De
Norbert Terral
(courriel : norberterral(chez)free.fr)
Mesure
anti-pourriels :Si vous
voulez écrire à notre correspondant, remplacez
« chez » par « @ ».
Fioraso, Benguigui, démission !
L'enseignement en anglais dans nos universités, c'est la
financiarisation du système et la Macdonaldisation de la
culture. C'est la mort de la francophonie et à terme, la mort de notre
langue.
Demandons la démission des ministres Fioraso et Benguigui.
NT
***********************************
Affaiblir le français c'est affaiblir la France !
Il y a
toujours eu dans l'Enseignement Supérieur français des cours donnés
en langues étrangères : par exemple, bien sûr, des cours de langues
vivantes, mais aussi, notamment dans les écoles de commerce, des
cours destinés à former des cadres à l'exportation ou susceptibles
d'être expatriés, ou encore dans les soutenances de thèses en co-habilitation…
et c'est normal. Mais l'article 2 de la loi présentée par l'actuelle
Ministre de l'Enseignement Supérieur, en particulier par ses
motivations, va bien au-delà d'une ouverture légitime, quand elle
est mesurée, à un véritable plurilinguisme : c'est la place du
français dans la culture internationale et, à terme, la place de la
France dans le monde qui sont en cause. Mme Fioraso pense attirer
des étudiants étrangers en développant les enseignements en anglais
dans l'enseignement supérieur français. Cet argument est non
seulement faux, mais dangereux pour la place du français dans le
monde.
Cet
argument est faux, car
on sait bien que certaines nuances de pensée (et dans certaines
disciplines ces nuances sont le cœur même de la pensée) ne peuvent
s'exprimer que dans sa langue maternelle: si un français ou un
allemand fait cours en anglais, même s'il a une excellente
connaissance de cette langue, il ne pourra pas exprimer les mêmes
nuances qu'un anglophone. À
ce jeu,
c'est toujours l'anglophone qui l'emportera et les étudiants
étrangers préfèreront s'inscrire dans des universités anglophones… à
moins que l'université française, dont l'honneur est d'être
généreuse dans son ouverture à des candidats étrangers à condition
qu'ils sachent parler et écrire français, ne remplace tous les
universitaires français par des anglophones ! Un collègue physicien
défendait l'usage exclusif de l'anglais dans les colloques
scientifiques internationaux par l'argument suivant : nous,
étrangers, parlons un “petit anglais” très simplifié et les
anglophones sont obligés de rabaisser leur anglais à ce niveau. Quel
désastre pour l'esprit humain (et pour l'anglais lui-même) ! Les langues constituent dans leur
diversité un patrimoine mondial immatériel : quel appauvrissement et quelle
régression ce serait pour l'esprit si tous les chercheurs et
penseurs, dans toutes les disciplines, ne s'exprimaient plus que
dans un "basic english" ! Quand Rome a dominé le monde,
le latin n'a pas supprimé le grec (ni les langues extérieures à
l'Empire).
Mais il
y a plus : l'argumentation fallacieuse de Mme Fioraso met en danger
la francophonie et la place du français dans le monde : est-ce que
les étrangers francophones viendront dans nos universités pour
recevoir des enseignements en anglais ? Faudra-t-il prévoir des
cours d'anglais pour permettre à des étudiants étrangers
francophones de suivre nos enseignements ? Que serait une université
française enseignant en anglais ? Une fois que toutes les élites
africaines auraient été formées en anglais, pourquoi
conserveraient-elles le français comme langue officielle de leur
pays ? Accepter l'argumentation
de Mme Fioraso, c'est tirer un trait sur la francophonie !
C'est
aussi renoncer au statut international de la langue française. Nous
avons jadis entendu au CNESER un ancien président professeur
d'économie dire : il faut faire tous nos enseignements de master et
de doctorat en anglais ; le français, les étudiants étrangers
l'apprendront avec leur copine française ou en allant au café. Ce
qui en clair signifie : il n'y aurait plus qu'une langue de culture,
une langue noble permettant d'exprimer une pensée économique,
scientifique, juridique, littéraire, philosophique, et le français
devrait devenir un dialecte utilitaire limité à la vie quotidienne.
De fait, si le français n'est plus reconnu, même en France, comme
une des langues de culture (il n'est pas question d'opposer le
français à l'anglais, mais de
revendiquer le plurilinguisme comme richesse culturelle de
l'humanité), il perdra son statut de langue
internationale. Comment se fera entendre la voix de la France dans
le concert des nations quand le français aura perdu son statut de
langue culturelle internationale ? Toucher au français dans
l'enseignement supérieur, c'est accepter le déclin de la France.
