Sujet :

Disons « NON » au Protocole de Londres !

Date :

25/07/2007

De Joël Conte (courriel : joel.f.conte(chez)wanadoo.fr)  

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

Paris, le 11 juillet 2007

 

COMITÉ DE SOUTIEN CONTRE LE PROTOCOLE DE LONDRES

NON AU PROTOCOLE DE LONDRES

QUI CONDAMNERAIT LA LANGUE FRANÇAISE !


 

 

Préambule :
Les soussignés approuvent le projet de développer la recherche française et l’innovation, qui passe notamment, mais pas seulement, par l’augmentation du nombre de dépôts de brevets en France et en Europe, mais ils dénoncent les risques d’une éventuelle ratification du protocole de Londres dont les grandes entreprises étrangères bénéficieraient au détriment des PME et TPE françaises, et surtout ses conséquences dramatiques pour la langue française.

La ratification de ce protocole, signé en juin 2001, fortement soutenue par une partie des grandes entreprises françaises et internationales, aboutirait en effet, en Europe, à la suppression de l’obligation actuelle de traduire en français tous les brevets rédigés en langue anglaise ou allemande sous prétexte
de diminuer le coût des brevets d’invention.

La vérité sur le coût des brevets : Or, le prix de revient élevé des brevets européens ne résulte pas des traductions, contrairement à ce que prétendent abusivement ceux qui soutiennent la ratification du protocole de Londres. En effet, selon une étude réalisée par l’OEB (Office européen des brevets), le coût de la traduction représente seulement, en moyenne, 15 % de celui du dépôt et non 40 % comme l’avancent les plus fervents défenseurs du protocole de Londres.

La suppression de la traduction obligatoire en français des brevets déposés en langue anglaise n’aurait donc qu’un effet très limité sur la baisse du coût de dépôt des brevets. Ce n’est pas le coût de la traduction qui est un frein au dépôt de brevets européens mais bien plus le niveau élevé des taxes prélevées par l’OEB et le manque de culture des petites et moyennes entreprises pour ce type de démarche en France.

Une atteinte inadmissible au respect de la langue française et à la diversité culturelle : La ratification du protocole de Londres par le Parlement français reviendrait à admettre, en réalité, l’usage de l’anglais en droit français et serait très dangereuse pour la pérennité de la langue française comme langue scientifique, technique et commerciale.

C’est le plurilinguisme, reflet de l’identité et de la culture de l’Europe, qui est directement menacé par le protocole de Londres. D’ailleurs, de nombreux pays l’ont compris et, à ce jour, sur les 31 concernés, seuls 13 ont ratifié ce texte (dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, les Pays-Bas…) mais 17 pays ont refusé de le signer et continueront d’exiger une traduction obligatoire des brevets européens dans leur langue nationale : Autriche, Espagne, Italie, Finlande, Portugal, Pologne, Irlande, Belgique, Grèce, etc. ; et deux pays, la France et le Luxembourg, ont signé, mais pas encore ratifié, ce protocole. L’accord de la France étant indispensable pour que ce traité entre en vigueur, c’est elle qui détient le sort de notre langue et du plurilinguisme.

Au moment où le gouvernement français réaffirme l’importance de la francophonie, le fait de refuser le protocole de Londres serait cohérent avec la politique clairement affichée par le président de la République et le Premier ministre pour défendre la langue française et une Europe civique.

En conséquence, les signataires demandent aux parlementaires de ne pas ratifier le protocole de Londres, afin que la langue française demeure une langue obligatoire pour le dépôt des brevets en Europe. Les enjeux et les « vices cachés » de ce protocole sont trop importants pour que celui-ci soit approuvé en  « catimini » au cours d’une prochaine session parlementaire sans un véritable débat national sur ses conséquences pour l’avenir de la langue française.

 

 

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Le comité de soutien

Président d’honneur : Claude HAGÈGE
LES VÉRITÉS SUR LE PROTOCOLE DE LONDRES
 

Combien coûtent réellement les traductions ?

