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objet :
Chère
Madame,
J’ai
bien reçu et lu vos commentaires qui ont retenu toute mon
attention. Avant de répondre à ces derniers, je tiens à
souligner (ou plutôt répéter) que le but de mon message
précédent était de protester contre vos techniques
de promotion de l’anglais et non contre
l’anglais en soi, c’est pourquoi, je rejette vos
accusations de « racisme anglophobe exacerbé ».
Lorsque
l’on estime qu’une personne se trompe dans ses propos,
et qu’on lui fait savoir (même très maladroitement),
ce n’est pas par racisme ou par haine; c’est, au
contraire, parce que l’on souhaiterait que cette même
personne comprenne ce qui n’irait pas dans ce qu’elle
a dit ou écrit.
En
fait, vous vous êtes offensée, parce que vous avez vécu
mon message comme une véritable attaque contre votre
travail et donc contre votre personne. J’en suis désolé
pour vous et je vais vous fournir des explications.
Vous
avez écrit :
J'ai bien reçu
ta critique et je l'accepte, bien qu'elle consiste
en une agression violente envers quelqu'un dont tu n'as
pas essaye de connaître plus en avant les intentions.
En effet, bien que j'ai fait viser mes textes par
des personnes qui ne sont ni du milieu linguistique ni
du milieu de la formation a la recherche de réactions
candides, il est fort possible que certaines
formulations restent encore mal tournées et donc
mal interprétées. Il se peut également que
je me sois trompe en saisissant certaines données.
En
relisant, d'ailleurs, je viens de me rendre compte qu'il
y a une erreur au paragraphe SORG2-40 : il faut lire
"20eme" et non pas "21eme" ; je
modifierai cela des que possible.
Je
me réjouis de votre bonne volonté affichée.
Aussi, comme mon
but n'est pas de conforter les anglophobes dans leur
racisme exacerbe, mais bien de lutter contre
l'incompréhension, si tu penses que certains extraits
ne vont pas dans ce sens, il serait très intéressant
que tu me les listes. La critique peut à la rigueur être
agressive, mais elle n'est utile que lorsqu'elle propose
autre chose et qu'elle devient alors constructive. La
section SORG2 est longue, puisqu'elle fait 40
paragraphes ; aussi, j'aurais aimé savoir :
- quels sont ceux
qui te choquent et pourquoi ; ce que tu dirais à la
place.
- la liste des
données fausses et leur correction.
Au
bas du présent message, vous trouverez une sélection
de paragraphes directement tirés de votre page web « SORG2»
suivi de mes commentaires et explications.
- la
signification de "psycho-virus"
Un
psycho- virus, c’est tout simplement un virus
psychique. Les psycho-virus déguisent les faussetés en
vérités. En général, les psycho-virus se présentent
sous des réponses (ou des affirmations) qui n’ont
absolument rien à voir avec la question (ou le sujet)
posée et qui cherchent, par cet effet, à ne pas répondre
à la question initiale en inventant d’autres
questions (pour tout embrouiller et/ou faire oublier) ou
en déguisant une fausse réponse en vraie.
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Des
paragraphes discutables :
j’ai mis
en italique les parties contestables.
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SORG2-04
Comment
une langue devient internationale
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(…)
La domination linguistique de l’anglais par des actions
militaires a eu lieu par exemple en Irlande, où deux
millions d’Irlandais furent exterminés par les Anglais
au 19e siècle. On peut aussi rappeler la
liquidation irréversible de nombreuses langues amérindiennes.
Mais les conquêtes militaires ne se traduisent pas
toujours par des génocides. Ainsi, les Anglais, en 1760,
n’ont pas éradiqué le français en occupant le Canada.
Mais seuls les antécédents historiques ne sont pas à
l’origine de la suprématie de l’anglais. Excellent
outil de communication, simple, efficace, précis, tolérant,
et souple, il a su s'adapter à tous les terrains et à
toutes les situations au cours de l'histoire.
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Ici,
vous faites un rapide inventaire de quelques événements
historiques liés à l’expansion de l’anglais. Il me
semble que ce passage est directement tiré du site
"L’aménagement linguistique dans le monde" de
M. Jacques Legendre (Université Laval, Québec), que je
connais bien.
Voyons maintenant la
phrase qui suit, et dont M. Legendre ne peut être
l’auteur :
« Excellent
outil de communication, simple, efficace, précis, tolérant,
et souple, il a su s'adapter à tous les terrains et à
toutes les situations au cours de l'histoire. »
L’anglais
n’est pas plus simple, efficace ou précis
que ne le sont le français, l’espagnol ou un grand
nombre d’autres langues. Pour les linguistes
professionnels – comme par exemple Claude Hagège -,
l’anglais compte parmi les langues les plus difficiles
à apprendre, notamment en raison de sa prononciation. Par
ailleurs, sachez qu’avant la chute du communisme, ce
genre de faux arguments pouvait aussi parfaitement
s’appliquer pour le russe dans les anciennes républiques
satellites soviétiques : le russe justifiant son
expansion dans ces dernières sous prétexte de constituer
un "excellent outil de communication", forcément
"meilleur" que les autres. Évidemment, chacun
peut s’amuser à inventer (même inconsciemment) des
affabulations pour "convaincre" !
