Sujet : Postel-Vinay ou l'art d'utiliser la langue française pour l'assassiner
Date : 21/01/2010

De : Georges Gastaud  

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"BOOKS", ou l'art d'utiliser la langue et la littérature françaises pour les assassiner.  

 

Soutenu par Télérama, qui ne sait plus que faire pour promouvoir le tout-anglais, le nouveau magazine "Books" consacré aux "bestsellers" infeste nos boîtes aux lettres d'offres d'abonnement présumées alléchantes. Son directeur, M. Postel-Vinay a tous les culots. Il présente son magazine comme à « contre-courant », « anticonformiste », ouvert à la « richesse et à la diversité », utilisant ainsi tous les « marqueurs » traditionnels du conformisme et du politiquement correct. Illustrant même, sans souci de la contradiction, un propos célèbre des « Tontons flingueurs » sur les gens qui osent tout, ledit Postel-Vinay ose même mettre en avant la rubrique « francophilie » de "Books"...

Pourtant, dans un texte d'accompagnement très défensif, et qui montre involontairement que certains lecteurs potentiels de sa revue ont déjà dû manifester leur mécontentement au sujet du titre choisi, le « président-fondateur » de "Books" justifie laborieusement la dénomination qu'il a choisie pour promouvoir la « diversité » et la « francophilie » : il paraît, voyez-vous, que le mot "Books" figure déjà au « Petit Robert de la langue française » (honte à ses rédacteurs qui « couvrent » de leur autorité la casse d'une langue qui les fait vivre !) même si, - concède notre très modeste « président-fondateur » -, ce triste barbarisme ne figure pas « encore » au dictionnaire de l'Académie : et pour cause ! Car le jour où l'Académie déclarera qu'on peut dire "yes" au lieu de « oui », "books" au lieu de « livre », "how do you do ?" au lieu de « comment vas-tu ? », la langue française aura disparu et sa plus haute autorité sera passée avec armes et bagages à l'envahisseur en acceptant de présenter comme du français un patois abâtardi du globish...

Il est vrai qu'aux dires de M. Postel-Vinay, "Books", paraît-il, « sonne international » : ce qui signifie clairement que, pour M. Postel-Vinay, le français, parlé sur les cinq continents n'est qu'un misérable patois provincial (comme d'ailleurs l'espagnol, le chinois, le portugais, l'arabe, l'allemand, sans parler de l'espéranto...) . Bref aux yeux de M. Postel-Vinay, le français qu'il baragouine n'est au mieux qu'une variante méprisable du "globish"; la langue d'Aimé Césaire peut encore à la rigueur servir à communiquer entre indigènes franchouillards (le temps que les contre-réformes Pécresse et Chatel aient basculé à l'anglais TOUS les cours de l'Éducation nationale et de l'Université ...) et, accessoirement, à rédiger et à promouvoir "Books" auprès de ces demeurés de francophones, mais en aucun cas notre langue n'est digne de NOMMER les réalités, et surtout, les enseignes nouvelles. C'est en effet sciemment que les mots français existants (« LIVRES », ou « BOUQUINS ») ont été jugés peu « vendeurs », et cela non par l'usage populaire ou savant, mais par le diktat des « communicants » du grand patronat. N'est-il pas clair que les « pubards » qui règnent sur les modes linguistiques ont reçu mandat d'aider leurs commanditaires à briser une langue, un pays, une culture, et au-delà des mots, une histoire et une culture susceptibles de faire obstacle à la langue, à la politique, à l'économie et à la LANGUE uniques portées par l'impérialisme nord-américain et par ses commis « européens » ?

Car derrière le verbiage « culturel » et l'éloge hypocrite de la « diversité », Postel-Vinay et le groupe médiatico-financier qu'il représente, ne font qu'imiter les méga-épiciers de Carrefour et d'Auchan, qui sans que cela réponde à quelque demande que ce soit de la part des clients (qui préfèreraient voir les prix de vente baisser sur les étagères et les prix d'achat et les salaires augmenter pour les paysans et les caissières) viennent de rebaptiser leurs enseignes respectives "Carrefour City", "Carrefour Market" et "Simply Market"...

Allez Monsieur P.-V., encore un effort pour afficher le titre de vos rêves, "Books Supermarket" ou "French Readers Digest", par exemple.... Mais surtout, pourquoi ne pas avoir la loyauté d'aller au bout de votre logique capitularde ? Quitte à choisir l'anglais « international » pour promouvoir votre produit culturel, ayez le courage d'écrire votre "news" culturel en anglais en ciblant les anglophones et tous ceux qui, dans le French Euroland, sont « accros » à cet idiome !

Il est en effet pervers, Sir, d'utiliser le français, qui a fait votre fortune à travers différentes publications, pour assassiner votre langue maternelle en confiant à l'anglais « le haut de l'affiche » et en concédant royalement au français le rôle du soutier linguistique et du porteur d'eau culturel... Ayez donc le courage d'assassiner la langue sans la contraindre à se suicider !

En réalité, le titre "Books" fera rire les vrais anglophones qui y verront sûrement, s'ils sont un peu cultivés, un nouveau témoignage accablant, non de la « francophilie », mais des complexes et de l'autophobie française, ou plutôt, de la haine que nos « élites » américanisées et euro-formatées vouent à notre vieux pays frondeur, à sa langue porteuse de tant de luttes, à sa littérature rebelle, à son « modèle social » hérité du CNR et démoli à la tronçonneuse par les Sarko, Pécresse, Chatel, Lagarde, Seillière, Parisot et autres Seillières qui sont aussi, comme par hasard, les meilleurs promoteurs de l'éviction de la langue de  V. Hugo au profit de l'envahissant "business Globish".

Écrivains, philosophes, gens de culture, scientifiques, allons-nous longtemps cautionner par omission ce massacre délibéré de notre langue par des mercantis dont le seul souci est le tiroir-caisse ?

Progressistes, syndicalistes, militants du mouvement ouvrier, étudiant, enseignant, paysan, resterons-nous encore longtemps passifs face à cette guerre non déclarée que l'oligarchie capitaliste mène contre le fondement linguistique même du vivre ensemble républicain, contre ce premier service public (gratuit !) de France qu'est la langue de Rabelais, du Discours de la méthode et de l'Encyclopédie ?

Entrons en résistance linguistique ! Ne collaborons pas à la casse de notre langue en cautionnant par l'achat ou par l'abonnement ces titres collabos de l'impérialisme linguistique qui n'aguichent le lecteur qu'en le méprisant. Car c'est mépriser chacun dans ce qu'il  a de plus intime que de lui signifier que la langue dans laquelle il a grandi, en l'occurrence celle dans laquelle furent écrits la Déclaration universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen et le programme du CNR, n'est qu'un pitoyable survivance culturelle destinée à finir dans les poubelles de l'histoire.

Puisque ces gens-là n'ont que faire de la Constitution, qui déclare que « le français est la langue de la République », et de la loi Toubon, que l'État sarkozyste, si faussement patriote quand il s'agit de tracasser et de harceler les ouvriers immigrés, ignore royalement quand il s'agit de faire respecter l'identité culturelle de notre peuple et des autres peuples francophones de la planète, frappons ces tristes sires à la caisse, puisqu'il n'y a que ce type d'argument qu'ils sont capables d'entendre.



Georges Gastaud, philosophe, président du CO.U.R.R.I.E.L.

(Collectif Unitaire Républicain pour la Résistance, l'Initiative et l'Emancipation Linguistiques).
 

 

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