Sujet :

Anglomanies ordinaires

Date :

04/05/2009

D'Étienne Parize  (courriel : etienne.parize(chez)orange.fr)     

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

 

CHRONIQUE D’ÉTIENNE PARIZE

    

 

J’ai lu ou entendu.   octobre 2008

Une publicité pleine page, dans le quotidien « Le Courrier picard » du 04 octobre 2008, nous propose de devenir un partenaire, un client de « SFR business team ». J’avais toujours cru que cette entreprise était française !

Fémina, la revue qui anglicise !Le n° 341 de la revue « Version femina » (octobre 2008), ne déroge pas à son principe. Trois des cinq sous-titres de la première de couverture sont ainsi libellés : « Je change d’humeur, je change de make-up », « Je suis fan des fards vintage », « J’écoute ma peau, je la booste illico ». Dans le même numéro, on parle aussi de "cocooning", et de « boucles glamour ». Il ne faut surtout pas que nous oubliions notre vocabulaire !

Il est amusant de constater combien les rédacteurs de revue manquent d’idées et d’originalité, pour sous-titrer ou même titrer leurs articles. Ainsi le numéro de « ça m’intéresse – santé & psychologie » d’octobre 2008 titre ainsi trois articles : « Le paradoxe du bad boy », « Bon plutôt que light », « Une idée de wwoof ! ». Quant au journal « Le Courrier Picard », il rapporte les propos du footballeur Éric Abidal : « Le groupe a un bon feeling avec le coach ».

« Le Courrier Picard » du jeudi 2 octobre 2008 nous apprend qu’une voiture automobile non-polluante, conçue en France, apparemment, puisqu’elle a été essayée par Ségolène Royal dans la région Poitou-Charentes qu’elle dirige, a été baptisée la "Simply-City". Quelle recherche !

Chers amis de la langue française, vous avez certainement entendu, au bulletin d'informations de France 2, au soir du dimanche 12 octobre 2008, qu'un nouveau train allait bientôt être mis en service, un TER, je crois. Et, d'après vous, de quel nom a-t-on baptisé ce train ? L'avez-vous entendu ? Il s'agit du "Mooviter", bien sûr ! Les dictionnaires français sont si pauvres que l'on n'y trouve même plus de quoi nommer les trains. J'ai aussi remarqué que l'une des voitures portait cette inscription : « Ludospace". Pourquoi les prêtres-baptiseurs de trains se refuseraient-ils un tel plaisir ?

La revue « Version femina » n° 342 du 17 octobre 2008 présente l’actualité des "USA" sur quatre pages ; propose les "looks" d’une marque de vêtements ; précise que "It’s how you live" sur une publicité de canapé (il faut vraiment bien chercher pour trouver la traduction de cette expression, en caractères minuscules et verticaux) ; passe une publicité Peugeot "Blue lion", "web store" ; publie des photos de mannequins sous les titres "City chic", "rock’n’roll", "couleurs british". Au fait, n’ai-je pas atterri cette nuit aux "USA" ?

L’émission de France 2 « Service maximum », animée par Julien Courbet, est truffée de termes anglais. Par exemple, le 16 octobre 2008, j’ai relevé les mots et expressions suivants : "news", "success story", "low cost", "street driving"… Il y en avait bien d’autres, mais j’essaie de ne pas utiliser trop de papier ! Et, souvent, l’orthographe ou la prononciation anglaise m’est inconnue.

À grand renfort de publicité, le magasin « Champion », de Breteuil-sur-Noye (Oise), nous annonce qu’il se nomme désormais "Carrefour Market". Nous sommes à la fin du mois d’octobre et le sombre automne tombe un peu plus encore sur la langue française.

Le magazine « Version femina » du 31 octobre 2008 nous gratifie à nouveau de quelques belles tranches d’anglomanie avec le "trench gap", le "make-up" fraîcheur, le "prendre un coach", le "faire un lifting", le "faire un peeling". Sans autre commentaire !