Pour justifier l’intérêt de ratifier ce traité, le MEDEF met en avant le coût très élevé des traductions. Or une étude a été réalisée par le cabinet Roland Berger Market Research, pour le compte de l’OEB, (parue dans le bulletin de l’INPI: note d’actualité de décembre 2005) sous forme d’enquête auprès
d’environ 250 déposants ayant obtenu la délivrance de brevets en 2002/2003, de nombreux conseils en propriété industrielle et de sociétés de traduction.

Cette étude révèle que le coût total d’obtention d’un brevet pour une demande type s’élève à 26 630 euros, dont 3 930 euros pour les coûts de traduction. Ces coûts de traduction ne représentent donc que 14,7 % du coût total d’obtention d’un brevet européen. On est donc très loin des 40 % des coûts de traduction avancés par le MEDEF pour justifier son soutien au protocole de Londres. Ce chiffre de 40 % prend uniquement en compte quelques cas
extrêmes comme celui des grandes entreprises de pharmacie et de biotechnologie qui ont les coûts de traduction les plus élevés.

Ainsi, les économies sur les coûts des traductions seraient, en réalité, tout à fait modestes, et d’autant plus modestes si l’on rajoute au coût de dépôt des brevets celui du coût de maintien, c’est-à-dire celui nécessaire pour assurer sa pérennité dans le temps, soit 37 500 euros.
Dans quelles langues sont déposés les brevets en Europe ?

La croissance de l’anglais dans le dépôt des brevets européens apparaît comme irréversible (Source : OEB) :

En 1980, l’anglais représentait 50,6% des dépôts de brevets, contre 35,8 % en allemand et 13,6 % en français.

En 2000, l’anglais représentait déjà 71% des dépôts de brevets, l’allemand 22,4% et le français ne représentait plus que 6,5 % des dépôts.

Ainsi, l’INSERM dépose déjà 85 % de ses brevets directement en anglais !

Avec le régime de traduction actuellement en vigueur, 100 % des brevets sont donc disponibles en français, alors que si le protocole de Londres était ratifié, seulement 6,5 % des brevets seraient disponibles en français.

Faute de réciprocité, notamment avec les États-Unis, la ratification du protocole de Londres inciterait les entreprises et les centres de recherche français à déposer directement leurs demandes de brevets en anglais. Les mots nouveaux qu’on trouve dans les brevets d’invention n’existeraient plus qu’en anglais.

Qui seraient les gagnants et les perdants si le protocole de Londres était ratifié par la France ?

En supprimant l’obligation de traduire les brevets en français ou en allemand, le protocole de Londres allégerait les coûts d’accès du marché européen pour les entreprises américaines, japonaises et chinoises qui seront encouragées à déposer des brevets en Europe pour freiner leurs concurrents.

Ainsi, ce manque de réciprocité aboutirait à créer une concurrence déloyale dont nos entreprises feraient les frais. Quels seraient en Europe les effets juridiques de la ratification du protocole de Londres ?

La ratification du protocole de Londres créerait une profonde inégalité de situation entre les États. Tandis que la France serait obligée de reconnaître sur son territoire des brevets en anglais ou en allemand, d’autres pays importants continueraient d’exiger ou de bénéficier, dans la plupart des cas, d’une traduction dans leur langue nationale même pour les brevets d’origine française: Autriche, Irlande, Espagne, Italie, Grèce, etc. La ratification du protocole affaiblirait la filière française de la propriété industrielle, affecterait également l’attractivité du droit français et de la place de la France, qui conditionnent son attractivité économique.

Quelles seraient les conséquences du protocole sur le coût de la veille technologique ? Le protocole de Londres accroîtrait considérablement le coût de la veille technologique tout aussi indispensable que le dépôt de brevets pour favoriser le développement de l’innovation dans notre pays.

Ce seront les PME qui en souffriront le plus car elles devront supporter le coût de la traduction en français des brevets alors que certaines grandes entreprises ont les moyens de se passer de cette traduction, étant donné que l'anglais est déjà leur langue de travail.

Comment aider les petites entreprises et les chercheurs « personnes physiques » et organismes publics à déposer les brevets en diminuant le coût des dépôts ?

