Sujet : Appel à la résistance linguistique et culturelle
Date : 14/05/2010

De : Georges Gastaud  (courriel : gastaudcrovisier2(chez)wanadoo.fr)  Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez "chez" par "@"

 

Ensemble, faisons échec à l’entreprise impérialiste tendant à faire de l’anglo-américain des affaires la langue uniques mondiales !

 

Appel internationaliste et progressiste à la résistance linguistique et culturelle

 

Sous un masque de pseudo-« modernité », une entreprise impérialiste d’une extrême gravité vise à imposer aux peuples une langue planétaire unique. Mobilisant pour cela d’énormes ressources financières, médiatiques, institutionnelles et parfois… militaires, l’impérialisme américain, les institutions de la mondialisation néo-libérale, l’Europe supranationale capitaliste, les gouvernements « nationaux » qui leur sont inféodés, le grand patronat, la haute finance, les transnationales usent de leurs énormes moyens médiatiques pour évincer, marginaliser et éradiquer les langues et les cultures nationales et locales afin d’imposer à tous les peuples une « culture » unique (l’ « american way of life ») et une langue unique (le « business-English »). Des langues, des cultures séculaires, qui appartiennent au patrimoine universel de l’humanité, sont menacées de mort ou de relégation. Derrière la façade séduisante d’une langue « commune » planétaire, un projet de domination et de discrimination sans précédent par son échelle se met en place.

 

De lourds dégâts culturels et linguistiques sont déjà très visibles dans de nombreux pays, et cela risque de s’accentuer de manière rapide et irréversible si les peuples et leurs organisations progressistes n’accentuent pas et ne fédèrent pas leurs résistances : cette oppression linguistique se traduit déjà en effet  par une hiérarchisation insupportable des peuples en fonction de leur soumission à la langue des « maîtres », par la décomposition programmée des nations au profit des monopoles capitalistes et de leur « libre-échange » sous tutelle états-unienne, la relégation nationale et sociale de peuples entiers, l’humiliation et la marginalisation socio-politique des classes populaires, la mise en place d’une pseudo-élite « mondialisée » qui se fait gloire de mépriser la langue de son peuple pour mieux relayer les diktats des institutions supranationales du capital, voilà à quoi peut conduire le triomphe de l’entreprise actuelle visant à basculer des zones de plus en plus larges de la planète vers la langue unique et la « culture » uniques imposées par l’impérialisme états-unien.

 

Bien entendu, la langue anglaise n’est en rien coupable de cette redoutable entreprise « globalitaire » : car ce que promeuvent, en y investissant des milliards, les transnationales et les institutions politiques à leur service n’est pas l’anglais de Shelley ou de Hemingway : le « business English » est un code appauvri et idéologiquement formaté, totalement coupé de l’histoire des peuples, de leurs besoins et de leurs luttes, un mode de communication qui véhicule partout subrepticement l’idéologie dominante du capital financier mondialisé : à la langue unique correspond ainsi le projet hégémonique et liberticide d’un marché, d’une pensée, d’une politique, d’un mode de gestion économique uniques ne laissant aucune place à la diversité des projets politiques et intellectuels dont la culture a besoin pour vivre et se développer. Et ce projet uni-linguistique et mono-culturel est d’autant plus dangereux qu’il est « vendu » aux peuples sous l’étiquette de l’ « avenir » et de la « liberté »…

 