« Le Courrier Picard » du 31 octobre 2008 publie un long article, dans la rubrique « Vie quotidienne », sur le "hiving", nous prévenant tout de suite que ce mot n’a pas de traduction en français. Ce serait une méthode, sûrement pas venue de Russie, qui permet de « cultiver son intérieur tout en étant tourné vers l’extérieur ». C’est clair, non ! Après le "cocooning", nous dit-on, voici le "hiving". L’article cite aussi le "home working", pour être bien complet !  

Le 31 octobre 2008, c’était, je crois, jour d’Halloween, cette affreuse « fête » étatsunienne. Patrick Timsit a choisi ce soir-là pour venir présenter sur le plateau de France 2 son "The one man stand-up show". Cette expression fait très « sorcière » et donc très halloweenienne  !

 

J’ai lu ou entendu.  novembre et décembre 2008

 Le "shopping" est un mot qui fait presque partie du vocabulaire courant, désormais. On pourrait aisément dire : faire ses courses, faire ses achats, ce qui serait tout de même plus beau. Mais non ! Le magazine « Version femina » n° 345 du début novembre 2008 insiste sur l’expression "shopping à domicile" ajoutant : "le look sans le stress". Une autre rubrique s’intitule "Quelle beauty addict êtes-vous ?

On nous avertit, dans les pages de la même revue (n° 346 du 14 novembre 2008), que l’ "Open space" est le symbole du "management" moderne. Qu’on se le dise !

Fémina, la revue qui pollue"Get up stand u", c’est le titre d’un articulet publié le jeudi 27 novembre 2008 par notre quotidien « Le Courrier Picard », afin d’évoquer une nouvelle émission proposée par Laurent Ruquier dans les prochaines semaines.

Le magazine « Version femina » n° 349, sur sa première de couverture, annonce sa présentation de la mode de la façon suivante : "so black so chic !". Peugeot fait de la publicité pour son site, sans doute bien français, Peugeot "webstore.com". On nous parle de "mugs", de "made in USA", de "girly", de "best of", de "netbook", bref ! de tout ce qui nous fait vraiment plaisir. 

« Greenpeace a effectué une opération surprise d’affichage sauvage d’une photo de Nicolas Sarkozy dans une station du métro parisien afin d’attirer l’attention du grand public sur l’importance des négociations internationales en cours sur le climat », nous annonce « Le Courrier Picard », dans son numéro du vendredi 5 décembre 2008. En énormes caractères nous pouvons lire les mots suivants : "YES YOU MUST". Il y a fort à parier que la plupart des gens du grand public dont il est question ne comprendront pas la signification des ces mots. Je ne sais pas non plus ce qu’ils signifient.

Dans le même numéro, un restaurant qui n’inscrit que son numéro de téléphone, propose son « repas de la Saint-Sylvestre "happy new year 2009". Le traditionnel « bonne nouvelle année » serait-il lui aussi frappé par la crise… du français ?

 

    

J’ai lu ou entendu.  janvier 2009

« Le Courrier Picard » publie une information en ces termes (extraits) : « Le chairman Laurent Nkunda (en République démocratique du Congo), a été destitué pour mauvais leadership. » Mais ce quotidien ne propose pas de dictionnaire d’anglais !

Un reportage de France 2, dans l’émission de Julien Courbet, a pour sujet les « smothies ». On nous affirme que ce sont des jus de fruits de différentes natures. Alors, pourquoi ne nous dit-on pas « jus de fruits », plutôt que de nous balancer ce mot imprononçable ?

« Le Courrier Picard » du 10 janvier 2009, dans un article assez important, nous présente une nouvelle forme d’intimidation d’enfants, le harcèlement en ligne, tout droit venu des États-Unis, naturellement. Quel nom a-t-on choisi pour le commentaire ? "Cyberbullying !". Il eût été étonnant que l’on prît une traduction française. Ce harcèlement fait des ravages aux États-Unis et pousse même certains jeunes au suicide, nous apprend-on. Si, de surcroît, on détruit notre langue avec de tels termes, où va-t-on !  

