De :

  M. Germain Pirlot

  gepir.apro(chez)pandora.be

  Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

 

 

 À  Monsieur Leonard ORBAN

        Commissaire européen chargé du plurilinguisme

        CAB-ORBAN-CONTACT@ec.europa.eu

        eac-unite-c5@ec.europa.eu

 

                                          Ostende, le 13 février 2008

Objet :  Multilinguisme - Franca lingua

 

 

 Monsieur le Commissaire,

 

Sans doute ne lirez-vous pas ma réaction; vous êtes très occupé et n'avez certes pas de temps à perdre avec un plébéien européen.

Cependant je me suis senti interpellé par vos propos publiés le 6 février sur votre "Site multilingue", principalement ceux relatifs à l'espéranto qui, selon vous, ne serait pas apte à devenir la lingua franca de l'Union.

Personnellement je ne m'intéresse pas à la problématique linguistique au sein des instances européennes, où, malgré les dénégations de façade, l'anglais est de plus en plus imposé comme LA langue noble, la lingua franca de l'UE.

Vous déclarez, sur la base de vos informateurs, que "le vocabulaire social ou culturel de l'espéranto n'est guère étendu". C'est possible ! Mais, en tant que simple plébéien, je me demande pourquoi dès alors l'espéranto est-il devenu l'une des "langues officielles et de travail" de l'Académie Internationale des Sciences « www.ais-sanmarino.org » !? Pour y discuter de simples banalités?  

Comment comprendre cette position de l'International PEN à l'égard de cette langue ? International PEN (P= Poets, Playrighters ; E= Essayists, Editors ; N= Novelists, Non-fiction authors - The worldwide association of writers with 145 Centres in 104 Countries exists to promote friendship and intellectual cooperation among writers everywhere, to fight for freedom of expression and represent the conscience of world literature ) « http://www.internationalpen.org.uk/ ».

Après une enquête de cinq ans, l'International PEN a reconnu que l'espéranto était bien une langue littéraire et, depuis, le Centre Esperanto est repris parmi les 145 Centres de cette organisation mondiale :  http://www.internationalpen.org.uk/index.php?pid=19.

Bref, pour le pratiquer quotidiennement depuis plus de 30 ans avec des personnes de tous les continents, de tous les milieux sociaux, politiques, religieux, philosophiques, je trouve, au contraire, que cette langue est une excellente lingua franca et un tremplin idéal vers un multilinguisme tous azimuts. À mes yeux, c'est la seule langue qui permette le dialogue interethnique, interculturel, dans le respect mutuel de la langue, de la culture, de la dignité de chacun, sans aucune forme de racisme culturo-linguistique.

Langue de l'amitié et de la tolérance, l'espéranto génère un esprit spécifique qui est très bien exprimé par un Chinois, professeur d'anglais, dans une déclaration à un journal américain lors d'un séjour linguistique aux États-Unis : "When I speak Esperanto with an American Esperantist, we meet on a linguistically neutral basis, so we avoid the risk of butchering the other's native language. This prevents embarrassment and misunderstanding, and encourages a free and friendly exchange of ideas. When two persons shake hands, each extends his hand halfway, meeting in a neutral zone as a mutual gesture of friendship. So it is with Esperanto - a linguistic handshake" (Zhou Huanchang, Esperanto - A Linguistic Handshake, Los Angeles Times", 2. Part II/ Saturday, March 10, 1984). 

Vous qualifiez par ailleurs l'espéranto de « langue artificielle ». Et je suis entièrement d'accord avec vous. Personnellement je ne connais aucune langue - pas même le français, ma langue maternelle que j'ai enseignée pendant 34 ans dans une école secondaire - qui n'ait pas été créée de toutes pièces, artificiellement, par des êtres humains selon leurs besoins de communication. Si l'on devait rejeter tout ce qui est artificiel, nous en serions toujours à l'âge de la pierre - même pas de la "pierre taillée" qui est déjà "artificielle" et donc à rejeter selon vos critères - et à nous prélasser couverts seulement de nos poils naturels - puisque les peaux de bête sont une couverture "artificielle" et donc à proscrire.

Bref, nous n'aurions pas eu l'occasion de dialoguer, puisque tout naturellement, nous en serions toujours à pousser nos cris primitifs et à esquisser quelques mimiques tout à fait naturelles pour exprimer nos sentiments... bestiaux.

