Cher
Monsieur,
Les
correcteurs de ce noble journal qu'est Le Monde - d'autres ardents
défenseurs de notre belle langue - m'ont adressé les mêmes
reproches. Aussi, à l'exception de quelques éléments relatifs
à vos commentaires d'ordre personnel, je vous livre peu ou prou
la même réponse :
Pourquoi
avons-nous choisi d'utiliser les termes anglais « writing » et
« writers » en lieu et place des vocables « tag » et «
tagueur » qui ont
désormais les honneurs du « Larousse » ? Tout simplement parce
qu'au regard des publics concernés, ces derniers auraient été
tout simplement inappropriés. En effet, un graffiti est un dessin
et un tag est sa signature, laquelle est progressivement devenue
un mode d'expression graphique à part entière. Le « writing »,
pour sa part, englobe ce mouvement culurel à travers ses
différents courants - et le concours « Write Your Map »
s'adresse à tous ses représentants, lesquels sont également
très sensibles à tous les sujets liés aux dérives de
langage... J'attire aussi votre attention sur le fait que l'emploi
du mot sketch, est autorisé par le « Larousse » qui traduit ce
mot par
« esquisse », lequel est donc employé à bon escient dans le
cadre de concours ou un avant-projet succin est demandé aux
participants.
Par
ailleurs, concernant votre suggestion de créer le néologisme
"graphe", je me permets de vous rappeler que le terme
graffiti est au dictionnaire... L'ensemble de vos propositions
associant ce néologisme - outre le fait qu'elles susciteraient la
risée des destinataires du message - feraient également
sourciller les linguistes érudits dont, semble-t-il, vous ne
faites pas partie. Pour mon "apprentissage de la langue
française", je m'adresserais donc à une personne plus
qualifiée. En outre, les termes anglo-saxons employés dans le
cadre de ce concours ne le sont - sans renvoi à une traduction -
que sur le site Internet dédié aux quelques centaines de
participants. Sur les affichettes présentes dans le métro, et
par conséquent visibles par le « grand public », le nom de
l'opération «Write your map » est traduit par « Illustre ton
plan » (conformément à la réglementation et par ailleurs à
votre suggestion), et celui de « writers » par « calligraphes
urbains ». Auriez-vous trouvé mieux ?
Comme
je le conseillais à vos camarades du blog des correcteurs du
Monde - auprès desquels j'ai exposé mon point de vue sans
obtenir en retour la moindre réponse convaincante ( à croire
qu'on ne peut pas à la fois corriger les textes d'autrui et
émettre par écrit des idées pertinentes ?) - pourquoi fustiger
ces libertés de langage visibles sur un site Internet réservé
à une communauté utilisant un langage propre, à l'instar des
"louchebem" d'hier ou des publicitaires d'aujourd'hui ?
Et pourquoi, à l'inverse, ne pas attaquer de front les plus
puissants des médias qui quotidiennement assènent vocables
anglais et anglicismes en toute "impunité" ? Écrivez
donc à Patrick Lelay, cher Monsieur, et demandez-lui que TF1
change l'appellation des émissions "Fear Factor" et
"Star Academy", pour ne citer que celles-ci. Profitez-en
aussi pour lui demander de faire cesser l'emploi du terme
"casting", employé à tout bout de champ sur le petit
écran et dans nos grands et nobles
quotidiens. Votre croisade aurait peut-être alors un semblant
d'utilité.
Enfin,
concernant le nom de mon entreprise - Human to Human - sachez
qu'il est celui d'une entreprise européenne de veille Internet,
pratiquant ce métier sur le réseau francophone et anglophone.
Pour la petite histoire, apprenez aussi que le choix de ce nom est
précisément un pied de nez au jargon publicitaire anglo-saxon et
notamment au regard de termes tels que "business to
business" ou "business to consumers" que nous
refusons d'employer, préférant une approche plus individuelle et
plus "humaine" de la communication (comme vous la
constaterez à travers ces lignes).
Concernant
ma profession de "planner stratégique", vous trouverez
ici une définition qui vous permettra de découvrir qu'il n'y
aucune raison
d'occulter derrière ce terme "la vacuité du message à
transmettre", contrairement à vos suppositions :
http://www.studyrama.com/article.php3?id_article=1281
À
ce sujet, les termes de "coach", de
"perchman", de "profiler" ou de "serial
killer" - pour ne citer que les vocables corporatistes qui me
passent par la tête écran - sont employés quotidiennement et
sans les guillemets d'usage par des journalistes dont
l'intégrité éditoriale est par
ailleurs au dessus de tout soupçon. Prenez-vous alors la peine
d'écrire à chacun d'entre eux pour - de manière aussi
approximative que vous l'avez fait en m'adressant ce courriel -
déverser vos vagues connaissances linguistiques assorties de
commentaires désobligeants concernant leurs personnes, leurs
entreprises ou leurs métiers ? Si c'est le cas, Cher Monsieur,
vous auriez toute mon estime pour la pugnacité avec laquelle vous
vous adonnez à cette respectable tâche. Mais dans le cas
contraire, vous ne seriez qu'un râleur aigri et stérile comme il
y en a tant sur le web, pardon sur le réseau. Attendu que
je vous soupçonne fort d'appartenir à cette dernière
catégorie, je n'ai qu'un conseil à vous donner : la prochaine
fois que vous déverserez votre fiel aux effluves de papier jauni
et de France rance et bien pensante, arrangez-vous pour viser
mieux. Mon français semble meilleur que le votre, et pour ma
part, je ne donne ni leçons de morale, ni cours de langue, aux
inconnus. Je me méfie bien trop du "syndrome de l'arroseur
arrosé".
À
bon entendeur...
Rémi Guilbert