Sujet :

Combien ça coûte de se faire coloniser par l'anglais ?

Date :

04/03/2009

D' Henri Masson : (courriel : espero.hm(chez)wanadoo.fr) 

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Lycée Prieur de la Côte-d'Or
Stage d'anglais intensif : une opportunité pour les élèves
 

Florence Legros, recteur de l'Académie (debout), s'est adressée à Judith Barret et aux élèves, dans un anglais irréprochable (photo Nadine Beaulieu)

 

À la demande du ministère de l'Éducation, des stages d'anglais sont offerts et mis en place pendant ces vacances d'hiver, dans certains établissements de l'académie. Ces stages, ouverts à tous les lycéens, ont pour but faciliter chez ces élèves la communication dans une langue qu'ils ont parfois du mal à maîtriser.

En Côte-d'Or, seuls deux lycées ont réussi à mettre en place ce dispositif : le lycée Prieur-de-la-Côte d'Or à Auxonne et le lycée du Castel à Dijon. À Auxonne 28 élèves ont souhaité bénéficier de cette action qui a commencé dès le début des vacances, encadrée par une locutrice native du nord de l'Angleterre, Judith Barrett.

Pour une pratique intensive de l'anglais oral, les élèves ont été répartis en deux groupes, ce qui permet de mettre plus particulièrement l'accent sur la prononciation, la maîtrise de l'intonation et de faciliter la prise de parole en continu en ayant recours aux jeux de rôle ou aux outils multimédia.

Florence Legros, recteur de l'Académie de Dijon, a été reçue mercredi matin par Françoise Tancogne Rivière, proviseur, Pascal Bergeret, conseiller principal d'éducation et Stéphanie Tabard Petit, gestionnaire. Constatant le bon déroulement de l'opération. Elle a rappelé l'intérêt d'une véritable immersion dans la langue, utilisant une métaphore moderne pour représenter l'importance de cette formation : « au départ les élèves possèdent le disque dur...avec les stages, nous leur donnons l'imprimante et l'écran. Ici, avec une locutrice anglaise, c'est parfait. » Et de préciser : « pour un bon apprentissage, il serait souhaitable que les élèves regardent plus de films en VO afin de se familiariser plus vite avec la langue. »

Les lycéens quant à eux, semblent trouver l'expérience enrichissante. Ils apprécient de pouvoir améliorer leur niveau oral en toute liberté, en dehors de tout jugement de valeur, en compagnie d'une locutrice sympathique, totalement à leur écoute pour quelques jours.

Toutes deux en terminale, Diane et Mélissa se sont inscrites à raison de trois heures le matin pendant cinq jours.

Mélissa - « Je voulais me perfectionner à l'écrit comme à l'oral... le bac approche. Je trouve plus facile de parler avec une Anglaise. Au départ, elle ne connaissait pas notre niveau, elle s'est très vite adaptée. »

Diane - « c'est aussi efficace pour la prononciation, l'intonation… »

 

Source : bienpublic.com, le 27 février 2009

Possibilité de réagir sur :

http://www.bienpublic.com/actu/valsaone/20090227.BPA5913.html

 

 

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Réaction d'Henri Masson :

Stages « gratuits » d'anglais : combien ça coûte de se faire coloniser ?

Complexé par son niveau d'anglais qui, comme celui de Sarkozy (1), amuse certains humoristes, le ministre de l'Éducation nationale se fait complice d'une véritable colonisation de notre pays. Ces stages sont prétendument gratuits. Certes, mais il y a bien quelqu'un qui, au bout du compte, paie ce gâchis : le contribuable (2). Et cela pour une seule des 38 variantes reconnues de l'anglais. Combien ça coûte de se faire coloniser ? Il est souhaitable que des journalistes se penchent sur cette question.

