Voici le message que j'ai envoyé à Yves Décaens, auteur sur France Inter
d'une revue de presse à 8h30. Ce message est un peu agressif, mais j'ai déjà
écrit sans résultat à cette personne sur le même sujet.

 

De :

  Patrick LELOUP
  44230 Saint-Sébastien-sur-Loire
  dplel44@yahoo.fr

 

 

À : M. Yves DÉCAENS

         FRANCE-INTER
         Yves.DECAENS@radiofrance.com

 

 

 le 24 juin 2003



Monsieur, 



Dans votre revue de presse du 23 juin à 8h30, vous avez parlé de « hard discount », en précisant finement que vous demandiez pardon à Alain Rey, mais qu'un « magasin "dure décote", ça le fait pas ».

Quand on prétend de la sorte, contre tout bon sens, que la langue américaine serait plus apte à la communication que la langue française, il faudrait déjà en posséder quelques rudiments. Vous sauriez alors que « hard » ne signifie pas systématiquement « dur » et que « discount » ne signifie pas « décote ». Votre trait « d'humour » montre que vous ne savez pas de quoi vous parlez quand vous vous gargarisez de « hard discount ».

Mais peut-être est-ce à dessein que vous traduisez mot à mot et maladroitement ? C'est en effet un grossier procédé utilisé par certains, que de traduire platement mot à mot, comme si l'expression française ne devait être qu'une pâle copie de l'expression américaine, et comme si la langue française était une langue morte, incapable de restituer la réalité autrement que par les apports de la langue américaine. Cette manière de procéder, pour qui se donne la peine d'y réfléchir deux secondes, ne fait d'ailleurs le plus souvent que montrer le caractère très banal ou même inadapté de l'expression originale en langue américaine ; si pour vous « dure décote » signifie exactement « hard discount », pourriez-vous expliquer en quoi, parmi ces deux expressions ayant (pour vous) strictement le même sens, l'une serait ridicule et l'autre non ? Puisque vous décidez que tel ou tel mot français « ne le fait pas », pourriez-vous citer des mots américains qui « ne le feraient pas », ou bien tous les mots de cette langue, existants ou à venir, seraient-ils nécessairement à l'abri du ridicule, par nature ?

Mais le plus incroyable, dans votre pitoyable réflexion, est cette étonnante propension à tenter de ridiculiser votre propre langue, qui « ne le ferait pas ». Avez-vous bien mesuré cette grave insulte que vous crachez à la figure de vos auditeurs en leur assurant que leur langue serait grotesque et incapable de rendre certaines notions ? Avez-vous bien réfléchi à votre comportement de colonisé que reflète cette stupide manie de remplacer des mots français courants par des mots américains et votre stupéfiante différence de traitement envers les néologismes à consonance américaine, toujours parés à vos yeux de toutes les beautés, et les néologismes à consonance française, nécessairement risibles selon vos singuliers critères ?

Comme dans toute colonisation, les plus fervents relais de la très agressive politique linguistique anglo-saxonne ne sont plus les Anglo-Saxons, mais des non anglophones. Est-il possible qu'un journaliste, censé être doué d'un certain esprit critique, puisse se faire le zélé propagandiste de cet endoctrinement, allant même, par l'effet d'un inconcevable masochisme, jusqu'à vouloir ridiculiser sa propre langue ?

Salutations,
  Patrick Leloup