De : |
Mme Brigitte Laval |
Ormesson,
le 29 septembre 2006 |
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zacaro(chez)wanadoo.fr |
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Ormesson |
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Objet : lutte contre le tout anglais en
Europe
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M.
Jan FIGEL
Commissaire
responsable du multilinguisme
Commission
Européenne
1049
Bruxelles
BELGIQUE
Jan.FIGEL@cec.eu.int
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Monsieur
le Commissaire,
Suite
au travail de « coordination » réalisé par la
Commission européenne avec les écoles et les universités des
pays de l’Union, l’éducation et la culture n’étant
d’ailleurs pas matières communautaires, je constate une
politique linguistique de nos grandes écoles françaises très préoccupante,
alarmante même.
L’école
de Sciences Politiques, par exemple, a mis en place cette année
des cours en anglais. Je ne parle pas de cours de langue anglaise,
mais de cours en anglais ! Comme l’Histoire de France, par
exemple. Notre Histoire nous appartient, à nous Français, tout
comme l’Histoire de tout pays appartient à son peuple. Elle est
partie intégrante de notre culture, de notre mémoire, et quels
que soient ses défauts ou erreurs passées, nous n’avons de leçon
à recevoir de personne. Cette affirmation est valable pour tous
les peuples. Alors, apprendre à nos adolescents (ou jeunes
adultes) notre Histoire en anglais ? Avec les yeux de la
Grande Bretagne (tant d’années en guerre contre notre pays) ?
C’est
aberrant !
De
plus, ces écoles sont chargées de former les futures élites
françaises. Or, il est reconnu que chacun n’est efficace à 100
% que dans sa langue maternelle ou première. Une langue étrangère,
même parfaitement maîtrisée ne donnera que 85 à 90 %
d’efficacité dans le meilleur des cas. Ainsi, seuls les
Britanniques et Irlandais (par la force des choses, leur langue
ayant été enterrée il y a 200 ans par les colons anglais)
sortis de leurs grandes écoles deviendraient les seules élites
efficaces à 100 % dans un monde ne travaillant plus qu’en
anglais ?
Avez-vous
lu le rapport de M. Grin d’octobre 2005 ? Il dénonce la
politique éducative en Europe (le Continent) dirigée vers le
« tout anglais » coûteuse et humiliante pour les non anglophones.
Par contre, très lucrative pour la Grande Bretagne (18 milliards
d’euros annuels au sein de l’UE – mais je ne vous
l’apprends pas !).
Dans
notre pays (politique intérieure) la langue de la République est
le français, et tout enseignement doit se faire en français,
sauf cours spécifiques de langues. Bruxelles ne peut s’opposer
à la législation intérieure d’un de ses membres, ce serait
contraire à toute démocratie, donc ne peut soutenir une telle
politique éducative. Dans le cadre des échanges scolaires, il
paraît que les lettres de motivation doivent être établies en
anglais, et dans un pays hispanophone, par exemple, un étudiant
français aura plus d’heures d’anglais que d’espagnol !
Où
est la diversité culturelle ? Où est passée l’égalité
linguistique entre tous les citoyens européens ? L’égalité
dans la diversité ?
Il
est vrai que nous subissons actuellement une dictature de la
langue anglaise. Croyez-vous qu'il est de notre intérêt de
favoriser et renforcer celle-ci ?
Cette
langue n'est pas neutre, elle ne doit sa place qu'à la puissance
des Etats Unis d'Amérique du Nord dont elle est la langue.
Elle
est un instrument de puissance entre leurs mains, je vous cite
d'ailleurs cet extrait du International Herald Tribune du 7
juillet 1992 : " The use of English boots the
political influence of the English-speaking countries in ways
perhaps more than gross domestic product or military firepower."
Je ne vous traduis pas !
Des anglophones intellectuels dénoncent
aussi cette situation !
Certains
peuvent penser qu’avec un haut niveau d’anglais, face à cette
situation, les chances de réussites seront plus grandes.
Mais
hélas, les pays ayant favorisé la langue anglaise se trouvent en
état de diglossie, leur langue est devenue folklorique, sans intérêt
pour les autres peuples, même voisins. Et leur niveau d'anglais
pourtant excellent (je pense aux Suédois) reste inférieur à
celui des anglophones de naissance monolingues. Car
l'anglais, langue à la mauvaise réputation de facilité, présente
de nombreuses difficultés, de nombreux idiotismes, et pour
atteindre un niveau satisfaisant beaucoup de temps et d'argent
sont dépensés par les non anglophones dont les Français !