Des enseignants anglais viennent en France, mais il n'y a pas réciprocité. Quand exigera-t-on que, pour un enseignant anglais en France ou dans un autre pays de l'UE, il y aura un enseignant de France, ou d'un autre pays de l'UE, en Grande-Bretagne ? Là, il sera enfin possible de parler d'une construction équitable et équilibrée de l'Union européenne. Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'une union, mais d'une mainmise, avec des complicités au plus haut niveau, sur l'UE par l'un des États-membres dont la population ne représente qu'environ 12% de celle de l'Union. C'est ça la démocratie, quand un seul des partenaires tire parti à 100% des ressources de la langue privilégiée ? L'académicien, philosophe et historien des sciences Michel Serres a dit en diverses occasions, entre autres dans « Le Nouveau Quotidien » (Lausanne, Suisse, 1.12.1992) : « Actuellement, les savants, les publicistes, les journalistes parlent anglais. On voit sur les murs de Paris beaucoup plus de mots anglais qu’on ne voyait de mots allemands pendant l’Occupation. » Il n'y a pas que sur les murs de Paris : dans toutes les écoles. Durant l'Occupation, même les pires collabos n'ont pas poussé à un tel point à l'apprentissage de l'allemand.

Le ministère de l'Éducation nationale n'a pas tenu compte du rapport qu'il avait commandé au professeur François Grin (3), professeur à l'Université de Genève, et qui a été publié en 2005 sous le titre « L'enseignement des langues étrangères comme politique publique » (4). Ce rapport, qui proposait d'autres voies, est accablant pour la politique du tout-à-l'anglais vers lequel pousse aveuglément le ministre actuel pour qui le mot « langues », au pluriel, est très singulier : "English only".

Nombreuses sont les annonces d'emploi pour des fonctions de haute responsabilité et de décision, donc influentes, pour lesquelles il est exigé d'être natif anglophone : “English mother tongue only“ (5) c'est-à-dire pour lesquelles un Darcos ne fait pas l'affaire. Respectivement PDG de Renault et de Sanofi-Aventis, Louis Schweitzer et Jean-François Dehecq sont revenus du tout-anglais. Même Emmaüs se livre à cette course à l'à-plat-ventrisme (terme utilisé par l'écrivaine québécoise Denise Bombardier), comme s'il fallait privilégier les privilégiés de la communication (6).

L'anglais est tout aussi désastreux sur le plan propédeutique, c'est-à-dire comme enseignement préparatoire. C'est de l'anti-pédagogie. Contrairement à maintes affirmations, l'accès à un niveau convenable dans cette langue est difficile. Même Claude Hagège le reconnaît. Charles Dickens s'en plaignait. Les locuteurs de l'anglais sont les plus exposés à la dyslexie. En Europe, les petits Anglais sont les derniers à savoir lire. La Simplified Spelling Society (6) préconise sa simplification. Mais le problème d'équité n'en serait pas résolu pour autant.

L'anglais est en premier lieu une langue NATIONALE. Il représente une forme d'apartheid linguistique : la langue est comme la couleur de peau que l'on a dès sa naissance. Souvenons-nous de l'expression méprisante "Speak White ! " (8) équivalant à traiter quelqu'un de négro. La discrimination linguistique existe tout autant que la discrimination raciale. Elle est tout aussi condamnable.
 

Henri Masson
Coauteur de « L'homme qui a défié Babel » (9)



1. http://www.dailymotion.com/video/x1x63e_sarkozy-parle-anglais-enfin-essaye_politics
2. Voir "Le défi des langues — du gâchis au bon sens". Claude Piron. Paris : L'Harmattan.
3. http://www.unige.ch/eti/ecole/organisation/departements/dfr/dfr-corps-enseignant/pages-personnelles/francois-grin.html
4. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/054000678/index.shtml
5. http://www.mef.qc.ca/english_mother_tongue_only.htm
6. http://www.babels.org/forum/viewtopic.php?p=1598
7. http://www.spellingsociety.org/index.php
8. http://fr.wikipedia.org/wiki/Speak_White
9. Paris : éd. L'Harmattan. http://www.esperanto-sat.info/article1010.html

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Henri Masson
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