Sujet :

Pour ou contre officialiser les langues régionales ?

Date :

17/09/2012

Envoi de Norbert Terral   (courriel : afrav(chez)aliceadsl.fr)  

Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

De vous à nous :

Pour ou contre officialiser les langues régionales ?

Faut-il les reconnaître dans la Constitution ?

C'est ce que veulent les associations.

Le débat fait rage.

Ils sont bretons, occitans, corses, alsaciens et ont manifesté, en mars dernier,  par dizaines de milliers, pour une seule revendication : la ratification, par la France, de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Si rien n'interdit de parler basque, catalan, francique ou alsacien, ni d'en apprendre l'usage dans les établissements publics1, la Constitution ne reconnaît officiellement que le français. Une injustice pour ceux qui considèrent que les langues régionales font partie du patrimoine culturel et réclament une reconnaissance pleine et entière. Inscrite dans la Constitution, cette reconnaissance aurait de nombreuses implications dans la vie publique et privée : souscrire un contrat de travail, comparaître en justice, publier des documents administratifs dans toutes ces langues serait possible !

Alexis Quentin, membre du collectif pour les langues régionales, plaide en sa faveur.

Daniel Lefeuvre, professeur d'histoire à l'université Paris-8-Saint-Denis, dénonce les menaces qu'une ratification ferait peser sur l'unité nationale.

 

Celui qui est pour :

ALEXIS QUENTIN, membre du collectif pour les langues régionales2 :

Donner leur place aux langues régionales n'est pas contraire à l'unité, la diversité a toujours existé !

Transmettre une langue, c'est transmettre une histoire, un art de vivre, une culture.

Et le plurilinguisme est un outil pour aller vers les autres : les Bretons sont ouverts sur le monde celtique et les Occitans, au cœur du monde latin, sont en concordance avec l'Espagne et l'Italie. Ils éprouvent aussi une grande fierté à parier leur langue, se rendent compte que c'est une richesse à ne pas perdre, qu'il faut l'entretenir, la pratiquer et l'enseigner. L'article 75-1 de la Constitution3 n'apporte qu'une légitimation symbolique : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. » Ce n'est pas suffisant. Il faut une modification de la Constitution pour imposer leur égalité avec le français et une loi-cadre pour en développer l'enseignement, son utilisation dans les médias et mettre un terme à l'arbitraire. La signalisation routière bilingue est autorisée avec le breton et pas avec l'occitan, alors qu'à Toulouse les stations de métro sont annoncées dans les deux langues! Bien que ce soit contraire à la loi, les conseils municipaux se font souvent en corse ou en occitan parce que c'est la manière la plus naturelle de traiter les affaires de la commune. Le compte-rendu est ensuite rédigé en français, pourquoi n'y aurait-il pas deux versions? Donner leur place aux langues régionales dans la vie sociale, administrative et dans les institutions n'est pas contraire à l'unité, la diversité a toujours existé. Il y a cinquante ans, les langues régionales étaient parlées de façon courante. La République, c'est le bien commun, tout le monde doit y participer ! A terme, on peut imaginer de promouvoir aussi les langues issues de l'immigration quand elles sont parlées par un grand nombre. Bien vivre sa culture d'origine dans son pays d'accueil pourrait permettre une meilleure intégration.

 

Celui qui est contre :

DANIEL LEFEUVRE4, professeur d'histoire contemporaine à Paris-8-Saint-Denis :

Les langues régionales nous le français nous rassemble.

L'instauration du français comme langue officielle remonte à François Ier. L'idée était de procéder à l'unification linguistique pour faire progressivement l'unité nationale. À la Révolution s'est ajoutée une dimension supplémentaire, la démocratie : contrôler le pouvoir impose de parler la même langue que lui ! Les langues régionales font partie de notre patrimoine culturel. Mais il n'y en a qu'une partagée par tous, c'est le français. Les langues régionales séparent les Français, le français les rassemble. Il est indispensable que les procès-verbaux des conseils municipaux, comme tous les textes politiques, administratifs et juridiques puissent être lus et compris par tous. Le plurilinguisme pose des problèmes de traduction et ouvre la voie aux querelles linguistiques. Les défenseurs des langues régionales ont une conception figée des provinces de France.