Par
ailleurs, il est opportun de
souligner que, sauf exception, les emprunts linguistiques
ne se font que quand le
groupe duquel on emprunte est considéré d'un niveau égal,
sinon supérieur... Cette image
d'une langue anglaise “démocratique”, curieuse,
ouverte à tous et gourmande de termes
nouveaux et exotiques,
est un exemple typique d'une affabulation coloniale.
Si
j’étais vous, je me passerais de cette phrase.
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SORG2-10
Qu'est-ce
qui contribue à l'expansion d'une langue ?
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Parmi
les facteurs contribuant à l'expansion d'une langue,
mentionnons les facteurs démographiques, économiques,
militaires, culturels, politiques. Dans le cas de
l'anglais, langue particulièrement souple et adaptable,
Non.
des
facteurs proprement linguistiques jouent également leur rôle,
dans la mesure où les facteurs précédents sont présents.
(…)
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SORG2-19
Isolement
et insularité : maintient plus long
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(…)
Bien sûr, aujourd'hui, les Islandais ont besoin de
parler anglais comme tout le monde,
Ici,
on observe un pseudo argument néocolonial typique : "besoin
de parler anglais comme tout le monde".
L’immense
majorité de la population mondiale n’a nullement besoin
de parler anglais ; l’anglais n’est indispensable
que pour voyager dans un pays anglophone ou pour accéder
à certains postes d’entreprises ou organismes.
Par
ailleurs, pour beaucoup de personnes, il est mille fois
plus utile d’apprendre d’autres langues telles que
l’espagnol, le français, le portugais ou encore le
russe.
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Écrivez
plutôt : "Bien sûr, aujourd’hui, beaucoup
d’ Islandais apprennent l’anglais comme un grand
nombre de personnes de par le monde".
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SORG2-38
L'anglais
comme une opportunité professionnelle, un envol
social
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(…)
La circulation de l'information doit être instantanée,
les réglementations claires, les contrats sans ambiguïté,
les échanges efficaces. Une mentalité est
particulièrement bien adaptée à ces caractéristiques
des marchés modernes : la mentalité anglosaxonne.
Ici,
on observe deux affabulations néocoloniales : un
premier message colonial dominant associe l’anglais (ou
la "mentalité anglosaxonne") aux profits dans
ce qu'il convient d'appeler notre
“monde de la communication”. La connaissance de cette
langue est censée nous faire faire des
affaires et nous faire gagner de l'argent, beaucoup
d'argent...
Un
second veut nous faire croire que l’anglais est forcément
"supérieur" puisqu’il est le seul
"outil" qui nous ouvrirait les portes du
"monde moderne" ; on retrouve exactement le
même message que l’on instillait autrefois aux peuples
colonisés d’Afrique et d’Asie.
En
effet, dans son livre “English and the discourses of
colonialism”, Routledge, 1998, le professeur
australien Alastair Pennycook a mis en évidence que les
politiques linguistiques
coloniales britanniques s'organisent autour de
quatre principes. En voici trois :
les colonies doivent en premier
lieu fournir des travailleurs dociles et des consommateurs
qui sont susceptibles de faire croître
la machine capitaliste du colonisateur. Chaque politique
linguistique coloniale doit être
adaptée aux conditions locales. Les idées de
civilisation, de libéralisme et l'acquisition de la
science occidentale
- de nos jours la
science "moderne"- seront fortement associées
à la langue anglaise.
Actuellement,
le message (néo)colonial est surtout associé aux
"merveilles" du "monde de la
communication" et aux bienfaits de la "liberté
d’entreprise".
Il
y a de quoi être hilare, lorsqu’on prétend que
l’imposition d’un modèle de pensée étranger va nous
rendre plus "libre", ou encore qu’on va
"mieux pouvoir se développer" , sans parler
des prétendus gains économiques à long terme,
notamment.
Plus
d’anglais colonial(1) ó plus de
gens tournés vers les produits anglo-saxons ó
appauvrissement de la production nationale ó
moins de bénéfices pour les nationaux. Et je vous épargne
encore l’essentiel.
Ce paragraphe
est à revoir.
Et
cette logique particulière de l'efficacité simple et
claire est parfaitement véhiculée par la langue
anglaise, comme illustrée dans les exemples qui suivent.
