QUÉBEC – Craignant que les « séparatistes » fassent du grabuge, le fédéral annule officiellement la reconstitution de la bataille de 1759. Fiers d’avoir fait reculer Ottawa, ceux-ci réclament maintenant que les plaines d’Abraham soient rétrocédées au gouvernement québécois.

« Compte tenu des excès de langage et des menaces faites par médias interposés, nous ne pouvons risquer de compromettre la sécurité des gens, a invoqué André Juneau, président de la Commission des Champs de bataille nationaux (CCBN). La reconstitution était une bonne idée, mais là, il y a eu des menaces de troubler l’événement de façon importante et on ne voulait pas que ça vire en show de poivre de Cayenne. »

M. Juneau a martelé qu’il était «insensé et odieux» qu’on ait prêté à son organisation l’intention de fêter une défaite militaire. Il a déploré que les dernières semaines aient donné lieu à « une cacophonie de procès d’intention, de menaces à peine voilées et de propos mal fondés et irresponsables qui ont généré un discours diviseur ».

Quoi qu’il en soit, il a assuré que la décision de contremander l’événement – qui devait impliquer des milliers de figurants, cet été, dans le cadre de commémorations du 250e anniversaire de l’affrontement entre les armées de Montcalm et de Wolfe – ne lui avait pas été imposée par Patrimoine Canada, le ministère fédéral dont relève la CCBN.

André Juneau, président de la Commission des Champs de bataille nationaux.

« Séparatistes » 

Interrogé en anglais, le président de la CCBN a plutôt soutenu que l’annulation du plus important événement des commémorations était à porter au seul compte des « séparatistes ». En français, il a fait valoir que « les deux groupes qui nous ont fait des menaces s’associent au mouvement souverainiste ».

À l’extérieur des locaux de la CCBN, Patrick Bourgeois, porte-parole du Réseau de résistance du Québécois, ne cachait pas sa satisfaction. « On a gagné, on est content d’avoir fait reculer le gouvernement canadien, c’est une victoire du mouvement souverainiste et on en profite ! » a-t-il admis.

M. Bourgeois croit que le potentiel de violence, dans toute cette histoire, tient à ce qu’«ils continuent de trouver que c’est une bonne idée de danser sur la tombe de nos ancêtres dans une reconstitution à la con». Il prévient que son organisation suivra de très près toute la programmation du 250e pour contrer la «propagande» de la CCBN.

Geste « gracieux » 

De leur côté, les présidents de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et d'Impératif français, Mario Beaulieu et Jean-Paul Perreault, ont rappelé qu’« aucune nation digne de ce nom n'accepterait qu'un autre gouvernement organise chez lui, dans sa capitale nationale, la reconstitution d'une défaite ayant marqué 250 ans de répression et d'assimilation ».

Ils réclament maintenant qu’Ottawa pose un geste « gracieux » pour souligner le 250e anniversaire de la bataille de 1759 et qu’il rétrocède au Québec les plaines d’Abraham. « C’est un vestige du colonialisme britannique que les plaines appartiennent toujours au gouvernement fédéral », ont-ils souligné.

Falardeau

Quant au cinéaste Pierre Falardeau, qui avait été parmi les premiers à dénoncer la reconstitution de la bataille, il se fiche bien de porter (en tant que « séparatiste ») le blâme de l'annulation de l'événement. « Si ça peut leur justifier leur recul, tant mieux, ça prouve juste que quand tu te choques, des fois, ça peut marcher, a-t-il dit. On devrait se choquer un peu plus souvent que ça. »

Mais selon lui, ce n'est pas d'un débat entre souverainistes et fédéralistes qu'il s'agit, mais bien d' « une chicane de loyalistes, de révisionnistes et de négationnistes contre les nationalistes. C'était juste un peu trop. Et ça a choqué le monde ».

Écrit par Mathieu Boivin

Source : ruefrontenac.com, le mardi 17 février 2009

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