Je vous remercie, si vous m'avez lu jusqu'ici, et vous prie d'agréer, Monsieur le Commissaire, l'assurance de ma considération distinguée.

Un plébéien européen

 

Germain PIRLOT

Enseignant hon.

Steenbakkersstraat 21

8400 Oostende

 

 

Annexe : Comparative characteristics of English and Esperanto
 

 

RÉPONSE

 

M. Harald Hartung

Chef d'Unité

eac-unite-c5@ec.europa.eu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Objet : Mulitilinguisme - Franca lingua-A300-Adonis A2606-D3044

À  Monsieur Germain Pirlot  

     gepir.apro(chez)pandora.be    

       

Le 4 mars 2008

 

 
 

Monsieur Pirlot,

 

Le Commissaire Leonard Orban m’a chargé de vous remercier pour votre lettre par laquelle vous souhaitez la promotion de l'Esperanto en tant que langue commune de l'Union européenne. 

Je voudrais tout d'abord vous assurer que l'une de nos tâches est exactement l'écoute de la société européenne et que par conséquent nous sommes toujours intéressés à recevoir des contributions et des réflexions sur nos politiques. L'Europe est une union d'États démocratiques et pour nous il n'existe pas de plébéiens ou de patriciens: nous sommes tous citoyens.

Pour ce qui concerne la politique linguistique de la Commission européenne, elle est l'expression de la volonté exprimée par les États membres de promouvoir l'apprentissage des langues  en tant qu'instrument d'intégration entre Européens. Nous sommes de l'avis que la connaissance d’une langue est avant tout un moyen d’entrer dans l’histoire et dans la culture des autres pays et de favoriser ainsi le développement d'une conscience européenne. Nos politiques visent à faire en sorte que les Européens parlent au moins deux autres langues en plus de leur langue maternelle.

Quant à l'Esperanto, comme vous le dîtes, il s'agît d'une langue artificielle. De ce fait, elle  n'est pas fonctionnelle aux objectifs de la Commission européenne. Les langues officielles de l'Union européenne sont des langues  naturelles, expression de peuples différents, résultant d'un processus de brassage linguistique qui continue sans cesse. La richesse de nos cultures, leur grande variété, dérive de ces gisements de savoir et d'expérience que sont nos langues. Nous ne sommes pas prêts à y renoncer.

L'Esperanto est assurément une langue d'amitié et de tolérance qui est sans aucun doute très adapté pour les exigences de communication d'autres institutions ou organisations dans le monde. Il est lui aussi un produit de la richesse culturelle européenne et n'aurais pas pu être inventé par quelqu'un qui ne connaissait pas les langues. Ludvic Zamenhof était en effet un Juif Lithuanien d'expression russe qui parlait Yddish, Allemand et Polonais. Lorsque tous les Européens pourront parler, comme Zamenhof, au moins deux autres langues, l'Europe aura enfin développé une conscience commune.

Tout en vous remerciant pour l’attention que vous portez aux activités de la Commission, je vous prie d’agréer, Monsieur Pirlot, l’expression de mes sentiments distingués.

 

Harald Hartung
Chef d'Unité

 

 

Commission européenne - Direction générale de l'éducation et de la culture
Direction C - Culture, Multilinguisme et Communication
Unité 5 - Politiques pour le multilinguisme

http://europa.eu.int/comm/dgs/education_culture/index_fr.htm

 

 

RÉPONSE

 

De :

 M. Germain Pirlot

  gepir.apro(chez)pandora.be

  Mesure anti-pourriels : Si vous voulez écrire à notre correspondant, remplacez « chez » par « @ ».

 

 

 

 

 

Objet :  Multilinguisme - Franca lingua

 

  

À  Monsieur Leonard ORBAN

        Commissaire européen chargé du plurilinguisme

        CAB-ORBAN-CONTACT@ec.europa.eu

        eac-unite-c5@ec.europa.eu

 

 

 

                                          Ostende, le 6 mars 2008

 

 

 
 

Cher Monsieur Hartung,

 

Je vous remercie pour votre courriel du 4 courant, que je me suis permis de transmettre pour information à quelques personnes intéressées par la problématique linguistique au sein de l'Union Européenne au niveau des simples citoyens (non à celui des sphères supérieures des instances européennes).