Il suffit d’utiliser les nouveaux moyens mis en oeuvre par les pouvoirs publics et par OSEO, la banque publique d’aide aux PME, pour financer les premiers dépôts de brevets, et qui réduisent de façon très importante le coût des brevets : prise en charge jusqu’à 7000 euros. D’autres pays, comme les États-Unis, procèdent aussi de la sorte pour inciter les PME à déposer des brevets.


ILS ONT DÉCLARÉ À PROPOS DU PROTOCOLE DE LONDRES :

Christian Poncelet, président du Sénat : « À quoi bon se battre pour la culture, prétendre avoir une autre vision de sa place dans la société, défendre une certaine idée de la France, si au jour le jour, nous sommes prêts à ces lâchetés quotidiennes au nom de la soi-disant efficacité et en général de la simple vanité. Vanité d’être publié, de paraître international d’autant plus parfois qu’on est médiocre.

Le protocole de Londres sur les brevets, hélas signé par le précédent gouvernement, que Jean-Pierre Raffarin avait d’ailleurs dénoncé lorsqu’il était sénateur, mérite, puisqu’il n’est pas encore ratifié, un réexamen attentif car nous ne pouvons accepter ses dispositions conduisant au tout anglais dans ce domaine stratégique ».

Jean Foyer, ancien ministre de la Justice, garde des Sceaux : « Je considère le mécanisme de l’accord de Londres comme l’amorce en France d’une euthanasie de la langue française qu’on entoure d’un traitement qui lui évitera de sentir le fil du couperet. Il y a de l’anesthésie mais c’est tout de même la fin de la langue française comme langue technologique. Quand toute la technologie sera passée en anglais, tout le reste y passera, car quand on parlera anglais à l’atelier, à l’usine, à l’université, dans les laboratoires… on cessera aussi de parler français à la maison et à l’école ».

Claude Hagège, professeur honoraire au Collège de France : « Le protocole de Londres sur les brevets d’invention doit être vu pour ce qu’il est: un acte de guerre contre les langues et leur diversité. Sa ratification serait une erreur aussi dramatique qu’absurde. Il est certain que face aux menaces de la violence dans le monde contemporain, la solidarité de l’Europe et d’autres parties du monde avec les États-Unis est justifiée. Mais est-ce assez pour que tous ces pays immolent leur souveraineté linguistique, culturelle et donc, en dernier ressort, économique et politique ? »

Académie française : « Le français étant la langue de la République, la France ne peut accepter que les textes en langues étrangères aient force de droit sur son territoire. En fait par le biais des brevets se trouve une nouvelle fois posée la question que nul n’ose aborder de front: quelle langue, quelles langues doit parler l’Europe ? Économiser sur les traductions, c’est non seulement mettre en péril les langues nationales mais aussi amputer la plus irremplaçable richesse de notre continent : sa diversité. Pour ces raisons l’Académie française demande solennellement aux pouvoirs publics de ne pas signer le Protocole de Londres ».

L’Académie des sciences morales et politiques met l’accent sur «le danger d’accélérer et de généraliser un mouvement tendant à faire de la langue anglaise la langue unique de la technologie et de l’industrie ».

Jacques Attali : « Et la francophonie s’incarne désormais dans une organisation internationale puissante et respectée. Pourtant, la langue française est de plus en plus menacée : les nouvelles technologies de communication favorisent les langues dominantes et les sciences s’écrivent de plus en plus en anglais, lequel pourrait même, bientôt, devenir la langue unique des brevets, si le protocole de Londres était finalement ratifié. […] Le projet le plus urgent devrait donc être aujourd’hui de créer une vraie BNF, une bibliothèque numérique francophone, qui numériserait, pour qu’ils soient accessibles en français, tous les savoirs francophones. […] La France a encore une chance de ne pas accuser un retard irrémédiable ».

Vincent Peillon, député socialiste : « Qui doit décider de la politique linguistique et technologique de la France et de l’Europe ? Les grands industriels ou les députés ? Au-delà des brevets d’invention, c’est le sort de la langue française qui se joue, plus précisément du français technique et scientifique ».