Cours
d'anglais à l'université : feu vert des
députés
Le Monde.fr avec AFP et
Reuters|
À
l'issue de longues discussions, les députés
français ont ouvert, jeudi 23 mai, la
possibilité de dispenser des
cours en anglais dans les universités du
pays, malgré un tir de barrage des
opposants, qui redoutent une perte
d'influence du français dans l'enseignement.
L'Assemblée nationale a adopté par un vote à
main levée l'article 2 du projet de loi sur
l'enseignement supérieur et la recherche
présenté par Geneviève Fioraso, la ministre
de l'enseignement
supérieur.
« Je me réjouis que l'on y
soit arrivé, après toutes ces discussions »,
a déclaré Mme
Fioraso après l'adoption de cet article du
projet de loi, jugeant que la poursuite de
la polémique qu'il a suscitée, au-delà même
des cercles universitaires, aurait risqué
de nuire à
l'image de la France. «
La façon dont cela durait risquait de
donner de nous – surtout après
l'abrogation de la circulaire Guéant,
circulaire qui était bien plus grave –, une
image de défaitisme, de repli sur soi. Pour
être aimé, il faut être aimable ».
Le gouvernement Ayrault avait abrogé dès
juin 2012 la circulaire sur les étudiants
étrangers, dite «
circulaire Guéant », du nom de l'ancien
ministre de l'intérieur. Depuis le 31 mai
2011, ce texte demandait aux préfets d'instruire«
avec rigueur » leurs autorisations de
travail et d'exercer un «
contrôle approfondia» des
demandes de changement de statut d'étudiant
à salarié.
Le projet de loi étend les exceptions à
l'enseignement en français à l'université,
afin de favoriser l'attractivité
des universités. La loi Toubon de 1994 écrit
expressément que la langue de l'enseignement
est le français et prévoit déjà des
exceptions. Mais la disposition a déclenché
un débat passionné depuis plusieurs semaines
et l'Académie française avait même demandé
au gouvernement de
renoncer.
«
NÉCESSITÉS PÉDAGOGIQUE »
Si tous les amendements visant à supprimer l'article
controversé ont été repoussés jeudi dans
l'Hémicycle, les députés ont encore encadré
cette nouvelle dérogation à l'enseignement
en langue française en votant un amendement
du PS, qui avait reçu un avis favorable du
gouvernement. Cet amendement précise que les
exceptions à l'enseignement en français ne
seront admises pour certains enseignements
que «
lorsqu'elles sont justifiées par des
nécessités pédagogiquesa».
Plusieurs élus de l'opposition, mais aussi
de gauche, comme le député socialiste
Pouria Amirshahi, secrétaire national à
la francophonie du PS, étaient hostiles à
cette mesure, qui suscite aussi l'opposition
de l'Académie française. «
Il ne s'agit, en aucun cas, de remettre en
cause la primauté de l'enseignement en
français ou la défense de
la francophonie », a assuré Geneviève
Fioraso. « Il
s'agit au contraire d'élargir le socle de la
francophonie auprès des jeunes, notamment
des pays émergents, qui, aujourd'hui, ne
viennent pas dans notre pays. »
ERREUR DE LA PRÉSIDENTE DE
SÉANCE
L'objectif du projet de loi, précise le
texte est «
essentiellement de régulariser les
situations dans lesquelles le contournement
de ce principe est rendu inéluctable, tant
pour des raisons pédagogiques que pour des
motifs liés à l'internationalisation des
systèmes d'enseignement supérieur ».
Le président du groupe PS de l'Assemblée,
Bruno Le Roux, avait annoncé mercredi qu'un
accord était intervenu entre le gouvernement
et les députés PS. L'Assemblée a rejeté
plusieurs amendements déposés par des élus UMP qui
visaient à supprimer cette
disposition qualifiée de «
renoncement dangereux à notre langue ».
L'Assemblée a en revanche entériné des
amendements qui prévoient la mise en place
d'un apprentissage de la langue française au
bénéfice des étudiants étrangers concernés
et de circonscrire la
portée de la mesure aux enseignements
« nécessitant
véritablement d'être dispensés en langue
étrangère ».
Bien que la majorité des députés présents
dans l'Hémicycle ait clairement voté en
faveur de cet article 2, la présidente de
séance, Catherine
Vautrin (UMP), a annoncé par erreur que
cet article n'était pas adopté. Aucun député
n'a relevé cette erreur en séance. L'examen
de ce projet de loi par les députés, qui
compte une soixantaine d'articles, devrait
s'achever lundi
prochain, l'Assemblée devant se
prononcer le 28 mai par un vote solennel
sur l'ensemble du texte.