Officiellement, il est vrai que "vos politiques linguistiques visent à faire en sorte que les Européens parlent au moins deux autres langues en plus de leur langue maternelle". Mais, à ce jour, je ne connais que Mme Viviane Reding, Commissaire européenne, qui ait eu le courage de préciser le réel objectif européen dans une interview accordée à l'hebdomadaire Le Vif / L'Express : "Les Européens doivent apprendre deux langues étrangères : l'anglais et la langue d'un pays limitrophe" !  

De facto il existe bien dans l'Union Européenne des patriciens linguistiques, les "English mother tongue", et des plébéiens linguistiques, dont je fais partie !

Personnellement j'ai étudié à l'école le latin pendant 8 ans (je l'ai enseigné une dizaine d'années), le néerlandais pendant 8 ans (je l'utilise quotidiennement vu que je suis domicilié en Flandre), l'anglais pendant 4 ans; j'ai aussi étudié en autodidacte des rudiments de l'allemand et de l'italien; par ailleurs, en tant qu' Ardennais de naissance, je comprends et lis le wallon de ma région natale. Mais c'est en espéranto que je me sens le plus à l'aise. C'est aussi cette langue qui m'a servi de tremplin vers d'autres cultures, vers d'autres façons de penser. Bref, de toutes les langue que j'ai étudiées, c'est elle qui me paraît la plus "naturelle" à utiliser; elle ne m'est pas plus "artificielle" que le français que j'ai enseigné pendant 33 ans.

Pouvez-vous distinguer les termes "naturels" et "artificiels" parmi les versions suivantes :

- fenêtre : fenestra, okno, fenster, finestra, venster, ventana, vindue, fönster, fenestro, gluggi, vindu, janella, fereastra;

- miroir : espill, zrkadlo, mirror, espejo, spiegel, oglinda, speil, spegulo, zwierciadlo, speculum, spegel, specchio, espelho, spegill, zrcadlo ?

J'ai milité pendant plusieurs années au sein de l'AEDE (Association Européenne Des Enseignants) et du MFE (Mouvement Fédéraliste Européen), mais jamais je n'y ai senti cette "conscience commune" dont vous parlez, alors que je la ressens parfaitement lorsque je dialogue en espéranto avec des Européens d'autres pays ... sans la moindre forme de "racisme culturo-linguistique".

Je comprends parfaitement que vous ne puissiez pas prendre pour argent comptant les propos d'un simple plébéien. Mais pourquoi ne pas juger sur pièces et envoyer des observateurs à l'une des multiples rencontres internationales qui ont l'espéranto comme seule langue commune et de travail? Je pense par exemple au 93e congrès de l'Universala Esperanto-Asocio qui se déroulera du 19 au 29 juillet à Rotterdam? Déjà 1.272 personnes de 60 pays s'y sont inscrites; vous trouverez cette liste sur le site : http://uea.org/kongresoj/alighintoj.php .

Ne serait pas plus objectif, plutôt que de juger des possibilités de l'espéranto uniquement en se basant sur des impressions, des a priori ou de simples racontars ?

Serait-ce par peur de découvrir la réalité ?

À ce propos, permettez-moi de terminer par une citation reprise dans un article de Claude Piron. Namurois d'origine, il étudia l'espéranto comme première langue étrangère; il fut aussi traducteur-correcteur à l'ONU, New York, pendant 5 ans pour l'anglais, le chinois, l'espagnol et le russe, avant d'être chargé de cours à l'Université de Genève en Suisse : « L’étude des réactions à l’espéranto par la méthode de l’entretien clinique met en évidence toutes sortes de peurs sous-jacentes qu’il serait impossible de traiter en détails ici. Relevons-en huit : peur du risque, peur du contact direct, peur de la régression infantile, peur de la transparence, peur de la facilité perçue comme infériorité, peur de la perte d’une supériorité, peur de l’hétérogénéité, peur du nivellement et de la destruction » ( Un cas étonnant de masochisme social  in Action & Pensée, Revue de l’Institut international de psychanalyse Charles Baudouin, n°19, sept.91, pp. 51-79, ISSN 0001-7426).

Veuillez agréer, Cher Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.

Un plébéien linguistique européen

 

Germain PIRLOT

Enseignant hon.

Steenbakkersstraat 21

8400 Oostende