Bien sûr, la logique d'un peuple et sa mentalité se
retrouvent dans la langue qui les expriment.
Voici
des exemples d'expressions que l'on trouve couramment dans
la correspondance écrite, suivis de leurs équivalents en
anglais :
"Je vous prie de bien
vouloir trouver ci-joint ..." : "I
enclose ..."
"Je vous prie de bien
vouloir agréer, Monsieur le président Directeur Général,
l'assurance de ma considération distinguée."
: "Faithfully yours."!
Pseudo
arguments absurdes.
Si
je le voulais, je pourrais également inventer n’importe
quoi pour vous "montrer" qu’une langue
"X" ou "Y" est "vraiment
apte" pour une communication "efficace" ou
que l'anglais constitue un très mauvais choix pour
s'exprimer, et cela, sans rien inventer.
On
ne peut pas agir ainsi.
Argument
à réexaminer, donc.
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SORG2-39
Prise
de conscience de la France de la nécessité de parler
anglais
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(…)En
France aussi, malgré de lourdes réticences et un retard
considérable, on prend conscience de combien
l'apprentissage de l'anglais est indispensable.
Encore
une affabulation néocoloniale. Il faudrait absolument
parler anglais pour "progresser". De nos jours,
l’anglais
permet avant tout de favoriser la pénétration des
marchandises anglo-saxonnes et d’établir une autre
vision du monde chez les
"convertis" aux messages néocoloniaux que
peut véhiculer cette langue.
Écrivez
plutôt : "de combien l’apprentissage de
l’anglais peut être utile"
De plus en plus d'entreprises considèrent la formation de
leurs personnels en anglais comme une nécessaire priorité.
Il faut avoir bon espoir que la France finira par parler
anglais grâce à la formation de ses adultes (puisque les
écoliers qui sortent de terminale ne parlent pas anglais
et qu'aucune réforme de l'enseignement de l'anglais à l'école
n'est à l'ordre du jour), et qu'elle pourra ainsi
s'exprimer spontanément, directement et librement sur la
scène internationale.
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Comment pouvez-vous prétendre
que la France (ou n’importe quel autre pays) parvienne
à s’exprimer "spontanément, directement et
librement" en s’auto-imposant une langue étrangère ?
La
langue est le premier instrument du pouvoir. Le
colonisateur va imposer sa langue pour CONTRÔLER et
DOMINER et certainement pas pour "libérer" les
esprits ! Ici, cette phrase transmet le message
suivant : Aujourd’ hui, la France est incapable de
s’exprimer librement parce qu’elle ne parle pas la
langue de la "communication". Donc, l’anglais
est une langue supérieure qui permettrait aux gens
de "communiquer" directement. Mais comment
pouvez-vous m’expliquer cela ?
Quant aux entreprises, on a vu ce
qui s’est passé avec Vivendi, et je ne sais plus quelle
autre qui a vu sa direction devenir Étasunienne.
Phrase
à retirer absolument.
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SORG2-40
Progrès
récents de la France dans l'apprentissage de l'anglais
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Est-il
possible à un anglophone de ne parler qu'anglais en
France ? Encore impensable à la fin du 20ème
siècle, il est désormais possible de vivre en France,
mais aussi d'y travailler, sans parler un mot de français,
dans certaines professions, et en contact constant avec
des Français au sein de compagnies françaises. Des secrétaires
complaisantes prennent à leur charge les déclarations
annuelles de revenus et autres formalités que l'on ne
peut accomplir qu'en français. Une courte enquête a
permis d'établir que seuls les anglophones, des cadres américains
et anglais pour la plupart, jouissent actuellement d'un
tel privilège. Ces témoignages
sont de bon augure !
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Ici,
il serait de "bon augure" que des étrangers parviennent
à avoir des privilèges particuliers dans un pays qui n’est pas
le leur. Ce n’est que dans les pays colonisés que l’on
accepterait cela. Et, pouvez-vous me dire pourquoi ce phénomène
ne mériterait pas d'être réciproque ? C’est la
mise en place d’un apartheid que vous encouragez, car
voyez-vous, avec leurs complexes
d’infériorisés, certains Français d’aujourd’hui vont
jusqu’à donner la priorité à des anglophones de naissance (« native
speakers » comme ils écrivent) pour les principaux postes
de direction. C’est pourquoi, je doute fort que tout ceci soi de
si bon augure…
Bien
cordialement,
(1) « Anglais colonial » =
anglais utilisé par des gens qui veulent, consciemment ou
inconsciemment, manipuler, dominer et exploiter autrui;
l’anglais colonial se différencie de l'anglais tout court qui
ne ferait pas de mal à une mouche.
Jadis, on pouvait aussi parler de
"français colonial", de "portugais colonial",
de "russe colonial", etc.
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