En général, les clubs de danse qui se créent prennent un nom de baptême anglais. Nous en eûmes encore un exemple tout récemment, avec le nouveau club d’une commune de l’Oise, Noyers-Saint-Martin. Le "Far west club" organise sa soirée « country » le 07 février 2009. Dans l’après-midi, une initiation aura lieu, avec une animatrice du "Far west club et des Easy come dancer’s". Je lis même sous l’image "Ann4linedance".

« Le Courrier Picard » du 26 janvier 2009 titre ainsi un de ses articulets : « Fais pas ta guest star », précisant que la série « Fais pas ci, fais pas ça », sujet de l’articulet, s’offre un "casting". 

D’après une information publiée par « Le Courrier Picard » du 27 janvier, les magasins Auchan vont ouvrir de nouvelles succursales appelées "Simply market". Pourquoi pas, puisque toutes les atteintes à la langue française restent impunies, et sont même encouragées par certains membres très anglophiles du gouvernement.

Deux articulets du « Courrier Picard » du 29 janvier portent les titres suivants : "Marie veut tester le home staging", et « La grève booste le co-voiturage ». Le même jour, le journal nous indique que la société de production « French TV » (vive l’Angleterre ! ), promoteur du jeu télévisé « Le 4e duel », en propose un autre : "Le challenger".

Je lis que les lettres EPR du réacteur nucléaire nouvelle génération, fabriqué par les Français, me semble-t-il, et peut-être même inventé ou très amélioré par eux – je ne sais pas exactement – signifient : "European pressurized water reactor".

"Amsterdam hype", lis-je dans notre quotidien. Que signifie le second mot ?

 

 

J’ai lu ou entendu.  février 2009

Run Handi Move ou les handicapés de la langue françaiseFigurez-vous qu’une association française qui permet à des enfants atteints de maladies neuromusculaires d’arpenter des montagnes avec l’aides de personnes valides et d’un matériel spécial, se nomme "Run Handi Move". Il fallait y penser ! Je lis cette information dans le n° 138 de la revue « Vaincre les myopathies ».

La « Fête du Timbre » 2009 propose une émission sur le thème des "Looney Tunes". Bien ! Mais savez-vous ce que c’est ? Je n’ai jamais entendu parler de cela et, vu l’appellation, je n’ai pas besoin qu’on me dise d’où cela vient.

Comme chaque année, me semble-t-il, nous avons eu droit à une "fashion week" à Paris, d’après notre quotidien qui rappelle cet événement important.

Le 26 février 2009, « Le Courrier Picard » publie un article relatif au "premier festival Picardia live in Valencia", qui aura lieu du 5 au 7 mars sur les scènes espagnoles, « porté par Le Patch, réseau des lieux de musiques actuellement en Picardie ». C’est clair, non ! Des groupes de rock picards iront se produire en Espagne. Les formations picardes ont pour nom : "Dialokolectiv", "John Makay", "Dj Jos". Tout cela est vraiment Picard, n’est-ce pas ?

La revue artistique « L’œil », de janvier 2009, titre ainsi son article de la page 98 : « Brafa, une présence française toujours forte ». Et que signifie Brafa, me demanderez-vous ? Et bien il s’agit de : "Brussels Antiques & Fine Arts Fair". La revue souligne : « Ce changement de nom témoigne de la volonté des organisateurs d’insister sur l’évolution qualitative et internationale relevée ces dernières années. » Or, s’il s’agit vraiment d’une évolution « internationale », pourquoi donne-t-on à cette présence prétendument française, une dénomination anglaise ? C’est à y perdre son latin ! 

