De :

  M. Alain PICHOT
  87 rue de Bezons
 78420 CARRIÈRES-sur-SEINE

 

 

À : WORMS et Cie
      Service titres émetteurs
      3, avenue Hoche
     75008 Paris

 

 

      Carrières-sur-Seine,  le 06 juin 2003


objet : L'anglomanie de nos entreprises.

     

Chère Madame,

 

 

Lors de notre longue conversation téléphonique du lundi 26 mai à propos de mes actions Worms qui - malgré votre surprise - m’ont valu de ne pas être informé des tribulations de cette société, nos échanges ont été à la fois francs, durs, mais non exempts d’une cordialité de bon aloi.

Après avoir appelé le numéro de téléphone que vous m’avez donné, j’ai eu une personne fort aimable qui m’a confirmé le versement d’un dividende de 0,90 € plus un dividende exceptionnel de 0,60 €, soit 1.50 € et 0,75 € d’avoir fiscal.

Comme promis, je vous envoie quelques documents qui montrent à quel point, dans un pays comme le nôtre - où la culture boursière est si répandue, il est véritablement indispensable de diffuser les informations en important de manière totalement inutile des termes anglo-américains !
C’est la meilleure manière pour les citoyens de ce pays, qui ne sont déjà pas disposés à faire de la Bourse,  n’y viennent pas et pour que ceux qui s’y intéressent depuis 22 ans n’aient qu’une seule envie : «foutre le camp». C’est ce que j’ai fait en réduisant ma quantité de titres.

Je ne vois pas pourquoi en tant que citoyen francophone, je participerais à la promotion d’un langage hégémonique qui n’est la langue d’aucun pays d’Europe - y compris pour les Anglais - à savoir l’anglo-américain.
Les Anglais, eux, au moins, ont le courage de parler leur langue en utilisant "tennis player", alors que les médias français emploient "tennisman",  puisqu’ils ne parlent plus la langue française :

elle les obligerait à dire «joueur de tennis» !
Comme moi, vous êtes à même de constater qu’une mode débile consiste à ce que tous les
formulaires de vote soient édités dans le bilinguisme obligatoire anglo-américain.
Je vous envoie également quelques photocopies des formulaires de vote annotés, car je ne vois pas pourquoi je participerais à la vie de sociétés qui méprisent le plurilinguisme et la première langue internationale en Europe.
Sans le dire, la République Française oeuvre-t-elle pour détruire «la» langue française? Veut-elle faire de mon fils un «Anglo-américan-French»?
Que les responsables médiatiques et les dirigeants d’entreprises de mon pays ne me disent pas ce qu’ils auraient fait pendant la dernière guerre mondiale, alors qu’ils ne sont même pas capables de défendre la première langue internationale en Europe : la langue française.

Étant toujours en plus-value, si cette mode stupide devait se poursuivre, je me ferai un plaisir d’alléger les lignes de mon portefeuille au fil de l’eau.
Je ne vois pas pourquoi je serais investi, ne serait-ce que d’un centime, dans des sociétés qui ont honte de la langue française.
On veut, sciemment ou non, que toute l’Europe se fasse sur une langue qui n’est la langue de personne - l’anglo-américain - pour qu’elle devienne la langue de tout le monde.

Étant  contre le fascisme, le racisme, le colonialisme et tutti quanti, comment pourrai-je  accepter aujourd’hui que les dirigeants de l’Union Européenne et, en particulier, ceux de mon pays, imposent le colonialisme linguistique anglo­américanophone dans toute l’Europe ?

Lorsque la Communauté Européenne a été créée, le Ministre allemand des Affaires Étrangères de l’époque - monsieur Heinrich von Brentano - avait déclaré que la langue officielle de l’Europe devait être la langue française ; il avait même souhaité que cela soit entériné par un vote. Les dirigeants français de l’époque avaient considéré cela inutile.
Contrairement aux responsables actuels de mon pays, monsieur Heinrich von Brentano savait, lui, que la première langue internationale en Europe, c’est la langue française.
Je pense que cela se passe de tout commentaire...

Dois-je vous dire, Chère Madame, que je me donne la peine de chanter cette musique sur tous les tons depuis une dizaine d’années ?
Le résultat me laisse penser que pour les décideurs de mon pays,  j’ai le choix entre passer pour un débile mental, un être à enfermer ou un minus abscons.
Permettez-moi de vous dire que je laisse l’Histoire en juger !

Enfin, Chère Madame, je vous précise que j’ai écrit à de nombreux responsables politico­médiatiques de mon pays.
J’ai pu apprécier leur bonne éducation et leur politesse : ne voulant sans doute pas me fournir de mauvaises excuses, ils ont gentiment évité que je me fatigue les yeux à lire leur réponse. Dois-je conclure que le summum de leur courtoisie est de ne pas répondre aux lettres ?
J’espère que vous serez l’exception qui confirme la règle.

Je vous prie de croire, Chère Madame, en l’assurance de mes salutations les meilleures.

 

Alain Pichot