Comme on pouvait s'yattendrecompte-tenu
de la vivacité de la polémique qui continue
de s'enflammerpar
journaux interposés, le débat entre les
députés a été, jeudi, particulièrement
tendu. Trois heures de discussions émaillées
d'incidents de séance, de vociférations,
mais aussi de références aux grands auteurs.
«
La langue de l'Europe,
c'est la tradition, pas l'anglais »,
a dit le députéUMPdu
Pas-de-Calais, Daniel Fasquelle, en citant
Umberto Eco. Déplorant«
le mauvais
signal »envoyé
à l'étranger par la mesure, le professeur de
droit a rappelé, dans un hémicycle presque
vide (à peine un député sur dix s'était
déplacé pourdiscuterde
l'université), les«
dangers »que
représente à ses yeux le projet de MmeFioraso.
« Vous ne
mesurez pas la portée de votre réforme,a-t-il
lancé à la ministre.Il
faut
suspendrecet
article 2 etengagerun
grand débat sur les raisons pour lesquelles
les universités françaises baissent en
attractivité. Mais ce n'est pas en basculant
l'université dans l'anglais qu'on la rendra
attractive. C'est en défendant le
multiculturalisme et le plurilinguisme ! »
Car c'est de cela qu'il s'agit, estimeDaniel
Fasquelle. Évoquant l'université de
Strasbourg qui, dit-il,«
est en
train defairebasculerdix
masters en anglais », il cite les
pays d'Europe du Nord où la proportion des
formations en anglais est«
de plus de
50% ».«
Voilà vers
quoi on va ! Le point d'arrivée, c'est le
basculement des masters. »
Sur les bancs de la gauche, le discours de
M. Fasquelle provoque une crise d'urticaire.
Marie-Françoise Bechtel (PS, Aisne) moque la«
confusion »dans
laquelle le député serait tombé.«
Vous n'avez
pas le monopole de la francophonie et du
plurilinguisme, M. Fasquelle ! »,
assène Jean-Yves Le Déaut (PS,
Meurthe-et-Moselle).«
Prouvez-le
! », hurle la droite, tandis que M.
Le Déaut dégaine le fusil à pompe :«
Le mauvais
signal, c'est la circulaire Guéant, ce n'est
pas cet article sur la langue ! »
La charge déchaîne la colère de la droite,
tandis que la gauche applaudit. La
« circulaire
Guéant », supprimée par la gauche après
l'élection deFrançois
Hollande, prévoyait derestreindreles
possibilités pour les étudiants étrangers de
resteren
France après leurs études. Mais c'estThierry
Mandon(PS,
Essonne) qui met le feu aux poudres en
évoquant«
une tempête
dans un verre d'eau »et
en reprochant à M. Fasquelle sa«
phobie des
étudiants étrangers ».
« Ca ne va
pas, non ? », crie Daniel Fasquelle,
aussitôt soutenu par ses amis de l'UMP :«
Inacceptable ! »,«
scandaleux
! »,«
assez !
assez ! », entend-onfuserdes
bancs de la droite. L'incident provoquera
une interruption de séance et les excuses de
M. Mandon.
Le bruit et la fureur n'ont cependant pas
empêché une discussion sur le fond. La
ministre, qui n'a pas ménagé la droite, a
vigoureusement défendu son projet. Sous les
huées de la droite, elle a mis le doigt là
où ça fait mal :«
Est-il
normal que l'anglais se soit développé
depuis quinze ans dans les grandes écoles,
en violation flagrante de la loi Toubon,
sans que personne ne pense à s'enoffusquer
? Mais cela concerne l'élite, donc personne
ne dit rien ! »
Puis elle a rappelé l'un des
objectifs de l'article 2 :«
55% des 290
000 étudiants étrangers que nous accueillons
en France viennent d'Afrique
», a-t-elle pointé avant d'estimerque
si la France est passée du 3eau
5erang
mondial en matière d'accueil,«
c'est parce
que nous sommes passés à côté de quelque
chose avec les pays émergents. Il ne
viennent pas à cause de l'obstacle de la
langue. »Brésil,
Inde,Indonésie,Russie,Chine...
Objets de toutes les convoitises.
Sur ce point, la ministre a été soutenue par
un député de droite, le chirurgien
Bernard Debré (UMP, Paris) qui a évoqué
son expérience personnelle :«
Il est
indispensable depouvoirattirerles
étudiants étrangers. J'enseigne en Chine.