« Création d’une task-force de renseignement », nous annonce le quotidien régional, le 1er février 2009, et cela afin de lutter contre le grand banditisme en Corse.  

 

J’ai lu ou entendu. mars 2009

Le 04 mars, le quotidien « Le Courrier Picard » nous annonçait que Peugeot allait bientôt sortir un "Crossover". Grand bien lui fasse !

Le même jour (je crois me souvenir ! ), l’écrivain Christian Salmon annonce sur Canal +, vers 19 h 30, qu’il vient de publier un livre dont le titre est "Storytelling". Le même Salmon parla aussi du "networking". Michel Denisot, sans doute agacé par ces anglicismes dont l’utilisation est infondée, lui fait remarquer l’emploi trop fréquent de ceux-ci.

« Version femina » n° 363 du 13 mars 2009 rédige ainsi quelques titres de sa couverture : "Le mail, ami ou ennemi ?" ; "soins, make-up, cheveux, black beauty".

Quand Vichy collabore à l'anglicisationLes bouteilles d’eau minérale « Vichy célestins » portent désormais le mention : "drainocoach", ai-je remarqué tout récemment. Pour attirer les clients anglo-saxons ?

Le dimanche 15 mars, dans une émission de télévision que je regardais assez distraitement, sur la cinquième, je crois, j’ai entendu un « auteur » nourrir ses phrases de nombreux anglicismes, a tel point qu’elles me devenaient incompréhensibles. L’absence de papier près de moi ne m’a permis de relever dans ma mémoire que les termes suivants : le "quick book" et "vintage".

Un articulet du quotidien « Le Courrier Picard » nous annonce qu’à Formerie, un magasin d’alimentation portera désormais le nom de "Simply market". Mais ce n’est pas un "discounter", ajoute le journaleux.

À la mi-mars 2009, dans un numéro de « Version femina », on peut lire deux des titres d’un dossier culinaire de la façon suivante : « je brunche" et « je slunche". Bravo !

 

J’ai lu ou entendu. avril 2009

Depuis quelques semaines, je relève moins que naguère les anglicismes, néologismes, fautes sémantiques, etc., qu’il m’arrive de lire ou d’entendre ici ou là. Ce sont toujours les mêmes, avec parfois quelques variantes, et, me semble-t-il, une accentuation du phénomène d’état-suno-anglicisation, aussi bien dans les journaux et revues que je lis, que dans les émissions de télévision que je regarde. Alors, je me demande souvent si cette lutte que nous menons depuis des décennies pour préserver notre langue est bien utile, finalement.

Il me plaît cependant de vous rapporter deux faits, constatés aujourd’hui même, le 30 avril 2009. Sur une demi page, notre quotidien régional « Le Courrier Picard » nous communique des informations diverses. 1er article, à gauche : "Les fast-foods" Le saviez-vous ? – 2e article, au centre : « Les Nouveautés audio », avec les sous-titres suivants : "ipod shuffle, Apple" ; "w508, Sony Ericsson" ; "Ultimate ears, logitech" ; "lunettes MP3, Mensway" ; "minicruiser, S&D" ; "squeezebox, logitech". 3e article, à droite : « Fiche CD Nouveautés » - « PPFC La Valse des enragés » ; "Black Light Burns, Cover your heart" ; "Terence Fixmer, Fiction Fiction". Ne pourrait-on pas déjà se croire en Anglosaxonie ?

Le comité des fêtes de notre village, Saint-André-Farivillers, nous glisse dans notre boîte à lettres, un feuillet signalant qu’une erreur a été commise dans le programme. Ce feuillet A5 de quinze lignes ne contient pas moins de 21 fautes orthographiques diverses, dont 12 fautes d’accents. Il n’y a donc pas qu’une erreur, qui s’est glissées dans le programme, mais aussi 21 fautes, je le répète. Ah ! pauvre langue française, à quelle vinaigrette on t’assaisonne !

 

Étienne PARIZE

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