discuter n’est absolument pas à l’ordre du jour.

 

Seule réaction des autorités politiques : apprenez tous l’anglais, plus et mieux ! 

 Dommage que la puissance et la politique l’emportent sur l’intérêt général.

 La Croix Rouge, la SDN et l’ONU furent les premiers pas vers une entente mondiale sur les grands problèmes de l’humanité, mais le chemin de l’intérêt général est encore une course d’obstacle qui bute sur les intérêts et les égoïsmes nationaux.

 Tribunal pénal international, gestion du risque nucléaire, environnement, partage des ressources, tout ce qui est international est à la peine et la communication mondiale n’y fait pas exception. 

 

 Krokodilo

 

 

Source : agoravox.fr, le 22 juillet 2009

Possibilité de réagir sur : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/une-passagere-aide-un-airbus-a-59086

 

 

 

 

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