J'ai faitvenirdes
étudiants chinois en France. Comme ils ne
parlaient pas français, ils ont eu des cours
en anglais. Mais, quatre ans après, on parle
français à Shanghaï ! Si on leur avait dit :
'« Non, vous devezparlerfrançais
pour venir' », ils ne seraient pas venus ! »
«
CE DÉBAT N'EST PAS UNE
POLÉMIQUE »
Mais, bien sûr, en toile de fond, c'est l'avenirdu
français qui préoccupait les députés.
Jacques Myard s'est jeté avec gourmandise et
grandiloquence dans la bataille.«
Ce débat
n'est pas une polémique. Cet article ferme
l'université sur ce sabir[l'anglais
de communication internationale, NDLR]qui
est un moyen mercantile devendredes
cacahouètes, mais ne permet pas deconceptualiser.
Quel est donc ce peuple qui a honte de sa
propre langue ? », s'est emporté le
député UMP des Yvelines. Daniel Fasquelle a,
lui, rappelé les propos du philosopheMichel
Serresqui
estime que, dès lors que le français ne
pourrait plus
«atout dire »,
elle serait«
virtuellement morte ».
Pour calmer le
jeu et tenter de sortir de
ce débat sans fin par le haut, Geneviève
Fioraso a lâché du lest. L'un des
amendements défendus par Pouria Amirshahi
(PS, Français établis hors de France) et de
nombreux autres députés de gauche a été
accepté. Il permet de mettre une
nouvelle condition à l'usage de l'anglais :
que ce soit justifié "par
des nécessités pédagogiques". Cette
condition s'ajoute à celles déjà adoptées en
commission : l'utilisation partielle d'une
langue étrangère, l'apprentissage du
français par les étudiants étrangers, la
prise en compte de leur niveau en français
dans l'obtention du diplôme...
« J’enfreins la loi Toubon tous les jours,
car elle n’est pas adaptée au monde
moderne »
Bruno Sire est président de l’université
Toulouse 1 – Capitole
L’article
2 du projet de loi sur l’enseignement
supérieur et la recherche qui prévoit la
possibilité de donner des cours dans une
autre langue que le français a provoqué
un énorme débat. Qu’en pensez-vous alors
que votre université propose depuis dix
ans des cursus tout en anglais ?
Vouloir aujourd’hui nous empêcher de
donner des cours en anglais serait une
grave régression et une menace pour la
place de la France dans la recherche
internationale. N’obligeons pas les
universités à se replier sur elle-même
pour un problème de langue.
Je suis d’accord pour défendre la langue
et la culture française. C’est un bon
combat. Je comprends que l’Académie
française se mobilise pour la défense du
Français. Je comprends aussi les
arguments de Michel Serres lorsqu’il
nous dit qu’une langue qui n’a plus de
mots pour dire les choses est une langue
qui meurt. Mais ce combat, ce n’est pas
à l’université ou dans la recherche
qu’il faut le mener mais plutôt au
collège et au lycée. Les lycées
étrangers doivent aussi contribuer au
développement du Français et de la
culture française.
La ministre de
l’enseignement supérieur, Geneviève
Fioraso, ne s'est-elle pas trompée
d’angle d’attaque ?
Si absolument. Il y avait
deux angles d’attaque à mon avis pour
expliquer la nécessité de développer des
cours en anglais. D’une part, c’est la
recherche et ses réseaux internationaux
dans lesquels la langue véhiculaire est
l’anglais. Or, pour préparer nos jeunes
chercheurs à s’insérer dans ces réseaux
et organiser leur mobilité, il faut
permettre un enseignement en anglais.
D’autre part, l’insertion
professionnelle. L’université a trois
missions : la formation, la recherche et
l’insertion professionnelle. Or,
aujourd’hui, pour insérer les jeunes, il
leur faut, dans un certain nombre
d’entreprises, maîtriser ce que l’on
appelle la langue de spécialités. A
Toulouse, chez Airbus, le plus gros
employeur de la région, la langue de
travail c’est l’anglais. Et croyez-moi,
si vous ne parlez pas anglais vous
n’aurez aucune chance de vous faire
embaucher chez Airbus et ce même pour
des postes de non-cadre.
Vous enfreignez la loi
Toubon depuis une dizaine d’années,
quelles formations dispensez-vous en
anglais et combien d’étudiants sont
concernés ?
C’est vrai j’ai pris des
libertés avec cette loi et je l'enfreins
chaque jour, car elle n’est pas adaptée
au monde moderne. Au total, 8 % à 10 %
de mes étudiants suivent des cursus tout
en anglais. Aujourd’hui, c’est en droit
(j’ai dix partenariats avec des
universités et demain douze qui
concernent environ 250 étudiants) que
j’ai le plus de double diplômes en
anglais tout simplement parce que pour
construire le droit européen la langue
véhiculaire c’est l’anglais.