Jacques Myard, député UMP : « On ne voit pas ce que les entreprises françaises gagneraient au protocole de Londres. En revanche, on voit ce qu’elles y perdraient en se plaçant en position de faiblesse concurrentielle vis-à-vis des multinationales américaines, entre autres, qui nous imposeraient la multiplication des brevets à charge pour les entreprises françaises de les traduire pour éviter d’être poursuivies pour contrefaçon ».

Charte européenne du plurilinguisme : « Le plurilinguisme est un élément essentiel de l’innovation scientifique. Dans le domaine de la pensée, la créativité est liée à la langue maternelle et à la culture.

Les sciences de la culture sont par construction interculturelles. La variété d’approches scientifiques complémentaires est une source de richesse qui ne peut être atteinte au travers d’une seule langue ».

CNCPI (Compagnie nationale des Conseils en propriété industrielle) : « La ratification du protocole de Londres ne contribuerait pas à stimuler l’activité de dépôt des entreprises françaises. Ratifier ce texte serait un "cadeau" sans contrepartie aux multinationales anglo-saxonnes et japonaises, qui pourraient déposer plus de brevets encore, et renforcer leur hégémonie et la dépendance juridique et technologique de la France notamment. Ce texte créerait plus d’incertitude juridique pour les entreprises françaises, qui devraient faire face à des brevets européens qui, pour l’essentiel, ne seraient plus disponibles en français et qu’elles seraient obligées de traduire à leurs propres frais pour en maîtriser la portée ».

Branislav Stanicek, boursier slovaque : « L’introduction d’un nouveau régime linguistique pour le dépôt des brevets en Europe consacrera l’anglais comme l’unique langue scientifique et technique ».

Jean Dutourd, de l’Académie française, président de Défense de la langue française, tient une nouvelle fois à alerter l’opinion sur les dangers que courent la langue française et les autres langues, au cas où le protocole de Londres serait ratifié.

Alain Patry (président de l’Association des professionnels de la traduction des brevets d’invention) : « Pourquoi la France ne doit pas ratifier le protocole de Londres ? Ce texte est dangereux pour l’avenir de la langue française, du plurilinguisme en Europe, pour l’avenir industriel et économique de la France.

Fort audacieux, les défenseurs du protocole n’hésitent pas à user et à abuser d’arguments fallacieux, prétendant que la traduction représente 40% du coût d’obtention d’un brevet (au lieu des 15 % réels), que le protocole de Londres garantirait le rayonnement de la langue française (alors que la part de la francophonie passerait de 100 % à 7 %), et que les entreprises françaises déposeraient davantage de brevets (sachant qu’il n’y a aucun lien entre les dépôts de brevets et le coût de la traduction). Il faut réduire les taxes et lancer une grande politique de la culture des brevets en France. Il serait suicidaire, pour la France, d’immoler la langue française en ratifiant le protocole de Londres ». 

 

Polémique autour de la ratification du Protocole de Londres sur les brevets

Une polémique enfle à propos d'une éventuelle ratification du Protocole de Londres sur les brevets européens par le parlement, des chercheurs et intellectuels s'y opposant au nom de la défense de la langue française, alors que le gouvernement l'appelle de ses vœux.

Un "comité contre le Protocole de Londres", présidé par le linguiste Claude Hagège, "dénonce" dans une pétition "les risques d’une éventuelle ratification (...) dont les grandes entreprises étrangères bénéficieraient au détriment des PME et TPE françaises, et surtout ses conséquences dramatiques pour la langue française".

La ratification de ce protocole, signé en juin 2001, "aboutirait en effet, en Europe, à la suppression de l’obligation actuelle de traduire en français tous les brevets rédigés en langue anglaise ou allemande sous prétexte de diminuer le coût des brevets d’invention", rappellent les signataires.

