Sujet :

La Tour de Babel européenne s'élèvera encore en 2004

Date :

13/08/2003

De Germain Pirlot : (courriel : gepir.apro(chez)pandora.be

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BRUXELLES (Dépêche AP-vendredi 8 août 2003, ) 

Bonjour, good morning, guten morgen, buenos dias, buon giorno, huomenta, god morgen, bom dia, goeiemorgen, kalimera,  god morgon...

UE-BabelAvec 11 langues officielles, l'Union européenne a déjà des allures de Tour de Babel. Et ce n'est pas fini :

neuf nouvelles langues vont s'ajouter à la liste le 1er mai 2004 avec l'élargissement de l'UE vers l'Est.

Le simple fait de traduire les discours et les textes officiels coûtera aux contribuables de l'UE un milliard d'euros par an et la note s'alourdira avec l'arrivée probable de la Roumanie et de la Bulgarie en 2006.

L'UE fait déjà mieux que les Nations unies qui comptent six langues officielles et de travail pour 191 États membres : l'anglais, le français, l'espagnol, l'arabe, le russe et le chinois (mandarin).

Dans l'Union, toutes les langues nationales sont égales, même si le gaélique, le catalan, le luxembourgeois, le gallois et d'autres « langues moins utilisées » n'ont jamais obtenu de statut officiel.

En fait, l'anglais est de facto la principale langue de travail des 16 000 fonctionnaires de l'UE à Bruxelles, selon Daniel Gros, directeur du Centre pour les études de politique européenne. Les interprètes de l'UE expliquent que l'anglais domine, car c'est la première langue étrangère étudiée par les Européens.

La primauté de la langue de Shakespeare dans l'UE a quelque chose d'ironique, la Grande-Bretagne étant un des pays les plus « eurosceptiques » de l'union. L'anglais a supplanté le français dans les années 90 après l'adhésion de la Suède, de l'Autriche et de la Finlande. L'anglais est la principale langue étrangère enseignée dans les écoles des trois pays.

La tendance devrait s'accélérer avec l'arrivée l'an prochain de Malte, Chypre et de huit pays de l'ancien bloc soviétique (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie).

L'allemand, avec 90 millions de locuteurs en Allemagne, en Autriche et dans une partie de la Belgique, est la langue natale la plus répandue dans l'UE - elle est parlée par près d'un quart de ses citoyens - mais la langue de Goethe n'a pas, elle non plus, pu résister à l'anglais.

L'anglais qui est parlé au siège de l'UE n'est pas le même qu'au palais de Buckingham. « L'anglais est toujours massacré », déplore l'un des 700 interprètes de l'UE. « L'anglais international est une sorte de mauvais anglais ». Réduire le nombre de langues à une demi-douzaine, comme à l'ONU, n'est pas réaliste, car les lois de l'UE doivent être traduites dans les termes juridiques de chaque État-membre.

L'élargissement de l'UE l'an prochain fera passer de 11 à 20 le nombre de langues officielles et les dépenses de l'Union liées aux coûts de traduction vont ainsi augmenter. Une réunion dans laquelle 20 langues sont parlées nécessitera au moins 60 interprètes, estime l'UE, soit près du double des besoins actuels.

Cette année, les 1300 traducteurs de l'UE doivent convertir 1,3 million de pages de documents officiels dans les langues des pays membres. D'ici 2006, le chiffre devrait passer à 2,4 millions de pages par an.

La plupart des nouveaux traducteurs viendront des nouveaux États-membres. Toutefois, les autorités de l'UE se plaignent que ces pays ne produisent pas de traducteurs de haut niveau assez vite.

Alors que le temps presse, l'UE réfléchit à d'autres solutions, comme de former les interprètes actuels à de nouvelles langues ou d'établir un « système de relais » où un texte en letton ou en slovaque est par exemple d'abord traduit en anglais ou en français, puis à partir de cette version, dans d'autres langues.

Reste que le système de relais est considéré comme indésirable, car il établit une hiérarchie entre les langues et peut conduire à des erreurs de traduction. «aIl faudra s'adapter », estime Eberhart Rhein du Centre de politique européenne.

 

 

 

 

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