De
plus, nous connaissons actuellement un grave problème en France :
l'orthographe désastreux des jeunes bacheliers, même brillants !
Pensez-vous
que tenir un rang important dans le monde du travail avec une
orthographe désastreuse de sa langue maternelle fasse sérieux !
Mais
dans notre pays, le bachelier d’aujourd’hui a reçu 800 heures
de moins d’enseignement de la langue française (grammaire,
orthographe) que son aîné d’il y a 20 ans. Plus d’anglais
(lavage de cerveau) et réduction de sa propre langue !
Quelle tristesse ! Quel échec !
Sans
compter que peu de non anglophones de naissance sont capables de
tenir une conversation dans cette langue étrangère !
Donc,
le seul résultat est la moins bonne maîtrise de sa propre
langue, c’est tout !
Le
rôle d'une grande école française est de former des représentants
dignes de notre pays, donc de notre langue qui rassemble plus de
200 millions de personnes dans le monde (350 millions si l'on
compte ceux qui l'apprennent en LV1 ou LV2) et une soixantaine de
pays !
La
connaissance de langues étrangères (j'insiste sur le pluriel)
est importante, il n'est pas question de suivre l'exemple de
certains pays anglophones qui prônent le monolinguisme méprisant
! Donc, oui aux cours de langues, anglais, allemand (notre premier
partenaire économique), espagnol, italien aussi, si proche de
notre langue ! Pourquoi pas le chinois, langue d'un pays qui
progresse tant ! Mais non à des cours en anglais tel un pays
colonisé ! Qu’elles ne fassent pas de nos futures élites des
colonisés de l'Empire Britannique ou des États Unis d'Amérique
du Nord.
J’apprends,
M. le Commissaire, que vous avez formé un groupe d’experts sur
le multilinguisme. J’espère que ce choix est judicieux et non
une formation de « fanatiques de l’anglais à tout prix ».
L’Europe a besoin de toutes ses langues et de toutes ses
cultures pour exister dignement en tant que grande puissance indépendante.
On ne peut être écouté qu’en étant soi-même ! Si
certains d’entre vous se trouvaient tentés de faire
officiellement de l’anglais la langue unique officielle de
l’UE, permettez-moi de rappeler à vos mémoires cet événement
passé :
- Lors
de l’Europe à 6, il avait été mis en ordre du jour la
proposition de faire du français la langue unique officielle de
la CEE (ancien nom de l’UE !). Tous les députés, sauf un
(flamand), étaient pour, mais le gouvernement français a refusé
en raison de l’inégalité que cela provoquerait entre les
pays membres de l’Union. Et aujourd’hui vous donneriez ce
privilège immense (refusé hier par esprit de justice par
notre pays) à un pays non fondateur et qui a refusé la monnaie
commune ! La France est pays fondateur, nous avons renoncé
à notre monnaie qui nous était si chère (connaissez-vous
beaucoup d’autres peuples dont la monnaie portait leur nom ?),
et nous n’avons jamais revendiqué le privilège « royal »
de faire de notre langue la seule officielle ! Pourquoi
devrions-nous donner celui-ci à la Grande-Bretagne ou à tout
autre pays membre !
Et
les autres pays fondateurs (Allemagne, Italie, Belgique,
Luxembourg, Pays-Bas) ? Pourquoi doivent-ils continuer à être
mis à l’écart ainsi (du point de vue linguistique) ?
Si
l’UE est une maison, nous en sommes les fondations ! Vous
nous amenuisez, nous fêlez, que se passera-t-il à force ?
La maison s’écroulera !
Mais
avant, combien de générations auront été sacrifiées ?
Vous voulez la grandeur de l’UE, dont vous êtes le Commissaire,
alors respectez-la, respectez ses pays fondateurs, leurs
langues et les langues et cultures de tous les peuples de cette
Union Européenne. Merci.
En
vous remerciant de votre lecture, Monsieur le Commissaire, je vous
prie d’agréer mes distinguées salutations.
Mme Brigitte Laval