Pendant des siècles, cela
a été le latin, aujourd’hui c’est
l’anglais.
Pour certains masters
(management international), tout
l’enseignement est dispensé en anglais,
car j’ai plus de 50 % d’étudiants
étrangers. En économie, à partir du
master 2, tous les cours sont anglais.
Cela concerne 1 000 étudiants (français
et étrangers) et signifie que tous
terminent leur cursus, bilingues. Et
c’est normal ! Ils s’apprêtent à faire
une carrière internationale dans des
grands organismes internationaux, dans
des banques… où tout le monde parle
anglais.
Enfin, en gestion, j’ai
aussi environ 200 étudiants. Par
ailleurs, j’ai des cours d’anglais
disséminés ici ou là, ainsi que des
travaux dirigés en anglais dispensés par
des doctorants et des post-doc qui ne
parlent pas forcément tous très bien
français.
Inversement, vos
étudiants apprennent-ils le français ?
Évidemment ! D’abord, ils
l’apprennent en vivant en France. Et ils
suivent obligatoirement des cours de FLE
(français langue étrangère).
Benguigui : la loi Fioraso ne met pas « la
francophonie en danger »
Le Monde.fr | 21.05.13
DANS
UN CHAT SUR LE MONDE.FR, YAMINA BENGUIGUI,
MINISTRE DÉLÉGUÉE CHARGÉE DE LA
FRANCOPHONIE, ESTIME QUE LE TEXTE DE LOI SUR
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR « CONSTITUE UN
MIEUX POUR LE MULTILINGUISME EN FRANCE ».
Yamina Benguigui,
ministre déléguée chargée de la
francophonie, estime que le texte de loi sur
l'enseignement supérieur «
constitue
un mieux pour le multilinguisme en France ».
Visiteur
: La ministre de l'enseignement supérieur et
de la recherche,
Geneviève Fioraso, avait-elle demandé
son avis à sa collègue chargée de la
francophonie avant la présentation de la loi
en conseil des ministres ?
Yamina
Benguigui :Ça
s'est passé en concertation, sachant que
c'est elle qui porte la loi. Elle connaît
mon avis sur la francophonie, mon regard
aussi sur le mépris que nous avons eu sur
les étudiants francophones issus du
continent africain. Nous avons eu de grosses
pertes d'étudiants francophones des années
1960 à la circulaire Guéant, à qui on
refusait des visas parce que dans
l'inconscient collectif, ce n'était pas des
étudiants étrangers, mais des immigrés.
Je pense que cela a été une grande perte
pour le devenir de nos relations économiques
avec le continent africain. C'est une chose
rarement soulevée et c'est une question qui
m'interpelle vraiment : la façon dont la
France regarde certains étudiants.
J'ai fait plus de 35 pays. Cette question a
été constamment soulevée. Depuis un an, je
travaille avec les ministres Valls, Peillon
et Fioraso pour qu'il y ait une meilleure
mobilité des étudiants étrangers
francophones.
Je suis fière d'appartenir à un gouvernement
dont le président a dit : « les étudiants
étrangers sont une chance pour la France ».
Jean-Gui
: Selon la presse, vous avez dit à la
mission parlementaire sur la francophonie le
9 avril que vous étiez « d'accord » avecPouria
Amirshahiqui
s'est prononcé contre l'article 2 de la loi
sur l'enseignement supérieur. Êtes-vous
toujours d'accord avec lui ?
Être d'accord, ça ne veut rien dire. C'est
un projet de loi. Ce n'est pas un clan
contre un autre. Je salue le travail
qu'entreprend Pouria sur la francophonie. Il
y a beaucoup de choses sur lesquelles je
suis d'accord avec lui.
Mais ce texte de loi qui a été amendé ne met
pas la francophonie en danger dès lors qu'il
instaure trois principes indispensables :
les étudiants étrangers auront l'obligation
d'apprendre le français ; ils seront évalués
sur leurs connaissances du français à la fin
de leur cursus – pour moi, ils sortiront
donc francophone de l'université – ; la
francophonie est inscrite comme mission de
service public pour les universités.
Mais il n'était pas
nécessaire pour moi de m'exprimer tous les
matins sur ce point. Je travaillais avec mon
ministère, le ministère de MmeFioraso.
La francophonie n'est pas en danger.
Villes :Le
secrétaire général de la francophonie est
opposé à cette proposition. N'est-il pas
logique de tenir compte de l'opinion des
pays de la francophonie, qui seront tentés
par une dérive vers l'anglais (comme le
Rwanda, voire Gabon) ?