Combien y a-t-il de Bretons en Bretagne ? D'Occitans en Auvergne ? Les phénomènes migratoires opèrent un mélange des populations qui ne peuvent se comprendre sans une langue commune. Les langues régionales sont enseignées dans les écoles de la République, ce dispositif leur donne une vigueur nouvelle et c'est une bonne chose. Mais la langue aujourd'hui menacée est le français : dans le monde, du fait de la prédominance de l'anglo-américain, mais aussi dans l'Hexagone à cause des politiques mises en œuvre depuis les années 70 et qui dévalorisent l'enseignement du français. À l'université, on est obligé de donner des cours d'orthographe, de grammaire et de vocabulaire ! La Charte européenne des langues régionales et minoritaires tend à réduire les citoyens, jusque-là libres et égaux, en éléments de groupes régionaux, voire ethniques. La perspective de reconnaître aussi les langues des immigrations revient à enfermer les migrants dans leur identité d'origine au lieu de faciliter l'assimilation à leur nouvelle patrie. Ce qui est en jeu est le maintien, à terme, de l'État-nation ou sa disparition.

Margot Arnaud

 

1. Basque, breton, catalan, occitan, francique, alsacien, tahitien et quatre langues mélanésiennes.

2. Coordination "Per la lenga occitana", eblul-france.eu.

3. Révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

4. Auteur avec Michel Renard de Faut-il avoir honte de l'identité nationale, Larousse.

 

C'EST VOUS QUI LE DITES

• « Certains voudraient relancer l'étude des langues régionales, alors que 25 % de nos étudiants ne maîtrisent même pas le français. Elles ne devraient être enseignées que par les parents ou amis, en dehors de l'école. Depuis très longtemps les Français sont réunis autour de la langue qui fait leur ciment. » José M. (82).

• « Pourquoi revenir sur ce qui existe depuis des siècles ? Ne touchons pas à notre langue que devraient parler tous ceux qui prétendent à la nationalité française. » Yvonne C. (44).

• « Les langues régionales et minoritaires font partie du patrimoine. Au nom de quoi les supprimer ? Notre République laïque ne renie pas les édifices religieux, ni les châteaux royaux, ni les monuments impériaux, elle se montre fière de ses richesses culturelles et touristiques. » Geneviève C. (66).

• « Que les nostalgiques d'une époque révolue parlent leur dialecte au sein d'associations, pourquoi pas, mais qu'ils ne l'imposent pas à l'école au nom de je ne sais quelles racines locales. » Maurice B. (26).

    « Nous sommes en France, donc nous devons parler français. Cela ne veut pas dire que je renie les langues régionales, mais pourquoi une loi ? Il va de soi que les gens peuvent les utiliser entre eux, mais si chaque région voulait imposer sa propre langue, où irions-nous ?» O. P. (30).

    « N'est-ce pas une honte pour le pays des Lumières que, en plein XXIe siècle, les locuteurs bretons, corses, basques ou alsaciens en soient réduits à batailler pour le simple droit au bilinguisme. » Philippe S. (67).

    « Mes grands-parents ne parlaient qu'occitan, j'avais un plaisir immense à l'écouter et à le parler. On disait que nous allions être perturbés pour apprendre le français, mais nous passions de l'un à l'autre sans difficulté. Plus tard, j'ai appris l'espagnol avec aisance. » Rose-Marie B. (31).

    « Ma grand-mère était bretonne du Finistère et les personnes âgées parlaient breton entre elles. En femme intelligente, elle interdisait à quiconque

de le parler à ses petits-enfants, car elle estimait que nous devions respecter et valoriser notre langue, le français, acquise après bien des siècles. » M. B. (64).

    « Je vais vous écrire en patois, à vous de bien vouloir faire un petit effort. Bon, v'la, achteur ch'est in patoas d'ichi qu'euj va écrire. Mi euj sus ein viux artraité qui pour s'occuper et garder eus jönnesse fait du patoas d'eul région Nord-Pas-de-Calais et meisme ein mioche pas long cha va d'eul Wallonie a eul région eud l'Oise. Ouai ! » Louis C. (59).

 

Source : Magazine Fémina, semaine du 10 au 16 septembre 2012

 

 

 

Haut de page