Dans une tribune publiée le 12 juillet dans le journal Le Monde, la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Valérie Pécresse et le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Jean-Pierre Jouyet se faisaient l'avocat de la ratification, en soulignant que le Protocole "permettrait d'alléger les coûts de traduction, qui représentent 40% de l'investissement initial en vue de l'obtention d'un brevet".

"Le prix de revient élevé des brevets européens ne résulte pas des traductions", affirme pour sa part le Comité contre le Protocole, faisant état d'une étude réalisée par l’Office européen des brevets (OEB) qui l'estime à seulement 15%, en moyenne, de celui du dépôt.

Actuellement, les brevets doivent être publiés dans les langues des 32 pays membres de l'OEB. Dans le cadre du Protocole, il y aurait trois langues "officielles" (Anglais, Français et Allemand), et les textes pourraient être publiés dans une seule des trois.

La ratification, déplore le Comité, "reviendrait à admettre, en réalité, l’usage de l’anglais en droit français et serait très dangereuse pour la pérennité de la langue française comme langue scientifique, technique et commerciale".

Actuellement 100% des brevets sont traduits en Français mais, avec le protocole de Londres, "la part de la francophonie passerait à 7 %", dit-il. Car, selon le Comité, aujourd'hui 70% des brevets sont déposés en Anglais, 23% en Allemand et 7% en Français.

Il rappelle que sur les 31 pays concernés, seuls 13 ont ratifié ce texte et 17 ont refusé de le signer et "continueront d’exiger une traduction obligatoire des brevets européens dans leur langue nationale".

"L’accord de la France étant indispensable pour que ce traité entre en vigueur, c’est elle qui détient le sort de notre langue et du plurilinguisme", souligne le Comité.

Pour la Compagnie nationale des Conseils en propriété industrielle (CNCPI), la ratification "serait un +cadeau+ sans contrepartie aux multinationales anglo-saxonnes et japonaises, qui pourraient déposer plus de brevets encore, et renforcer leur hégémonie et la dépendance juridique et technologique de la France notamment".

Le député Nicolas Dupont-Aignan (non inscrit) qui a signé la pétition, rappelle que "la traduction en français des brevets étrangers constitue pour nos entreprises et, pour toutes les entreprises des pays francophones, une source d'information très importante pour appréhender les connaissances technologiques de leurs concurrents".

Dans sa tribune du Monde, Valérie Pécresse défendait le Protocole sur un plan économique plus général, estimant que le brevet communautaire est "le meilleur instrument car il est le seul qui permette d'avoir un titre unique de protection de la propriété industrielle dans l'Union européenne".

© 2007 AFP

 

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Politique des brevets ou marché de dupes,

par Jacques Myard et Christian Derambure

LE MONDE du  24 juillet 2007

 

À propos de la politique européenne des brevets, la ministre de l'enseignement et de la recherche et le secrétaire d'État aux affaires européennes se sont exprimés récemment en faveur de la ratification du protocole de Londres (Le Monde du 12 juillet). Leur argument principal : cette ratification, par les économies qu'elle permettrait, ne pourrait que relancer l'innovation des PME. Argument de bon sens, nous disent les partisans du protocole : toute économie devrait être bonne à prendre. Pourtant, à y regarder de plus près, on s'aperçoit que cet accord est loin d'être aussi favorable qu'on pourrait le penser.

En premier lieu, on ne peut qu'être étonné d'une relance de ce dossier vieux de plus de sept ans au moment même où la convention sur le brevet européen est refondue en profondeur - le brevet européen existe depuis 1978. Cette refonte entrera en vigueur le 13 décembre 2007 et transforme radicalement la portée juridique du protocole de Londres.

En effet, pour la première fois, le propriétaire d'un brevet européen délivré pourra modifier à tout moment et pendant toute la vie de son brevet l'étendue de sa protection - définie par les revendications - à partir de ce qui figure dans la description, et cela sans aucun contrôle de fond par l'Office européen des brevets (OEB). Jamais donc, dans l'histoire des brevets, la description - qui ne serait plus traduite en application du protocole de Londres - n'aura joué un rôle aussi fondamental. Il devient, en conséquence, indispensable que les brevets délivrés en anglais ou en allemand soient traduits en français dans leur intégralité (description comprise), sous peine d'une insécurité juridique qui se révélerait à terme dramatique pour les entreprises françaises. Les conséquences du protocole de Londres sont dangereuses pour nos entreprises. Certains ne s'y sont pas trompés, comme l'Irlande, l'Italie ou encore l'Espagne, qui ont pris la décision de ne pas adhérer au protocole de Londres.