Je rencontre jeudi 22 mai le secrétaire
général de l'Organisation international de
la francophonie, le président Diouf. Il
s'est exprimé et a soulevé plusieurs
questions, à juste raison, avant les
amendements. Maintenant, je le verrai avec
les nouveaux amendements.
Je crois que la France a envoyé un signe
très fort en remettant de plain-pied un
ministère de la francophonie. Depuis un an,
j'ai voyagé dans 35 pays sur les cinq
continents. J'ai renoué avec la
francophonie.
Vous me citez deux pays, le Rwanda et le
Gabon ; je vous en cite deux autres : la
République démocratique du Congo, grand
comme quatre fois la France, qui est le plus
grand pays francophone au monde, dont la
langue officielle et l'hymne national sont
en français. C'est un des pays les plus
riches du monde. Le français et son
enseignement du français y ont été
complètement délaissés.
Aujourd'hui, je me bats pour une nouvelle
francophonie économique, pour un meilleur
enseignement du français dans les pays
francophones, dont la RDC. C'est pourquoi je
lance un programme appelé « 100 000
professeurs pour l'Afrique ».
Le Rwanda est anglophone depuis une
vingtaine d'années. Mais moi, je veux dire
que cette loi ne va pas faire peur à nos
amis de la francophonie. Ce qu'ils
attendent, c'est de savoir quelle est notre
politique pour un meilleur enseignement du
français dans ces pays..
Jean :La
mise en place de cours en anglais
sera-t-elle réservée à certaines filières ?
Ce format de cours sera-t-il obligatoire ou
optionnel ?
Ces discussions sont en cours et il y aura
des décisions. Et d'ailleurs, tout ne sera
pas dans la loi. Je pense que ce texte [de
loi] constitue un mieux pour le
multilinguisme en France.
Eddy Paris:
Savez-vous qu'à Paris, les réunions dans les
entreprises se tiennent en anglais, même si
les intervenants sont Français ? Et comment
nos enfants pourraient suivre des cours en
anglais alors qu'ils sont 39 par classe et
qu'ils n'ouvrent pas la bouche de l'année ?
Ne faudrait-il pas prendre le problème en
amont ?
Je le regrette comme vous, mais dès lors que
les entreprises sont privées cela devient
difficile pour nous d'intervenir. Vous savez
le combat que nous menons au niveau
européen. J'ai constaté depuis mon arrivée
que dans les institutions de l'Union
européenne l'usage du français régresse,
concurrencé par l'anglais, mais aussi par
l'allemand.
Nous avons formé au français, avec l'OIF,
plus de 60 000 fonctionnaires européens, et
nous avons mis en place une vigilance accrue
sur le recrutement et la traduction.
Bruxelles
: À Bruxelles, bien des fonctionnaires,
députés ou lobbyistes ont déserté depuis
longtemps la défense de la langue française
au profit d'un certain conformisme. La
diplomatie culturelle française entend-elle
réinvestir ce champ et faire valoir la
diversité ?
Oui, c'est une réalité. La diversité
culturelle est une priorité de ma politique.
Je soutiens les 300 médiathèques du réseau
diplomatique. L'édition française est l'une
des plus dynamiques au monde. On a aussi un
dispositif audiovisuel extérieur qui joue un
rôle clé dans la diffusion des œuvres
françaises.
La France développe l'enseignement du
français dans des pays, par exemple au
Ghana, anglophone, où il y a 2 millions de
francophones. Le Ghana a des frontières avec
des Etats francophones. C'est dans cette
direction qu'il faut se tourner.
Dans les pays partenaires, quand nous sommes
en réunion avec l'OIF et dans l'UE, les
fonctionnaires apprennent le français
actuellement.
Fred :
Résister à l'anglais, n'est-ce pas un combat
d’arrière-garde ? C'est la langue qui s'est
imposée au niveau technique, car elle est la
mieux adaptée pour cela. Ne serait-il pas
plus productif d'utiliser le français là où
il a un avantage sur l'anglais ?
La francophonie est un espace de 77 nations,
où nous serons plus de 800 millions de
locuteurs en 2050, dont 80 % en Afrique. Je
pense qu'en ce qui concerne la francophonie,
nous sommes à un véritable carrefour
économique.
Aujourd'hui le continent africain a une
croissance économique de 5,1%, soit du même
ordre que le Brésil ou les pays émergents.
C'est un atout énorme pour la langue
française.
Le français va devenir une langue
économique. À compétences égales, et dans
les règles des marchés publics, une société
française aura un plus pour décrocher des
marchés face aux Chinois, aux anglophones.