Face à cette entreprise mondialisée d’oppression et d’éradication culturelle, les militants du mouvement populaire, les intellectuels progressistes, doivent rappeler cette évidence : l’unité internationale de l’humanité, pour laquelle milite depuis toujours le mouvement ouvrier et démocratique, n’a rien à voir avec l’alignement des peuples sur UN groupe dominant de pays, encore moins avec la prétention du capitalisme mondialisé d’imposer à tous et pour toujours ses normes régressives, mercantiles, ultra-violentes et dé-civilisatrices. Comme l’ont enseigné les penseurs progressistes de tous les pays, l’internationalisme des travailleurs ne s’oppose par au patriotisme populaire, au contraire : parce qu’il n’aspire qu’au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le patriotisme populaire s’oppose au colonialisme, au cosmopolitisme capitaliste, au supranationalisme impérialiste, ainsi qu’à leurs instruments idéologiques : racisme et xénophobie. Pour marcher vers l’unité internationale des peuples, la voie courte n’est pas celle de la domination d’une nation ou d’un groupe de nations « élus » imposant au monde la langue et le mode de vie de leur classe dominante, mais le droit effectif pour tous les peuples de développer leur économie, leur culture, leur langue, leurs conquêtes sociales, tout en échangeant à égalité ; ainsi procèdent aujourd’hui les peuples souverains qui constituent l’ALBA : ils utilisent pour communiquer des langues internationales, notamment l’espagnol, mais qui montrent aussi un grand respect pour les « langues indigènes » si longtemps niées par le colonisateur.

 

Pour résister et passer à la contre-offensive, les peuples disposent d’une arme puissante : la solidarité internationale. Celle-ci doit évidemment se développer impétueusement dans les domaines politique et social pour faire face à l’offensive du capitalisme confronté à sa crise systémique et désireux d’exploiter à fond, y compris sur le plan culturel et linguistique la disparition du camp socialiste. Mais ne faut-il pas également développer partout, et de manière concertée, les résistances culturelles et linguistiques, promouvoir de vrais échanges culturels égalitaires entre les peuples, contourner et briser le monopole des médias de l’impérialisme et de son industrie culturelle mercantile, encourager un véritable multilatéralisme linguistique, combattre le « tout-anglais », développer sans complexe les langues nationales, refuser le monopole de l’anglo-américain et développer le plurilinguisme dans le cadre des échanges internes au mouvement ouvrier et démocratique, réfléchir à l’utilisation éventuelle d’une langue internationale neutre[1], faire partout de la résistance linguistique une composante essentielle du combat populaire et progressiste ? C’est une tâche d’honneur pour tous les militants, organisations, intellectuels qui mettent au premier plan leur union avec leur propre peuple, l’union à égalité de tous les peuples, le refus de collaborer à la mise en place d’un « nouvel ordre linguistique et culturel mondial » en échange d’une situation flatteuse, mais secrètement humiliante pour eux-mêmes et pour leur pensée politique, philosophique, scientifique, littéraire, artistique, technique.

 

C’est à quoi les initiateurs de ce texte invitent tous ceux qui voudront bien soutenir cet appel et le diffuser largement autour d’eux, et d’abord en direction des intellectuels de progrès, des militants et des organisations du mouvement populaire.

 

[1] Qui pourrait être l’espéranto, mais naturellement cette question doit être largement débattue ?

 

Initiateurs :

France : Georges Gastaud, philosophe, militant communiste, résistant linguistique ; Annie Lacroix-Riz, professeur d’histoire contemporaine, Paris 7, résistante linguistique, Matthieu Varnier, chercheur en robotique, secrétaire général du Co.U.R.R.I.E.L. (Collectif Unitaire Républicain pour la Résistance, l’Initiative et l’Emancipation Linguistique), Nathalie Sage Pranchère, archiviste-paléographe, agrégée d'histoire, Daniel Antonini, secrétaire international du P.R.C.F., Pierre Pranchère, ancien député communiste, ancien Franc-Tireur et Partisan de France, Rémy Herrera, Chercheur au CNRS (Centre d'Economie de la Sorbonne), Yves Vargas, philosophe, Marie-France Fovet, professeur de philosophie, secrétaire de France-Cuba-62, Bernard Colovray, ouvrier, syndicaliste du Livre. Lucien Wasselin, écrivain, résistant linguistique; Dominique Mutel, syndicaliste, agrégé d’anglais ; Miguel Urbano Rodrigues, écrivain et a. député communiste au Parlement du Conseil de l’Europe, Benoît Foucambert, militant du Front syndical de Classe.