En second lieu, les économies potentielles resteront faibles. À peine quelques pour cent du coût d'un brevet européen. Les entreprises françaises devront quoi qu'il en soit faire traduire leurs brevets en anglais, ne serait-ce que pour se protéger aux États-unis. Elles devront également continuer à produire des traductions pour les pays d'Europe ayant pris la décision de ne pas adhérer. Des pays comme la Suède ou le Danemark ont indiqué qu'ils exigeront une traduction des revendications dans leur langue nationale, la description devant quant à elle être disponible en anglais. Enfin, au-delà des traductions, les entreprises continueront à s'acquitter des taxes officielles ponctionnées par l'OEB et qui représentent l'essentiel des coûts. Pour un brevet moyen protégeant six pays sur vingt ans, le coût des traductions représente tout au plus 10 %, sur un total de l'ordre de 70 000 euros, dont près de 75 % correspondent aux seules annuités de maintien en vigueur.

Il est en outre faux de penser que le fait d'abaisser les coûts permettra de relancer les dépôts d'origine française. Le coût d'un brevet français est déjà deux fois inférieur à celui des brevets des autres grands pays. Cela n'a à l'évidence pas permis de multiplier les premiers dépôts en France, alors que les protections d'origine étrangère sur le territoire français ne faisaient quant à elles qu'augmenter. En réalité, n'en déplaise au Medef, les causes principales du déficit sont parfaitement connues. Elles résident d'abord dans une recherche et développement française (R & D) privée notoirement insuffisante. D'autres causes aussi sont probablement à rechercher dans un manque de confiance dans le système judiciaire réprimant la contrefaçon, ou dans l'absence de moyens humains dédiés à la diffusion de la "culture brevets", ou, encore plus grave, dans un enseignement de la propriété industrielle largement insuffisant, contrairement à ce qui se passe aux États-unis.

Le protocole de Londres n'améliorera en rien la situation en France. Pire, il introduit de nouveaux déséquilibres, puisqu'il transfère le coût de la traduction du titulaire du droit à ceux auxquels ce droit est opposé. Inéquitable et choquant ! Le protocole de Londres est une aubaine extraordinaire pour les non-Européens qui mènent des stratégies de dépôts massifs comme les Américains, les Japonais et demain sans nul doute les Chinois et les Indiens. On est loin de la réciprocité pourtant si chère à notre nouveau président : aucun des pays dont sont originaires les grands acteurs précités ne prévoit évidemment que des brevets en une langue étrangère aient force de loi sur son territoire.

Les entreprises françaises qui voudront rester à armes égales avec leurs concurrents n'auront pas d'autres choix que de déposer elles aussi directement leurs textes de brevets en anglais auprès de l'OEB. Un recul énorme pour la place du français dans le monde à l'heure où Google a mis en ligne, gratuitement, tous les brevets américains, et annonce qu'il continuera avec les autres brevets, notamment européens.

D'un point de vue économique, il ne faut pas se leurrer : le basculement au tout anglais vers lequel nous irions constituerait un handicap supplémentaire. Nous le savons, les Français sont loin de posséder une parfaite maîtrise de la langue de Shakespeare, surtout quand il s'agit d'allier expression technique et finesse juridique.

Les thuriféraires du protocole de Londres croient naïvement que la France s'attirera les bonnes grâces de ses partenaires. Quelle illusion ! Cet accord est un marché de dupes.

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Jacques Myard est député (UMP) des Yvelines.

Christian Derambure est président de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle.

 

 

Source : Le Monde, édition du 25 juillet 2007

 

Signons la pétitions :

http://www.lapetition.be/petition.php?petid=217

 

 

 

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