Quand vous décrochez un immense marché mais
que vous ne pouvez pas faire de transfert de
compétences, vous ne pouvez pas faire
participer les populations sans parler la
langue.
Nous savons qu'aujourd'hui, les Chinois ne
communiquent pas avec les sociétés et les
populations francophones. Depuis un an, j'ai
de nombreux groupes chinois qui viennent me
voir pour me demander comment ils peuvent
s'inscrire pour apprendre le français. Il
faut aussi arrêter de se dire que nous
sommes complètement sortis des radars.
Hervé :
Est-ce vraiment raisonnable de soumettre des
étudiants étrangers francophones à des tests
de français ?
Je n'ai jamais dit ça. Je
pense que vous faites une confusion sur ce
que j'ai dit. Dans les discussions que j'ai
avec MmeFioraso
concernent la francophonie, je lui ai fait
part d'un état des lieux sur le regard
qu'avait la France sur les étudiants
étrangers francophones des années 1960
jusqu'à la circulaire Guéant.
Le problème est que nous n'avons jamais
considéré les étudiants étrangers
francophones comme un plus pour la France.
Nous les avons toujours considérés comme des
immigrés en ne leur accordant pas de visas,
parce qu'ils étaient suspects de nous
prendre du travail. Notre inconscient
collectif nous envoyait des signaux «
immigration », « étrangers », et donc
fermeture. Nous avons aujourd'hui un gros
travail à faire sur place pour que l'Afrique
nous regarde.
André :
Ne pensez-vous pas qu'il soit important de
maintenir des cours de français dans le
supérieur ? Il suffit de plonger dans des
rapports de stage et des copies d'examens
pour se rendre compte que les étudiants
français ont de grosses lacunes en
orthographe, grammaire et syntaxe.
Oui, mais cela relève de l'école, du lycée.
Ma priorité, c'est de renforcer
l'enseignement et la qualité du français à
l'extérieur. Le programme « 100 000
formateurs pour l'Afrique », financé,
démarre début septembre.
J'ai par ailleurs un plan qui s'appelle « La
francophonie en France » pour les jeunes
Français dont les parents issus de
l'immigration avaient été regroupés dans des
tours selon leur langue maternelle. Les
personnes qui parlaient le wolof allaient
dans les tours wolof, les autres dans les
tours d'Algériens, de Tunisiens, etc.
Quarante ans après, parler le français n'est
plus la règle dans ces territoires oubliés.
Et ces jeunes restent aux portes du marché
du travail. Ils n'ont pas accès aux premiers
entretiens parce qu'ils maîtrisent mal le
français. J'ai donc décidé de créer un label
francophone.
Je vais le faire avec le ministreFrançois
Lamy. Ce sera des formations au français
professionnel, en partenariat avec les
entreprises, qui réinvestissent ces
territoires aujourd'hui. Par exemple la
SNCF, la BNP, la RATP, Veolia... Mon idée,
c'est de former avec des outils numériques,
avec des formateurs et des professeurs. Nous
avons aussi des maisons de la francophonie,
nous allons travailler avec le livre, avec
le film.
À l'issue de cette formation, les jeunes
auront le label francophone, qui sera
reconnu par les entreprises. C'est un
travail que j'ai un peu calqué sur celui que
j'ai fait en 2005 sur l'égalité des chances.
J'avais fait un travail à la fois sur les
entreprises et avec les jeunes.
Ce label francophone va permettre, en tout
cas, à ces jeunes d'entrer dans le monde du
travail.
Antonio :
Est-ce envisageable que durant le mandat deFrançois
Hollande soit mis en place un Erasmus
francophone?
L'agence universitaire francophone est déjà
un réseau de 800 établissements et délivre 2
000 aides individuelles à la formation et à
la recherche. Je pense que nous allons
améliorer la visibilité de ce dispositif.
Nous travaillons aussi, avec MM. Valls et
Fabius, à une délivrance facilité des visas
pour les étudiants, les artistes et les
chercheurs.
À l'université,
l'anglais est déjà la langue des chercheurs
Le Monde.fr|
Par Benoît
Floc'h
Et si,
finalement, la polémique sur la place de
l'anglais dans l'enseignement
supérieur français n'avait guère de sens
? C'est l'impression qui ressort de la
lecture de deux enquêtes inédites de
l'Institut national d'études démographiques
(INED), dont Le Monde a pu consulter les
résultats.
