Sujet : La parole à... Dominique Wolton
Date : 03/02/2006
Envoi de : Festival Francophone en France (info@francofffonies.fr)

                   

Le festival francophone
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La parole à … Dominique Wolton

Membre du Haut Conseil de la Francophonie et du comité d’honneur du Festival francophone en France, le sociologue Dominique Wolton (CNRS) est le messager d’une francophonie décomplexée, libérée de son cadre historique, qui inscrit sa singularité dans une mondialisation non plus redoutée, mais assumée. Et, comme on peut le constater ici, Wolton, bretteur infatigable sur le front de la diversité culturelle et du français, n’a pas coutume de pratiquer la langue de bois !

 

fff : Les 27 et 28 avril prochain, au Sénat, c’est un colloque intitulé «La mondialisation : une chance pour la francophonie » qui marquera le point d’orgue de votre intervention dans le cadre du Festival. Ne craignez-vous pas qu’on vous reproche d’ajouter inutilement des mots aux mots et est-il vraiment souhaitable de multiplier ainsi les débats ?

D.W. : Ce Festival survient au moment où la boîte de Pandore s’est déjà ouverte, que nous le voulions ou non. Les limites de la loi sur les bienfaits de la colonisation, les émeutes dans les banlieues, les interrogations sur la politique d’immigration et ses conséquences, les vicissitudes de l’intégration. Que la France admette qu’elle soit multiculturelle. C’est une richesse. Multiculturelle par les outre-mers et les enfants de l’immigration. Et au coeur de la diversité culturelle avec la Francophonie. Une France ouverte sur le monde et qui n’a rien à voir avec le déclinisme. Les rencontres qui auront lieu dans le cadre de francofffonies ! seront l’occasion de rappeler aussi qu’une société n’est pas seulement définie par son économie. La nôtre est riche de toutes les identités qui la constituent, à l’instar de notre langue, nourrie d’apports qui lui sont venus du monde entier. Ce débat vaut « en soi », par son existence même, du fait qu’il intervient dans des conditions qui sont mûres pour l’accueillir, grâce aux universitaires, aux militants, aux chercheurs qui l’ont préparé et lui ont ouvert la voie depuis des années.

 

fff : Ne peut-on s’attendre à ce que s’y expriment des revendications précises ?

D.W. : Bien sûr ! Le colloque est aussi le lieu d’une prise de parole, où tout ressort. Et c’est normal. Notamment en ce qui concerne les visas : il n’y a pas de mondialisation sans liberté de circulation, non seulement pour les marchandises, mais aussi pour les hommes. Comment se fait-il que les seuls qui sont aujourd’hui admis à circuler librement sont les hommes d’affaires ? Il faut évidemment aller au-delà. Il est urgent que la France, en particulier, fasse son « aggiornamento » pour échapper au « karcher » culturel, et pour respecter la richesse de tous ses enfants. Par exemple, je suis pour une coopération transnationale entre les universités, des échanges de programmes et d’étudiants, bref, pour un Erasmus francophone...

 

fff : Devra-t-il aussi y être question du réseau culturel français à l’étranger ?

D.W. : C’est un paradoxe pathétique : au moment où il faut s’ouvrir à la mondialisation, on réduit la voilure de nos services dans un réseau constitué depuis un siècle, qui était l’un des meilleurs au monde ! On marche sur la tête ! Jamais l’universalisme que porte la Francophonie n’avait plus de chances d’être entendu et c’est alors qu’on réduit la politique culturelle extérieure ! L’argument économique avancé ne fait que traduire une absence de volonté de l’ensemble de la classe politique. Comment se battre pour la diversité culturelle et ne pas réaliser l’importance d’une politique culturelle extérieure et d’une place plus grande faite à la Francophonie ?

 

ff : Accepterez-vous que les débats débordent du périmètre culturel ?

D.W. : Historiquement, la Francophonie s’est installée avec la langue. Ensuite elle a pris en compte les droits de l’homme, puis le développement durable et enfin, comme on le constatera à Bucarest lors du prochain sommet, l’éducation. Bref, on voit l’élargissement et les liens avec les Pays les Moins avancés. Mais la Francophonie est aussi constituée par des pays riches. Elle est Nord-Sud et Est-Ouest. Sa diversité doit aussi s’inscrire dans l’économie, y compris celle des nations les plus développées. Il ne faut pas que les Francophones se marginalisent en tournant le dos à l’entreprise. Cela reviendrait à laisser les multinationales aux mains des seuls américains, ou, pire, les singer en adoptant par exemple l’anglais dans une PME dans l’espoir de lui conférer un « look » cosmopolite ! Or, Danone ne ressemble pas à Exxon. Des entreprises françaises, canadiennes, marocaines, n’ont aucunement lieu de se fondre dans un commun conformisme conçu dans le Middle-West. La mondialisation des marchés ne doit pas gommer les identités économiques où la Francophonie a toute sa place. Il existe bel et bien un style de gestion francophone qu’il nous faut défendre. Sinon, on court le risque, en France et en Europe, de voir l’anti-américanisme se muer en un anti-occidentalisme encore plus lourd à gérer...

* Auteur de nombreux ouvrages, Dominique Wolton publiera au mois de mars prochain Demain la Francophonie. Pour une autre mondialisation, chez Flammarion. Par ailleurs, il a dirigé le collectif de Mondes francophones. Auteurs et livres de langue française, Edité par l’ADPF/ministère des Affaires Étrangères.

 

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