Ce travail éclaire d'une lumière nouvelle la
polémique déclenchée il y a deux mois par le
projet de loi qui sera défendu par Geneviève
Fioraso, ministre de l'enseignement
supérieur et de la recherche, mercredi 22
mai devant l'Assemblée nationale. Dans son
article 2, le projet de loi prévoit de faciliter l'organisation
de cours en anglais dans l'enseignement
supérieur.
Or, montre l'étude de l'INED, en dépit de la
loi du 4 août 1994 (dite « loi Toubon »),
l'anglais est déjà fréquemment utilisé dans
les universités et les écoles publiques : un
quart (26 %) des universitaires français
donnent des cours en anglais
« régulièrement » ou «
à l'occasion ». Cela signifie, selon M. Héran, l'auteur de l'étude, que 11% des
cours sont délivrés en anglais. L'assertion
de Geneviève Fioraso selon laquelle
désormais « 1 %
» des cours seraient
délivrés en anglais, apparaît donc « une
minimisation invraisemblable », selon
lui.
Du point de vue de la place globale de
l'anglais dans l'enseignement supérieur,
l'enquête de l'INED a le tranchant des
vérités qui blessent : l'anglais s'est
imposé sans partage. Menée auprès de 1 963
directeurs de laboratoires, puis de 8 883
chercheurs entre 2007 et 2009, cette enquête montre
que la loi Toubon, qui impose le français
dans l'enseignement supérieur, est
ouvertement bafouée et n'a eu aucun impact
sur la progression de l'anglais. Bien au
contraire... 81% des directeurs de
laboratoire constatent qu'en vingt ans,
l'anglais s'est imposée comme la langue
dominante. « Les scientifiques français
n'ont jamais autant cherché ni enseigné en
anglais », poursuit M. Héran.
Les chercheurs interrogés le disent sans
ambages : « Pour 83 % d'entre eux, la
langue la plus utilisée dans leur propre
domaine est l'anglais, le plus souvent en
situation de monopole (42 %). Pour 10 %
seulement, c'est le français (8 % en
monopole). » Huit chercheurs sur dix
jugent que l'anglais est « devenu d'usage
si courant dans la recherche que le choix de
la langue ne se pose plus ».
DIFFÉRENCES SELON DISCIPLINES... ET LES ÂGES
D'ailleurs, alors que la loi Toubon impose
une traduction en français lors de
rencontres scientifiques organisées en
France, « seuls 20 % des organisateurs de
colloques ont pu s'offrir des
interprètes au moins une fois dans l'année »,
note l'INED.
L'anglais domine, donc, en toute impunité.
Mais il existe des différences selon les
disciplines. « Dans les sciences dites
"dures" et réputées "exactes", écrit
l'INED, le français n'est pas menacé de
marginalisation, il est déjà marginal. » Il
ne domine plus que dans 2 % des cas... Dans
les sciences humaines et sociales, la
situation est plus contrastée. Mais
l'anglais occupe tout de même une position
dominante selon 59% des directeurs de
laboratoire, contre 23% pour le français.
Il existe également des différences selon
l'âge des scientifiques interrogés. Les plus
jeunes sont les moins multilingues : 77 %
des scientifiques nés entre 1985 et 1989 ne
pratiquent que l'anglais. Les plus âgés, nés
avant 1945, ne sont que 40 % dans ce cas. « Le
russe a disparu, l'italien disparaît,
l'allemand dégringole », relève M.
Héran. En outre, « la dénonciation de
l'impérialisme anglo-saxon est en net recul
: alors que 67 % des chercheurs nés avant
1955 pensent encore que "privilégier
l'anglais dans les sciences, c'est soutenir la
domination de la culture anglo-américaine",
c'est le cas d'à peine 40 % des jeunes nés
dans les années 1980 », constate l'INED.
La
défiance envers l'anglais décline
Le graphique ci-dessous
présente le pourcentage de chercheurs
« d'accord » avec diverses propositions
sur le choix de la langue de travail,
selon leur date de naissance.
L'institut en tire la conclusion qu'« on
ne délogera pas l'anglais par une défense anglophobe
du français ». Et, compte-tenu de
l'échec de la loi Toubon, « on peut
douter qu'un
alinéa de plus ou de moins dans la loi
contrecarre le mouvement, tant il est
porté par les jeunes et inscrit dans la
vocation mondiale des sciences, estime
l'INED. Mieux vaut encourager le
pluralisme linguistique dans les
disciplines où il fait sens, les
humanités et les sciences sociales. À
deux conditions cependant. Admettre qu'on
peut concilier l'anglais
comme langue d'échange avec le français
comme langue de débat. Et renoncer aux
mesures coercitives au profit
d'incitations qui ne nient pas les
réalités. »